Tous les dieux du ciel
France : 2019
Titre original : –
Réalisation : Quarxx
Scénario : Quarxx
Acteurs : Jean-Luc Couchard, Melanie Gaydos, Zelie Rixhon
Éditeur : Extralucid Films
Durée : 1h39
Genre : Drame, Horreur
Date de sortie cinéma : 15 mai 2019
Date de sortie DVD/BR : 18 février 2020
Simon, quarantenaire, travaille à l’usine et vit reclus dans une ferme décrépite. C’est un homme solitaire, en charge de sa soeur Estelle, lourdement handicapée à la suite d’un jeu qui a mal tourné dans leur enfance. Malgré ses remords et l’agressivité du monde environnant, Simon garde au plus profond de sa chair le secret espoir de sauver sa sœur en la libérant de la pesanteur terrestre. Et si leur salut venait des cieux ?…
Le film
[4/5]
Un réalisateur nommé Quarxx
Il a choisi un pseudo étrange, qui rappellera aux quarantenaires la série créée, dans les années 90, par Maurice Benayoun en collaboration avec François Schuiten et Benoît Peeters : l’homme se fait donc appeler Quarxx. De son vrai nom Alexandre Claudin, Quarxx est un artiste multimédia, s’étant exprimé au fil des années à travers la photographie et la peinture, et s’étant lancé dans le cinéma à travers une série de courts-métrages pour lesquels il occupait les postes de scénariste, réalisateur et même occasionnellement monteur.
Son premier long-métrage, Tous les dieux du ciel, s’inscrit dans la plus parfaite continuité de son œuvre : il s’agit en effet d’une version « étendue » de son court-métrage le plus remarqué, Un ciel bleu presque parfait (2016). Une extension, une excroissance pourrait-on même dire, au cœur de laquelle il remet en scène ses deux personnages principaux, incarnés par Jean-Luc Couchard et Mélanie Gaydos. Pour résumer le sujet du film en quelques mots, Tous les dieux du ciel suit un homme visiblement paranoïaque, constamment sur la brèche entre la réalité et la folie, veillant sur sa sœur handicapée tout en pensant être en contact avec des extraterrestres.
Film d’ambiance
Pure œuvre d’ambiance, visant le plus souvent – et parvenant régulièrement – à mettre le spectateur très mal à l’aise vis-à-vis de ce qui lui est montré, Tous les dieux du ciel étonne par la radicalité de ses partis pris esthétiques. Malgré les apparitions de Mélanie Gaydos, dont le physique singulier inspire un mélange de crainte de pitié, le film est essentiellement porté par la performance de Jean-Luc Couchard (Dikkenek), qui à la manière d’un Bouli Lanners avant lui, parvient sans peine à imprimer de façon très nette sa présence à l’écran, celle d’un personnage borderline, une bombe que l’on sent prête à exploser d’un moment à l’autre.
Se basant sur une intrigue très ténue, Tous les dieux du ciel joue par ailleurs la carte de la tension, diffuse durant les premières minutes, et montant crescendo au rythme des hallucinations et des cauchemars éveillés du personnage principal. Bizarre, inconfortable, le film parvient tout de même à créer une atmosphère suffisamment dense pour ne jamais lâcher le spectateur, et ce même lorsque le récit s’octroie des digressions typiques du cinéma de genre « campagnard » français. Impossible ainsi de ne pas penser au cinéma de Fabrice du Welz ou au mal-aimé Frontière(s) de Xavier Gens lors par exemple de l’apparition des voisins du personnage principal, paysans consanguins semblant tout droit sortis d’un Delivrance frenchy.
OVNI à la française
Quoi qu’il en soit, et même si l’on fait souvent mine de s’en étonner, il semble clair que le cinéma de genre hexagonal opte souvent pour l’étrange, la bizarrerie. La singularité des différents projets ayant atterri sur nos écrans depuis quelques années le démontre parfaitement : les français se sont spécialisés dans l’OVNI filmique, dans les films aux thématiques inattendues et développant une identité extrêmement marquée. Tous les dieux du ciel ne fait pas exception à la règle, imposant plus que jamais une atmosphère malsaine et un jusqu’au-boutisme aux relents métaphysiques. Étouffant, poétique, quasi-expérimental par moments, et même bizarrement tendu dans son dénouement, le film de Quarxx ne ressemble à aucun autre. Tout comme ceux d’Hélène Cattet et Bruno Forzani, de Julien Seri, de Coralie Fargeat, de Romain Basset, de Dominique Rocher ou de Ludovic de Gaillande. Ça tombe bien : c’est comme ça qu’on aime le genre à la française.
Le Combo Blu-ray + DVD
[4,5/5]
Premier film édité en Blu-ray par Extralucid Films, Tous les dieux du ciel permettait à ce nouveau venu sur le front de l’édition en France de frapper un grand coup, avec un coffret extrêmement soigné s’imposant comme un superbe objet de collection. Le packaging est de toute beauté, avec un digipack trois volets s’insérant dans un fourreau ajouré qui nous proposera même un visuel alternatif en fonction du sens d’insertion du digipack dans l’étui. Le design et la composition graphique de cette édition sont signés John Capone, auteur du fanzine « Sac à cadavres » et collaborateur régulier d’Alain Schlockoff et de L’écran fantastique. L’illustration est quant à elle signée Jérémy Pailler. Bref, avant même l’insertion du Blu-ray dans le lecteur ad hoc, on est heureux de tenir dans les mains une édition « Collector » confectionnée avec le plus grand soin du monde par une équipe d’amateurs éclairés.
Côté Blu-ray, il faudra d’entrée de jeu admettre que le boulot abattu par Extralucid Films sur le Blu-ray de Tous les dieux du ciel est d’un très haut niveau. La définition et le piqué sont d’une précision incroyable, les couleurs affichent une vitalité extraordinaire, et le niveau de détail est assez époustouflant. Les scènes sombres ou en basse lumière ne sont pas en reste, le master proposé par l’éditeur ne souffrant d’aucune baisse de régime. L’encodage étant au diapason, tout est fait pour découvrir le film dans les meilleures conditions possibles. Seul défaut de cette galette Blu-ray : nous proposer un encodage en 1080i, cadencé à 25 images / secondes, ce qui réduit la durée du film d’1h40 dans les salles obscures (durée indiquée dans le dossier de presse) à 1h37 au format Blu-ray. Dommage. Côté son, on savourera le film de Quarxx en DTS-HD Master Audio 5.1. La première partie du film laisse la part belle aux ambiances, avec néanmoins quelques pics dynamiques inattendus et très surprenants. La seconde partie s’avère encore plus immersive et vraiment stressante, utilisant à bon escient la scène arrière pour renforcer les moments les plus éprouvants pour le spectateur. En revanche, le son est peut-être mixé un peu bas : n’hésitez pas à augmenter le volume pour profiter au mieux de la spatialisation de l’ensemble et de l’excellent placement des dialogues.
Du côté des suppléments, Extralucid Films nous propose tout d’abord un livret de 24 pages avec un duplicata du dossier de presse datant de la sortie en salle (avec notamment une très intéressante interview de Quarxx). Sur la galette proprement dite, on se régalera d’un intéressant commentaire audio de Quarxx et Jean-Luc Couchard, qui se complétera d’un entretien avec Quarxx (15 minutes), d’avantage centré sur la genèse du film et le statut de « carte de visite dorée » du court-métrage Un ciel bleu presque parfait, réellement conçu pour réunir les fonds nécessaires à la mise en chantier du long-métrage. Il reviendra également sur sa rencontre avec Mélanie Gaydos, ainsi que sur ses autres courts-métrages – du moins ceux qui sont présents au sein de ce coffret.
Car en effet, cette édition comprend également trois courts métrages de Quarxx : on commencera tout d’abord avec Rasta Kamikaze Bang-Bang (25 minutes), qui s’avère un délire complètement barré mais assez fun dans l’ensemble. Beaucoup moins fun dans son genre, Nuit noire (29 minutes) s’impose comme extrêmement glauque et dérangeant. Et bien sûr, on terminera avec Un ciel bleu presque parfait (37 minutes), véritable « brouillon » de Tous les dieux du ciel.
Enfin, on terminera le tour des suppléments avec la scène des voisins allongée (4 minutes), un entretien avec David Scherer (12 minutes), responsable des effets spéciaux, qui évoquera son parcours (« je suis arrivé là par le métro ») ainsi que son boulot sur Tous les dieux du ciel. Last but not least, on terminera enfin avec un making of (59 minutes), sincère et extrêmement complet, qui reviendra sur la pré-production, les brainstormings concernant le titre du film, la conception des affiches, l’attente, le tournage, les moments de vie, de rigolade – et de découragement aussi. De ce documentaire se dégage néanmoins une bonne humeur assez communicative : un excellent moment !