True Detective – Saison 3
États-Unis : 2019
Titre original : –
Création : Nic Pizzolatto
Acteurs : Mahershala Ali, Stephen Dorff, Carmen Ejogo
Éditeur : HBO
Durée : 8h environ
Genre : Série TV, Policier
Date de sortie DVD/BR : 4 septembre 2019
En 1980, la police de l’Arkansas est mobilisée dans la région des Ozarks suite à la disparition de deux enfants. En apparence banale, l’enquête se révèle longue et très complexe. Trois temporalités permettent d’éclairer ce même mystère. Dix ans plus tard, la découverte d’un nouvel élément redistribue les cartes et amène à la réouverture du dossier. En 2015, l’enquêteur principal, hanté par l’affaire, revient sur ce sujet très douloureux qui a marqué sa vie…
La saison
[5/5]
Dans le cas d’une série telle que True detective, il serait absolument criminel de vous révéler de façon trop approfondie les tenants et les aboutissants de l’intrigue, qui repose en partie sur les révélations qui y sont distillées de façon aussi addictive que surprenante. On a donc pris le parti de vous proposer une critique [SANS SPOILER] majeur.
« Tout le monde ment » déclare l’inspecteur Wayne Hays (Mahershala Ali) dans les premières minutes de cette troisième saison de True detective. Et en effet, alors qu’il déclare à ses supérieurs « faire un point sur une série de cambriolages », le spectateur le découvrira avec son partenaire dans une décharge, en train de boire des bières en tirant sur les rats. Tout le monde ment donc, sciemment ou par omission, tout le monde à des choses à cacher, tout le monde possède sa propre vérité. Pour la troisième saison de son show événement, Nic Pizzolatto choisit de démontrer à quel point la recherche de la vérité peut s’avérer complexe. Pour ce faire, il choisit un processus narratif extrêmement ambitieux : celui de situer son enquête – la disparition de Will et Julie Purcell, deux enfants d’une dizaine d’années – sur trois périodes temporelles séparées. Meurtre et disparition de deux enfants à l’automne 1980, rebondissements dans l’affaire en 1990, puis retour sur les différents faits sous l’impulsion d’une journaliste TV en 2015.
La recherche de la vérité se fait donc parallèlement sur trois époques différentes, s’étalant sur 35 années. Le tout est encore compliqué par le fait que les événements nous sont relatés de façon morcelée par l’inspecteur Wayne Hays, en 1990 comme en 2015, l’instant présent venant occasionnellement parasiter le déroulement du récit. Traumatisé par son expérience au Vietnam, victime de la maladie d’Alzheimer, ses souvenirs, pour le moins confus en 2015, semblaient déjà l’être en 1990, puisque dès les premières minutes du show, un personnage lui fait remarquer ses « problèmes de mémoire ». Mensonges et zones d’ombre persisteront donc au fil de la découverte des ramifications de l’intrigue, d’autant que si l’ex-inspecteur a accepté l’entretien avec la journaliste, c’est pour déterminer « ce qu’elle sait » – ce qui implique, peut-être, qu’il n’a pas forcément envie que la lumière soit totalement faite sur cette affaire…
D’un point de vue rythmique et narratif, cette troisième saison de True detective est un « diesel », démarrant lentement, posant les bases et les personnages au cœur d’une temporalité multipliée par trois. Si bien sûr certains pourront être rebutés par la narration, impliquant un habile jeu de ping-pong entre passé et présent, en revanche, dès le sixième épisode du show, il sera littéralement impossible pour le spectateur de lâcher cette intrigue aussi brillante que complexe, dont les ramifications vont chercher leurs origines au cœur de la première – et brillantissime – saison de la série.
Et on rassure tout de suite les spectateurs qui auraient pu craindre qu’en plaçant une partie de son intrigue dans les années 80, Nic Pizzolatto ait été tenté de surfer sur le succès de Stranger things : point de références méta-culturelles ou d’hommage appuyé à Amblin Entertainment ici, la série s’ancrant au contraire solidement dans le « réel » de la petite ville de l’Arkansas où prend place l’intrigue. L’ombre du Vietnam plane donc au-dessus de nombreux personnages, s’imposant comme de parfaits inadaptés, le racisme est encore très présent et pèse sur l’existence du personnage campé par Mahershala Ali, et les événements réels ayant pris place à l’époque déposent également leur marque sur le déroulement du récit : impossible par exemple de ne pas penser aux « Trois de Memphis West » (1993) à la découverte des trois jeunes métalleux un temps soupçonnés de la disparition des Purcell. C’est tout particulièrement flagrant quand, lors de l’entretien avec un des jeunes gens, l’enquêteur West (Stephen Dorff) tique sur son T-Shirt et demande à son collègue la signification de « Black Sabbath ». L’affaire Purcell de la série pourra également évoquer l’affaire Wetterling, puisqu’elle impliquait la disparition et le meurtre de trois enfants partis faire un tour en vélo dans le Minnesota en 1989, et dont le meurtrier n’a été découvert qu’en 2016.
En tous les cas, on ne pourra que s’incliner devant le résultat obtenu à l’écran par Nic Pizzolatto, qui s’avère en tous points remarquable. La photographie, l’ambiance et la mise en scène – assurée, selon les épisodes, par Jeremy Saulnier, Daniel Sackheim et Nic Pizzolatto lui-même – représentent vraiment ce que l’on peut faire de mieux de nos jours en matière de télévision. Exigeante, complexe, glauque, jonglant avec des thématiques fortes, cette troisième saison de True detective permet à cette création HBO de confirmer son statut de série majeure, absolument incontournable.
Le coffret Blu-ray
[4,5/5]
C’est bien-sûr HBO qui nous livre, quelques mois à peine après leur diffusion TV, les huit épisodes de ce True detective – Saison 3 au cœur d’un coffret Blu-ray de bien belle tenue : les épisodes et les bonus sont répartis sur trois galettes Haute-Définition, l’encodage est proposé en 1080p et impose dès les premières minutes du show un piqué de folie, des couleurs éclatantes, des noirs très profonds et une profondeur de champ assez impressionnante, rendant pleine justice à la photo du show, pour le moins singulière, qui développe d’un épisode à l’autre une ambiance volontiers étouffante et délétère. Côté son, la version originale est encodée en DTS-HD Master Audio 5.1, et propose une excellente dynamique qui assurera à coup sûr une immersion parfaite pour le spectateur dans cette enquête répartie sur trois décennies. La version française doit quant à elle se contenter d’un mixage en DTS 5.1, soignée, efficace mais au rendu forcément un peu moins spectaculaire et immersif qu’en VO.
Rayon suppléments, on trouvera tout d’abord un mini-making of intitulé « Construire la chronologie » (8 minutes). Comme son titre l’indique, le sujet est principalement axé sur le production design et sur le challenge visant à faire cohabiter trois époques séparées au cœur d’une même intrigue : décors, costumes et éclairages sont ainsi passés en revue par l’équipe du show. On continuera ensuite avec une conversation avec Nic Pizzolatto et T Bone Burnett (10 minutes), compositeur de la musique du show depuis ses débuts. Ils déconstruiront ensemble la musique de la saison 3, mais attention si vous n’avez pas encore vu la série – cet entretien est plein de [Spoilers] et dévoile des moments-clés de l’intrigue. Les amoureux de la saison pourront ensuite prolonger le plaisir avec presque 30 minutes de scènes coupées : certaines d’entre elles s’avèrent d’ailleurs très sympathiques (surtout celles mettant en scène Stephen Dorff). Enfin, on trouvera sur le troisième Blu-ray du coffret la possibilité de découvrir le huitième épisode de la saison dans une version longue inédite (1h23), contenant quelques informations inédites, notamment sur la mort du personnage d’Amelia (Carmen Ejogo).