The grudge
États-Unis, Canada : 2020
Titre original : –
Réalisateur : Nicolas Pesce
Scénario : Nicolas Pesce
Acteurs : Andrea Riseborough, Demián Bichir, John Cho
Éditeur : Sony Pictures
Durée : 1h34
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 15 janvier 2020
Date de sortie DVD/BR : 20 mai 2020
Plusieurs personnes décèdent violemment dans de mystérieuses circonstances. En regroupant des indices, l’inspecteur Muldoon découvre rapidement qu’une maison abandonnée est à l’origine de ces événements. Elle décide alors d’enquêter, quitte à y risquer sa vie et celle de sa famille…
Le film
[3/5]
La saga Ju-on, créée par Takashi Shimizu en 1998, aura généré de nombreuses suites, spin-offs, crossovers, remakes et autres reboots. Les personnages de Toshio et Kayako Saeki, les deux fantômes les plus marquants du faiblard Ju-on – The grudge (2002), se retrouveront ainsi plus d’une dizaine de fois à l’écran jusqu’à Sadako vs. Kayako en 2016, véritable monument de n’importe-quoi qui mettait en scène la rencontre entre les entités issues des franchises Ju-on d’un côté et Ring de l’autre.
2020 est l’année de la résurrection de la franchise après quatre ans de sommeil : une nouvelle série japonaise, Ju-on : Origins, est ainsi disponible depuis le 3 juillet sur Netflix. Et en début d’année, Sony nous proposait une nouvelle expérience cinématographique autour de la franchise. Un film sobrement intitulé The grudge, qui ne remporterait que 21 millions de dollars aux Etats-Unis, mais exploserait littéralement dans les autres pays du monde, puisque le film affiche des recettes cumulées de 47 millions de dollars à l’international. Il semble donc que, seize ans après le premier remake américain, l’attrait pour la saga ne se démente toujours pas… En France, 215.000 spectateurs s’étaient plongés dans l’expérience…
Cela fait deux fois que l’on utilise, à dessein, le terme « expérience ». Car The grudge cuvée 2020 est un film d’horreur expérimental. D’un genre jamais vu. Et qui pourrait servir à créer une nouvelle catégorie dans le cinéma d’épouvante : le « Horror Porn ». Comme le « Torture Porn », mais uniquement composé de séquences d’horreur classiques et de jump scares. On s’explique. Si l’on reprend la saga à son origine, que cela soit aux Etats-Unis et au Japon, la franchise The grudge s’est très rapidement résumé à – en gros – tenter de faire apparaitre Toshio, le petit garçon fantôme, dans les endroits où on l’attendait le moins, et souvent d’ailleurs dans les endroits les plus exigus qui soient. Si la palme du grand n’importe-quoi était sans doute atteinte avec The grudge 2 (2006, USA) et ses apparitions hilarantes, les auteurs des films suivants auraient pu encore pousser d’avantage le vice, en faisant apparaitre Toshio sortant du trou de balle du héros.
The grudge version 2020 prendra quant à lui une direction radicalement opposée, puisqu’il fera disparaitre le petit garçon blafard aux yeux noirs au profit d’autres fantômes. D’ailleurs, la seule référence qui reliera réellement le film aux précédents se situe dans la première séquence, prenant place au Japon, devant la maison où se déroulait le film d’origine. Une première agression signée Kayako, dont la main sort d’un sac poubelle (sic), puis direction les Etats-Unis, où la malédiction va se propager, en mode typiquement 2020 en quelque sorte, puisqu’elle s’étendra à la manière d’un virus, grâce à plusieurs familles (clusters), les Landers tout d’abord, puis les Spencer, les Faith et les Muldoon.
Comme dans d’autres films de la franchise, The grudge 2020, écrit et réalisé par Nicolas Pesce, prendra le parti d’une narration non-linéaire, multipliant les allers et retours dans le temps. Mais ce n’est pas cette notion de « puzzle » temporel qui sera le plus déstabilisant pour le spectateur, mais bel et bien la volonté, claire et manifeste, de dégraisser sa narration au maximum. Surtout, Pesce fait donc le choix d’articuler son récit cousu de fil blanc non pas autour de ses personnages mais autour de nombreuses, très nombreuses séquences de terreur. Des séquences « à la The grudge » bien sûr, multipliant les craquements, les bruits étranges et amplifiés, les ombres (mais allumez les lumières nom d’un chien !) et bien sûr les jump-scares en veux-tu en voilà.
The grudge impose donc au public un type de narration très particulier, extrême, enchainant les scènes de flippe mécaniques sans jamais vraiment se soucier de ses personnages, qui ne dépassent jamais le statut de simples « silhouettes », sans âme et interchangeables. D’où la dénomination de « Horror Porn » que l’on utilisait en préambule. Seuls Andrea Riseborough et Demián Bichir, excellents acteurs, parviennent néanmoins à donner un peu de chair à leurs personnages de flics désabusés qui, sans leur aura, ne seraient que des coquilles vides baignées dans la sublime photo de Zack Galler, et destinées à illustrer quelques scènes « gore ». Gore ? Oui oui, vous avez bien lu – le film s’avère en effet beaucoup plus sanglant et brutal que ses prédécesseurs, au point même que l’on puisse trouver que The grudge eut mérité une classification un peu plus sévère que la simple interdiction aux moins de douze ans dont il a écopé en France. Ainsi, le sort réservé aux personnages de Lin Shaye et de William Sadler s’avère tout particulièrement graphique et cruel…
Cette cuvée 2020 de The grudge se fait donc sous le signe de l’expérimentation formelle et narrative, et comme toutes les expérimentations, elle se doit d’être soutenue à sa juste valeur. Pour autant, la nouveauté tend toujours un peu à effrayer… Le public et la critique se sont ainsi montrés assez impitoyables vis-à-vis du film de Nicolas Pesce. Ce dernier affiche donc une moyenne de 4,2/10 sur le site de référence IMDb (pour plus de 15.000 votants), et un taux de satisfaction de 23% sur l’agrégateur critique Rotten Tomatoes (pour 3400 votants). C’est peu… Mais raté ou réussi, le film mérite que vous vous fassiez une idée par vous-même.
Le Blu-ray
[4,5/5]
Comme à son habitude, Sony Pictures a indéniablement soigné sa copie en ce qui concerne le rendu visuel du Blu-ray de The grudge. Photo sublime oblige, un soin tout particulier a été apporté au transfert Haute-Définition de l’image, qui s’avère réellement de toute beauté. Le master du film affiche donc une forme littéralement insolente : piqué d’une précision à couper le souffle, couleurs éclatantes, profondeur de champ et niveau de détails accrus… Du beau travail pour un véritable monument du cinéma gothique. Côté son, VO et VF sont proposées en DTS-HD Master Audio 5.1, nous plongeant au cœur de mixages d’ambiance immersifs à souhait, dynamiques en diable, et qui vous feront à coups sûr bondir de votre fauteuil à chaque jump-scare. Du lourd.
Dans la section bonus, on découvrira tout d’abord un mini making of qui prendra la forme de deux featurettes (7 minutes) revenant sur le film et sa conception (notamment les maquillages et les effets gore), notamment avec des interventions du producteur Sam Raimi. La troisième featurette, présentée par le scénariste / réalisateur Nicolas Pesce lui-même, sera consacrée aux easter eggs, c’est-à-dire aux clins d’yeux et autres références que The grudge 2020 entretient avec les autres films de la saga (5 minutes).
Last but not least, Sony Pictures proposera au spectateur de se plonger dans 30 minutes de scènes coupées (dont une fin alternative), preuve s’il en fallait une de la volonté de Nicolas Pesce et son équipe de dégraisser au maximum le film, de le resserrer le plus possible autour de ses scènes de flippe. Une belle façon de prolonger le plaisir pour qui apprécie le film.