Ultime violence
Italie : 1977
Titre original : La belva col mitra
Réalisation : Sergio Grieco
Scénario : Sergio Grieco
Acteurs : Helmut Berger, Marisa Mell, Richard Harrison
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h35
Genre : Policier, Thriller
Date de sortie DVD/BR : 1 mars 2022
Le tueur sadique Nanni Vitali s’évade de prison avec trois complices. Il se lance dans une folie meurtrière, remplie de vols, viols, assassinats, et prises d’otages. L’inspecteur Giulio Santini se met à sa poursuite avec force moyens. Mais Vitali va séquestrer son épouse…
Le film
[4/5]
Nanni Vitelli s’évade avec trois complices de la prison où il était enfermé. Malgré la poursuite immédiate du commissaire Santini qui venait l’interroger, il parvient à prendre la fuite, semant la violence partout où il passe, agressant un maximum de policiers, mais aussi des pompistes et un couple d’automobilistes. Lucide et perspicace, la femme dit alors à son conjoint qui pleure sa voiture : « Nous aurions pu mourir ».
Bien vu, car Nanni Vitelli est un exemple fascinant de psychopathe. Il est cruel, méchant, sauvage, sans pitié et ne pardonne jamais. Déterminé à se venger de celui qui l’a dénoncé, il kidnappe ce Barbareschi, avec sa femme. Elle est violée et lui est battu violemment, puis enterré vif, et recouvert de chaux vive. Dans le rôle de ce grand pervers, Helmut Berger est extraordinaire d’animalité en « mad dog killer », comme le précise le titre anglais. Toujours dans la colère, la haine, la folie, il fait peur, grâce aussi la mise en scène du rare Sergio Grieco, dont ce fut le dernier film avant son décès cinq ans plus tard. Bien que parfois approximative, elle sait faire preuve d’un brio communicatif.
Le démarrage est soudain, avec cette évasion qui ne traîne pas et le rythme ne faiblira pas ensuite et ce malgré des incohérences scénaristiques, comme le fait que personne ne pense à prévenir les cibles prévisibles du tueur : le témoin et le juge responsable de son incarcération, et pourtant c’est le père du commissaire qui le traque ! La détermination du tueur passe par le jeu halluciné du compagnon préféré de Luchino Visconti, ce qui fait passer son goût pour la violence gratuite et son absence d’envie de fuir vers un avenir meilleur. Il ne faut pas l’embêter, et il s’assure que personne ne l’oublie, quitte à adopter une stratégie suicidaire.
La musique magnifique de Umberto Smaila est l’autre atout majeur de cette production. Ses notes captivent et accompagnent le goût de Grieco pour ses séquences qui durent, comme deux formidables champs/contre-champs. Le premier est celui où Berger se rapproche de la fiancée de l’homme assassiné dans une carrière. Échange de regards entre les deux, il se rapproche lentement, très lentement, avec ces allers et retours entre leurs deux visages. D’où la question : que fera-t-il quand la musique va s’arrêter ? Moment extraordinaire, magique, qui fera passer tout ensuite. Le charme est là et on attend alors les autres moments forts, qui interviendront à intervalles réguliers.
L’autre grand exemple de cette astuce de réalisation est ce ralenti qui accompagne la scène convenue des motards d’un contrôle d’identité qui s’approchent de truands en voiture. Champs/contre-champs à nouveau donc, sur du Smaila, avec ce suspense sur le futur de ses deux pauvres représentants de la maréchaussée. La question n’étant pas celle de leur survie, mais de la réaction des deux otages, le juge contraint au silence pour ne pas mettre en danger sa trop jolie fille. On les sent tentés de les prévenir, impression que permet ce temps qui dure. Il fait bien de se méfier, car plus tard, la poitrine de Marina Giordana (la sœur du héros) sera outrageusement lacérée avec la lame d’un couteau et Claudio Gora (leur père) sera copieusement assaisonné de plusieurs coups de feu par un jeune criminel paniqué qui s’excusera d’un « oups, pas fait exprès ». Sans cette composition hypnotisante, les scènes ne fonctionneraient pas avec ce même côté jouissif. Les thèmes se répètent, avec quelques variations dans les arrangements, leur permettant ainsi de s’inscrire dans les mémoires.
Le personnage féminin principal, Giuliana, la fiancée du témoin massacré, semble n’être qu’une victime, mais ses prises de risque lui donnent un peu plus d’épaisseur. Victime d’un premier viol sur les lieux du crime, elle devient le jouet sexuel de Nanni qui dans une scène culte permet à Helmut Berger de mal viser le point d’entrée, avant de se ressaisir et de se décaler un peu plus adroitement sur le corps de Marisa Mell (la méchante du Danger Diabolik de Mario Bava) qui n’a manifestement pas fait de bronzage intégral. Mais elle n’est pas qu’un objet de stupre. Si Richard Harrison incarne le héros parfait (entouré de flics incompétents qui ne parviennent pas à arrêter le vilain Nanni malgré de multiples essais), elle est celle qui se met le plus clairement en danger, comme lors de sa libération gonflée d’un groupe de femmes prises en otage.
Elle a beau affirmer « J’ai peur », lorsque son ravisseur lui demande d’être complice dans le braquage de la banque où son père travaille, elle prévient alors immédiatement la police. Car lorsque le tueur fou affirme « je ne verserai pas une goutte de sang », elle imagine alors son père mitraillé avec horreur, dans une scène imaginée montée avec subtilité par Francesco Bertuccioli et Adalberto Ceccarelli. Leur travail est soigné dans ces scènes, mais aussi dans les scènes de poursuites en voitures, et évidemment ces ralentis. Le talent du directeur de la photo Vittorio Bernini à l’image accompagne lui aussi ces quelques belles idées de mise en scène. Lorsque Nanni tente d’abattre Giuliana dans la nuit, caché dans l’immeuble d’en face, on devine tout grâce au cadrage des deux lieux de l’action et les quelques explosions de lumières avec ces échanges de tirs qui éclairent brièvement la nuit bien noire. Ce jeu entre obscurité et clarté se retrouvera dans la scène finale dans un entrepôt, lorsque le nouveau complice du tueur avance à travers des tuyaux (avec un travelling qui annonce celui de Wong Kar Wai dans In the Mood for love – toutes proportions gardées, c’est pour l’image) à peine éclairé par une lumière venue du plafond.
Nanni Vitelli est une belle ordure et il aime s’en prendre en priorité aux faibles. Il sera moins efficace face au talent de ninja du commissaire Santini. Car ce dernier est interprété par l’inénarrable Richard Harrison, le Chuck Norris européen, choisi quand l’autre n’était pas disponible. Curieusement, Richard Harrison à la moustache très années 70 et Helmut Berger ne semblent jamais apparaître dans le champ ensemble, même quand le premier persifle avec cette phrase moqueuse : « on est perdu sans son arme » lorsque le fou est désarmé d’un coup de tatane. Le regard de Berger illustre cette perte de repères du tueur fou, qui le restera jusqu’au dernier plan où il explose de rage. Un animal, un vrai. À noter : ce film est cité dans Jackie Brown de Quentin Tarantino, le personnage de Bridget Fonda le regardant à la télé, et d’ailleurs Helmut Berger est crédité dans les remerciements.
Critique de notre rédacteur en chef Pascal Le Duff.
Le Blu-ray
[5/5]
Après avoir été légèrement délaissée par l’éditeur, la collection « Polar » d’Artus Films s’est largement étoffée ces derniers mois, avec la sortie en 2021 de films tels que Flics en jeans, Les Contrebandiers de Santa Lucia, Opération K ou encore Société anonyme anti-crime. Le premier trimestre de l’année 2022 sera donc marqué par les sorties conjointes d’Exécutions et surtout d’Ultime Violence, qui s’avère un des représentants les plus sauvages du néo-polar italien des années 70. Disponible au format Combo Blu-ray + DVD chez Artus depuis le 1er mars, Ultime Violence est comme d’habitude proposé dans un joli digipack deux volets, surmonté d’un fourreau aux couleurs du film et suivant la charte graphique de la collection « Polar ». Il s’agit d’un très bel objet, et on salue le soin sans cesse renouvelé d’Artus Films dans le but de livrer au consommateur français de beaux Blu-ray qu’il sera fier de voir trôner sur ses étagères.
Côté master, l’éditeur a également fait du très beau boulot : le film est proposé au format Cinemascope 2.35 respecté, l’encodage est proposé en 1080p, et le master affiche une belle pêche, avec un grain cinéma conservant son aspect roots bien rugueux, mais qui bénéficie tout de même d’une définition et d’un piqué d’une très belle précision, fluctuant cela dit très légèrement – époque oblige – d’une séquence à une autre. Les plans nocturnes ou en basse lumière sont admirablement gérés, on applaudit des deux mains, c’est du très beau travail éditorial. Côté son, la version française d’origine côtoie donc la V.O italienne, toutes deux sont mixées en LPCM Audio 2.0 et mono d’origine : les deux mixages nous proposent des dialogues clairs et on ne dénotera aucun souffle parasite disgracieux ; on préférera néanmoins la version originale, qui fait preuve de plus de pep’s.
Du côté de la section suppléments, outre la traditionnelle galerie de photos et la bande-annonce du film, on sera ravis de retrouver une présentation du film par Curd Ridel (33 minutes), qui, assis devant son impressionnante collection de bandes dessinées, évoquera dans le détail la carrière de chacune des personnalités jouant dans le film : il commencera en abordant la carrière de Sergio Grieco, puis d’Helmut Berger, et terminera avec celles de Richard Harisson, Marisa Mell et de quelques autres seconds-rôles du film. En arrière-plan, impossible de ne pas remarquer le troisième tome d’Angèle et René, une BD signée Curd Ridel et disponible sur son site Internet, de la même façon que celle de Radio Kids, que vous lisiez sans doute dans les pages de Pif Gadget dans les années 80.