Trois jours et une vie
France, Belgique : 2019
Titre original : –
Réalisation : Nicolas Boukhrief
Scénario : Pierre Lemaitre, Perrine Margaine
Acteurs : Sandrine Bonnaire, Pablo Pauly, Charles Berling
Éditeur : Gaumont
Durée : 2h00
Genre : Thriller
Date de sortie cinéma : 18 septembre 2019
Date de sortie DVD/BR : 25 janvier 2020
1999 – Olloy – Les Ardennes belges. Un enfant vient de disparaître. La suspicion qui touche tour à tour plusieurs villageois porte rapidement la communauté à incandescence. Mais un événement inattendu et dévastateur va soudain venir redistribuer les cartes du destin…
Le film
[3/5]
« En Belgique et dans ses pays limitrophes, l’affaire Michel Fourniret avait défrayé la chronique au tournant du siècle. Cet ensemble de crimes affreux avait alors créé un climat d’angoisse collective, voire de psychose, son existence même rendant dès lors imaginables toutes les horreurs de façon concrète. L’intrigue de Trois jours et une vie s’inscrit dans la même époque et dans le même cadre géographique, à savoir un petit village dans les Ardennes belges plongé dans les préparatifs des fêtes de fin d’année en 1999. Son approche du crime s’avère par contre infiniment plus sournoise que ne le serait une simple chronique policière sur les méfaits d’un prédateur monstrueux. La question de la culpabilité n’y est guère abordée de front. Elle accompagne cependant en sourdine les moindres faits et gestes du personnage principal, un point de repère et d’identification pour le spectateur rendu volontairement problématique par la mise en scène plutôt habile. Car le caractère moral de notre investissement dans ce récit d’une rédemption si difficile à atteindre est forcément imprégné d’une ambiguïté accrue, ne serait-ce qu’à cause du penchant pour la dissimulation qui prévaut chez le protagoniste. La mise en scène de Nicolas Boukhrief assure ainsi un suspense doucement malsain, aux retombées sur la durée en fin de compte peut-être plus graves que le choc du crime initial.
La structure temporelle de l’histoire de Trois jours et une vie a beau compliquer un peu inutilement les choses, avec ce premier retour en arrière de quelques jours avant la tenue de la fouille collective dans la forêt, puis plusieurs sauts en avant afin de mieux développer les séquelles psychologiques et sociales du drame, le temps joue néanmoins un rôle essentiel dans le propos du film. En effet, le fardeau du personnage principal ne s’allège aucunement au fil des années. Il devient au contraire de plus en plus lourd, au fur et à mesure que les décisions du protagoniste, mi-figue, mi-raisin, mais en tout cas jamais à la hauteur des enjeux, le font s’empêtrer dans un projet de vie hautement bancal. La prouesse de la narration consiste alors à nous rendre témoins consentants de cet enfermement à connotation masochiste. Le récit est ponctué d’au moins autant de séquences sur la nature ténébreuse d’Antoine que de celles dans lesquelles il est amené contre son gré au bord du gouffre, lui qui aurait dû être prédestiné à un avenir brillant. Souvent, ce double jeu malicieux est même à l’œuvre en simultané, comme pour mieux signifier qu’avec chaque nouvelle échappatoire – soit néfaste, soit libératrice – ignorée dans l’urgence de l’instant présent, l’étau se resserre encore plus inextricablement autour de ce jeune homme meurtri. (…)
Il en résulte un malaise profond qui prend son origine dans l’interprétation des deux comédiens à la ressemblance bluffante dans le rôle principal, Jeremy Senez en jeune et Pablo Pauly en plus âgé, avant de se répercuter du côté des personnages secondaires, notamment avec ces deux figures paternelles magistralement fêlées, jouées avec leur maestria habituelle par Charles Berling et Philippe Torreton. Quant à Sandrine Bonnaire en mère courage, soucieuse en priorité des apparences dans une communauté étroitement liée, on aurait souhaité que son rôle soit plus consistant, surtout en termes d’indices sur l’étendue de son savoir sur cette sinistre affaire. (…)
Trois jours et une vie est un film de genre des plus solides, qui s’emploie avec une certaine malice à mettre nos convictions morales à l’épreuve. Qui croire et surtout en faveur de qui s’investir émotionnellement dans un film, où le cœur de l’action est désigné quasiment d’emblée comme moralement pourri ? Nicolas Boukhrief dispose de la sagesse suffisante pour ne pas nous apporter de réponse toute faite à ce sujet. Il préfère nous laisser souffrir par procuration auprès d’un personnage en apparence condamnable, mais seulement en raison d’un acte irréfléchi dans sa jeunesse, dont il cherche à se racheter sans trop de succès, ni conviction pour le restant de ses jours. »
Extrait de la critique de notre chroniqueur Tobias Dunschen. Retrouvez-en l’intégralité en cliquant sur ce lien.
Le Blu-ray
[4/5]
A l’occasion de son arrivée sur support Blu-ray sous les couleurs de Gaumont, Trois jours et une vie s’offre un traitement Haute Définition littéralement impeccable. Définition et piqué sont d’une précision chirurgicale, les couleurs chaudes et naturelles rendent honneur à la sublime photo du film, signée Manuel Dacosse (Amer). En deux mots, c’est du tout bon. Côté son, le film est mixé en DTS-HD Master Audio 5.1 et tire vraiment son épingle du jeu : imposant au spectateur une spatialisation très dynamique et des détails d’une précision épatante, ce mixage sonore contribue très largement à l’immersion du spectateur dans l’ambiance délétère et déprimante du métrage. On notera également que Gaumont n’oublie pas les cinéphiles qui visionnent leurs films à domicile sans utiliser de Home Cinema, puisque l’éditeur nous propose également un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 plus cohérent si vous visionnez Trois jours et une vie sur un « simple » téléviseur.
Du côté des suppléments, on trouvera tout d’abord un très intéressant entretien avec Nicolas Boukhrief, dans lequel le cinéaste évoque son travail et les différentes étapes du processus créatif pour lesquels il a tenu à imposer des décisions « collectives ». Il comparera par ailleurs Pierre Lemaitre à Stephen King, arguant que de nombreux cinéastes français reconnus (Jean-Pierre Jeunet, Christophe Gans, Jan Kounen, Gaspar Noé, etc) devraient chacun adapter un roman de l’auteur. On trouvera également deux scènes coupées, prenant place dans les nuits du 23 et du 24 décembre 1999. Elles sont assez passionnantes, et dévoilent explicitement [Attention Spoilers] que la mère d’Antoine (Sandrine Bonnaire) a compris que son fils est lié à la disparition du petit Rémi – une conviction que l’on pouvait certes deviner dans le montage définitif, mais sans que cela soit absolument certain, comme le soulignait à raison notre chroniqueur Tobias Dusnchen.