Un américain bien tranquille
Etats-Unis : 1958
Titre original : The quiet american
Réalisation : Joseph L. Mankiewicz
Scénario : Joseph L. Mankiewicz d’après le roman de Graham Greene
Interprètes : Audie Murphy, Michael Redgrave, Claude Dauphin, Giorgia Moll
Éditeur : Rimini Editions
Durée : 2h02
Genre : Drame, Romance, Thriller, Guerre
Date de sortie cinéma : 9 juillet 1958
Date de sortie Combo Blu-ray/DVD : 18 avril 2023
Saïgon, en pleine guerre d’Indochine. Fowler, un journaliste anglais, fait la connaissance de Pyle, un jeune américain. Le journaliste découvre peu à peu que Pyle travaille pour la CIA. Lorsque le jeune homme est retrouvé assassiné, Fowler aide la police à comprendre ce qui s’est passé.
Le film
[4/5]
1952 à Saïgon. Pendant que s’y déroulent les festivités du Nouvel An chinois, un peu plus au nord, la guerre fait rage, une guerre opposant une puissance coloniale, la France, à un mouvement indépendantiste, d’obédience communiste, le Việt Minh. Alors que, pour la grande joie des habitants, de faux dragons circulent dans la ville, accompagnés d’un niveau sonore assourdissant, le corps d’un homme jeune est découvert sur les rives de la rivière qui traverse la ville. Cet homme est américain, originaire du Texas. L’inspecteur Vigot, un français, est chargé de l’enquête et il prend très vite contact avec Thomas Fowler, un journaliste britannique, dont il connait les liens avec « l’américain ». Ce qui lie Thomas et « l’américain » va nous être raconté dans un long flashback. En fait, ce lien entre les deux hommes, c’est avant tout une femme, Phuong, une jeune vietnamienne que Thomas a rencontrée dans un bar à hôtesses et dont il a fait sa maîtresse. Thomas ferait bien de Phuong son épouse légitime mais il est marié en Angleterre avec une femme très pieuse pour qui le divorce est inacceptable. « L’américain », lui, n’a pas le même problème et, étant tombé amoureux de Phuong, il se sent légitime pour envisager de lui proposer le mariage tout en cherchant à se montrer loyal envers Thomas. Alors que « l’américain » se présente comme étant partisan pour l’Indochine d’une 3ème force s’opposant à la fois au colonialisme français et à un communisme téléguidé par la Chine, des rencontres amènent Thomas à le suspecter, ne serait-ce que par naïveté, d’être le responsable d’attentats ayant causé de nombreux morts. A naïf, naïf et demi : n’est-ce pas plutôt Thomas qui se fait mener par le bout du nez lors de ces rencontres et qui finit par adhérer à une histoire qui, finalement, l’arrange bien quant à sa relation avec Phuong ?
Un film sur une enquête policière sur fond de guerre avec des résonances politiques et la présence d’une femme que deux hommes se disputent : on ne peut pas dire que Un américain bien tranquille soit pauvre en centres d’intérêt, bien au contraire. Et pourtant, ce film n’a eu aucun succès critique ou public lors de sa sortie en 1958, sauf en France où le film fut soutenu par Eric Rohmer et Jean-Luc Godard, alors critiques aux Cahiers du Cinéma, Godard allant même jusqu’à en faire son film préféré de l’année 1958. Depuis, ce film que son réalisateur avait lui-même rejeté, est resté dans l’ombre, considéré comme un film mineur de Joseph L. Mankiewicz. Pourtant, en voyant ce film 65 ans après sa sortie, on s’aperçoit qu’il fait partie de ces films qui ont bien vieilli et ce, pour une raison principale : l’authenticité qu’il dégage et qui, en partie, trouve sa source dans le roman de Graham Greene. Certes, le film s’écarte de ce roman sur un point très important : dans le roman, qui fut d’ailleurs accusé d’antiaméricanisme primaire, « l’américain » s’avère être un agent de la CIA et être vraiment responsable de nombreux morts lors d’attentats alors que dans le film, Mankiewicz, qui souhaitait être plus nuancé, fait de « l’américain » une sorte d’idéaliste difficile à cerner mais qui, à tort ou à raison, est considéré comme un coupable par Thomas Fowler à la suite des manipulations dont il est l’objet. A part cet important écart qui, d’ailleurs, fit grincer des dents à Graham Greene, le film est plutôt fidèle au roman et s’avère très bien documenté sur la vie à Saïgon et sur ce qui se passait en Indochine au début des années 50, allant même jusqu’à se faire très précis sur le rôle du caodaïsme lors de la guerre d’Indochine ainsi que celui du général Thé. Indéniablement, ce film, tourné en grande partie en décors naturels à Saïgon et qui voit les français s’exprimer en … français, dégage un parfum d’authenticité qu’on ne retrouve que très rarement dans le cinéma américain de l’époque. La distribution elle-même participe à cette authenticité : Michael Redgrave, l’interprète du journaliste britannique Thomas Fowler, était un acteur britannique ; Audie Murphy, véritable héros de l’armée américaine lors de la seconde guerre mondiale, interprète de cet « américain bien tranquille » qui précise bien dans le film qu’il est originaire du Texas et non de New-York, était lui-même originaire du Texas. Claude Dauphin, l’interprète de l’inspecteur français chargé de l’enquête, était un comédien français. Seule exception : Georgia Moll, l’interprète de la vietnamienne Phong, toujours vivante, est une comédienne italienne.