Test Blu-ray : Tre Piani

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Tre Piani

Italie, France : 2021
Titre original : –
Réalisation : Nanni Moretti
Scénario : Nanni Moretti, Valia Santella, Federica Pontremoli
Acteurs : Margherita Buy, Nanni Moretti, Alessandro Sperduti
Éditeur : Le Pacte
Durée : 1h59
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 27 octobre 2021
Date de sortie DVD/BR : 16 mars 2022

Une série d’événements va transformer radicalement l’existence des habitants d’un immeuble romain, dévoilant leur difficulté à être parent, frère ou voisin dans un monde où les rancœurs et la peur semblent avoir eu raison du vivre ensemble.Tandis que les hommes sont prisonniers de leurs entêtements, les femmes tentent, chacune à leur manière, de raccommoder ces vies désunies et de transmettre enfin sereinement un amour que l’on aurait pu croire à jamais disparu…

Le film

[3,5/5]

Nanni Moretti est un habitué du Festival de Cannes : après avoir obtenu en 1994 le Prix de la mise en scène pour son film Journal intime, il a par la suite tenu le rôle de juré en 1997, remporté la Palme d’Or avec La Chambre du fils en 2001, puis présidé le jury en 2012. En 2021, le cinéaste est à nouveau revenu sur la croisette avec Tre Piani, un film ayant la particularité notable s’être l’adaptation d’un roman pré-existant : une première pour Nanni Moretti, qui avait jusqu’alors toujours été à l’origine des scénarios de ses films.

Tre Piani est donc l’adaptation du roman « Trois étages » de l’auteur israélien Eshkol Nevo, dont Nanni Moretti transpose l’action de Tel Aviv à Rome. Film choral développant une intensité dramatique certaine, le film suit les histoires croisées de plusieurs familles vivant dans le même immeuble. Après avoir confié la garde de sa fille à un voisin assez âgé, Lucio (Riccardo Scamarcio) commence à entretenir des soupçons quant au fait que le vieil homme ait eu des relations « inappropriées » avec fille. Andrea (Alessandro Sperdute) vient de renverser et tuer une femme alors qu’il était ivre au volant de sa voiture. À la grande horreur de sa mère Dora (Margherita Buy), son père Vittorio (Nanni Moretti), qui se trouve être juge, refuse catégoriquement d’aider son fils, et décide même de couper complètement les ponts avec lui. Enfin, on découvrira également Monica (Alba Rohrwacher), une femme enceinte dont le mari est souvent absent pour le travail, qui a dû accoucher seule et partage son temps entre sa fille et sa mère qui souffre de problèmes psychiatriques. Sa solitude la mènera peu à peu vers une dépression post-natale, qui s’aggravera sous la forme d’hallucinations qui seront représentées à l’écran par Nanni Moretti avec une simplicité aussi effrayante que tout à fait plausible.

Les différents arcs narratifs de Tre Piani sont de plus soigneusement ficelés par le cinéaste, qui avance par petites touches en développant une certaine ingéniosité dans la narration, clairement divisée en trois parties, et à chaque fois séparées de cinq ans. Le cœur névralgique du drame néanmoins survient lorsque Lucio, convaincu que Renato a abusé de sa fille, tente « d’utiliser » la petite-fille du vieil homme, Charlotte (Denise Tantucci), pour tenter d’obtenir des informations. L’intimité entre les deux personnages dérape, et, par une certaine ironie nauséabonde, Lucio se verra lui-même accusé d’un abus sur mineure, alors même qu’il soupçonnait quelqu’un d’abuser de sa fille. Curieusement, sur ce sujet précis, Tre Piani ne développera pas jusqu’au bout les idées qui commencent peu à peu à être mises en parallèle par l’intrigue : d’un côté, le poids de la culpabilité est dirigé vers l’agresseur potentiel (Renato), de l’autre, on tend à nous faire penser que c’est la victime (Charlotte) qui est en réalité la véritable coupable au cœur de cette accumulation d’événements terribles. Comme s’il y avait deux poids, deux mesures dans ce genre d’affaires. C’est d’ailleurs encore plus pernicieux, parce que dans le cas de Renato, il n’existe aucune preuve – et pour cause, il n’y a pas de crime – alors que dans le cas de Lucio, même avec les aveux de celui-ci, la justice abandonnera l’affaire par « manque de preuves ».

Bien mené et parfaitement rythmé, et interprété par une bande d’acteurs de grand talent, Tre Piani réserve par ailleurs une poignée de rebondissements inattendus au spectateur, en partie alimentés par des ellipses qui contribuent à créer le recul nécessaire afin de ne pas partager une trop grande familiarité avec les personnages du film. Cette distance permet principalement à Nanni Moretti de se poser en « observateur » de ses contemporains, et d’éviter tout jugement moral trop hâtif. Cependant, s’il fallait dégager une thèse des différentes intrigues mêlées au cœur de Tre Piani, on miserait sur une classique opposition de genres, avec d’un côté les hommes, qui tendent plus facilement à céder à la peur ainsi qu’à leurs impulsions, et de l’autre les femmes, plus enclines à la bienveillance et à une certaine indulgence.

Pour autant, les mini-récits articulés dans l’intrigue de Tre Piani ne se croisent jamais réellement, ne se complètent ou ne s’éclairent pas particulièrement les unes les autres – les différents protagonistes ne partagent rien de leurs expériences, leurs interactions étant limitées au fait de se croiser dans les couloirs de leur résidence. Peut-être s’agit-il là d’une manière détournée pour Nanni Moretti de souligner l’individualisme forcené régnant au cœur de la société contemporaine ?

Le Blu-ray

[4/5]

Le Blu-ray de Tre Piani édité par Le Pacte – et pour le moment proposé en exclusivité dans les magasins Fnac est assez sublime dans son genre. Restituant parfaitement les tons froids et naturalistes désirés par Nanni Moretti et son directeur photo Michele D’Attanasio, le transfert est de toute beauté, proposant un piqué incroyable, ainsi que des textures et des couleurs vraiment saisissants. Les noirs sont profonds, l’encodage ne nous réserve aucune mauvaise surprise, bref c’est une galette Haute-Définition très soignée que nous propose une nouvelle fois Le Pacte. Côté son, VO italienne et VF sont encodées en DTS-HD Master Audio 5.1 : tout en sobriété, mais sachant se montrer parfaitement dynamique dans la restitution des ambiances, les deux mixages assurent une immersion parfaite, sans fausse note.

Rayon suppléments, on trouvera la traditionnelle bande-annonce du film.

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