Tirailleurs
France, Sénégal : 2022
Titre original : –
Réalisateur : Mathieu Vadepied
Scénario : Olivier Demangel, Mathieu Vadepied
Acteurs : Omar Sy, Alassane Diong, Jonas Bloquet
Éditeur : Gaumont
Genre : Guerre
Durée : 1h38
Date de sortie cinéma : 4 janvier 2023
Date de sortie DVD/BR : 17 mai 2023
1917. Bakary Diallo s’enrôle dans l’armée française pour rejoindre Thierno, son fils de 17 ans, qui a été recruté de force. Envoyés sur le front, père et fils vont devoir affronter la guerre ensemble. Galvanisé par la fougue de son officier qui veut le conduire au coeur de la bataille, Thierno va s’affranchir et apprendre à devenir un homme, tandis que Bakary va tout faire pour l’arracher aux combats et le ramener sain et sauf…
Le film
[3/5]
« Depuis des années déjà, Omar Sy fait partie des personnalités les plus appréciées du public français. Avec sa dégaine de grand gaillard au sourire désarmant, l’acteur a conquis le cœur de plusieurs générations de spectateurs en quête de réconfort, notamment grâce à ses rôles récurrents dans l’univers toujours doucement édifiant des films de Toledano et Nakache. Or, dans Tirailleurs, un film auquel il tient visiblement puisqu’il en est l’un des deux coproducteurs, son personnage ne sourit pas. Pas une seule fois. Bien au contraire, cette histoire de guerre racontée avec une sobriété appréciable par Mathieu Vadepied ne cherche jamais à détourner notre attention de l’enfer qu’était le quotidien dans les tranchées au cours de la Première Guerre mondiale. (…)
L’attente inextricable d’une mort quasiment certaine pèse comme une chape de plomb sur le récit. Tandis que les uns s’y sont résignés malgré leurs tentatives de se soustraire à l’appel aux armes, les autres, dont ce valeureux père pleinement conscient de la gravité de la situation, essayent par tous les moyens de protéger leur progéniture contre l’avènement du pire. Après, quelle serait précisément l’issue fatale pour un soldat arraché à sa terre d’origine, puis parachuté dans un pays dont il ne parle pas la langue, aux coutumes qui lui sont étrangères ? Dans un sens, la somme de toutes les guerres du monde n’a pas réussi à répondre de manière définitive à cette question.
Heureusement, ce film-ci ne s’aventure pas davantage sur le terrain idéologiquement glissant de l’hommage aux héros tombés. Non, l’échelle y reste presque intimiste à travers le transfert progressif de pouvoir et d’amour d’un père à son fils. Deux hommes qui sont sans le moindre pathos représentatifs de tant d’autres, sacrifiés sur l’autel de cette folie humaine qu’est la guerre.
Il faut sauver le soldat Adama
Qui est donc cet Adama, un personnage très secondaire dans Tirailleurs ? Guère plus que le symbole d’une boucherie aux innombrables victimes sans nom, un brave camarade de division parmi tant d’autres qui se trouvent déchiquetés par les obus, dès qu’ils mettent les pieds dans la boue des tranchées. Autant la relation de plus en plus tendue entre le père et son fils est au cœur de l’intrigue, autant le scénario regorge d’autres personnages en chair et en os, mais surtout en proie à une lutte féroce pour leur survie. Ainsi, tout le monde cherche à faire abstraction de l’horreur inéluctable qui survient avec chaque nouveau départ sur la ligne de front. Hélas, aucun subterfuge, religieux ou bien criminel, n’est en mesure de tromper la loterie des places à prendre sur les charrettes fantômes.
Là où il n’y a plus de mots, où la communication reste de toute façon rudimentaire à cause de la barrière de la langue – c’est beau quand même de voir un film principalement en peul franchir la barre du million de spectateurs en France ! –, les images font office de porteur d’espoir ou plutôt de désespoir. Cependant, aucune gloire visuelle n’est à tirer de ce quotidien usant à quelques kilomètres du front. Aucun sursaut héroïque n’est provoqué par la bande originale très digne de Alexandre Desplat. Globalement, c’est un calme lénifiant qui règne avant, après et pendant la tempête. Cette paralysie due à l’impuissance face au rouleau compresseur de la guerre, elle relève à la fois du réalisme dégrisant et de la lucidité résignée par lesquels la mise en scène se distingue. (…)
Souvenez-vous de moi
Néanmoins, cette économie d’actes excessifs convient à un film aux enjeux simples. Le seul souhait de Bakary est de ramener Thierno sain et sauf auprès des siens, quitte à y laisser sa propre peau. Pour cela, il s’adapte aux vicissitudes du terrain. Il fait équipe avec des individus peu recommandables, tout en demeurant circonspect à l’égard d’une hiérarchie d’hommes blancs au mieux animée par un fanatisme aussi naïf qu’aveugle. La longue série d’entorses au code d’honneur de son pays et de sa religion, ce père pleinement animé par l’abnégation paternelle l’accomplit sans broncher, convaincu du fait que lui seul saura ce qui vaut le mieux pour son fils.
Sauf que ce dernier tend à s’émanciper, malgré ou peut-être justement à cause de la nature imprévisible de l’arrière-plan belliqueux. Sa fuite en avant l’éloignera nécessairement de son père, sans qu’elle ne produise le degré de reconnaissance indispensable pour transformer l’enfant en homme. »
Extrait de la critique de notre chroniqueur Tobias Dunschen. Découvrez-en l’intégralité en cliquant ici !
Le Blu-ray
[4/5]
Avec 1,2 millions d’entrées dans les salles en début d’année, Tirailleurs s’est imposé comme un joli succès public. Et pour rendre hommage à cette réussite inattendue au box-office, côté Blu-ray, Gaumont a vraiment soigné sa copie et nous propose un véritable régal pour les mirettes : les séquences de jour affichent un piqué redoutable, des couleurs naturelles et un niveau de détail assez époustouflant, et les passages nocturnes s’avèrent également convaincants en diable. Les niveaux de noir sont profonds, et on ne constatera aucune baisse du niveau de détail, la précision étant toujours de mise. C’est parfait. Niveau son, le film de Mathieu Vadepied est proposé dans un très impressionnant mixage DTS-HD Master Audio 5.1, proposant une immersion excellente au cœur du film, une spatialisation efficace et des effets acoustiques tonitruants qui vous feront à coup sûr sauter au plafond durant les scènes de guerre. On notera par ailleurs que Gaumont n’oublie pas les cinéphiles qui visionnent leurs films à domicile sans utiliser de système de spatialisation sonore : l’éditeur nous propose également un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 qui s’avérera probablement plus cohérent si vous visionnez Tirailleurs sur un « simple » téléviseur.
Pour notre plus grand plaisir, la section suppléments du Blu-ray édité par Gaumont est également plutôt bien fournie : on se régalera en effet de la présence d’un passionnant making of (36 minutes) divisé en plusieurs parties. Ce dernier reviendra sur les différentes étapes de la production du film, et permettra au spectateur de découvrir l’envers du décor grâce aux propos des acteurs et de l’équipe. On trouvera également la traditionnelle bande-annonce.