The empire of corpses
Japon : 2015
Titre original : Shisha no teikoku
Réalisateur : Ryôtarô Makihara
Scénario : Koji Yamamoto, Midori Goto, Hiroshi Seko
Acteurs (VO) : Kana Hanazawa, Yoshimasa Hosoya, Taiten Kusunoki
Éditeur : @Anime
Durée : 2h00
Genre : Animation, Fantastique
Date de sortie DVD/BR : 13 juillet 2016
Londres, fin du 19ème siècle : une nouvelle technologie permet de redonner vie à des cadavres humains et, par l’intégration d’âmes factices, de les exploiter comme une main d’œuvre gratuite et corvéable. John Watson, étudiant en médecine, est mandaté par les services secrets britanniques pour rechercher les écrits légendaires du docteur Victor Frankenstein dans lesquels est dévoilé le procédé qui a permis la naissance de « la Créature », le seul cadavre doté de la parole et du libre-arbitre…
Le film
[4,5/5]
Le nom de Project Itoh ne vous dira peut-être rien, mais les amateurs de culture japonaise auront sans doute entendu parler de ce jeune auteur de science-fiction décédé en 2009 des suites d’un cancer et laissant derrière lui deux romans, Genocidal organ et Harmonie (disponible en français chez Panini Books) et les trente premières pages d’un troisième, The empire of corpses. Disparu à l’âge de seulement 34 ans, Project Itoh nous a laissé les bases prometteuses d’une œuvre qui s’annonçait aussi dense que vraiment variée, au point que beaucoup de japonais lui vouent aujourd’hui un véritable culte. De ce culte est né le projet insensé d’adapter pour le cinéma les trois récits du jeune romancier, sous la forme de films d’animation, tous mis en boîte par des studios différents pour une sortie commune à l’automne 2015. L’homogénéité graphique entre les trois films est assurée par le célèbre illustrateur / designer redjuice, qui assurera pour la trilogie le poste de chara-designer.
Sur les trois films originellement prévus, seuls The empire of corpses et <harmony/> ont pour l’instant vu le jour. Le tournage de Genocidal organ a en effet été interrompu par la faillite du studio Manglobe, puis repris avec le même staff technique par Geno Studio. Le film sortira finalement sur les écrans japonais en 2017.
Premier film de la « trilogie » Project Itoh à être sorti sur les écrans japonais, The empire of corpses se base sur un roman inachevé, dont la particularité est d’avoir été terminé par Toh EnJoe, collaborateur régulier d’Itoh. Si l’on ne saura jamais réellement si les directions narratives prises par Toh EnJoe sont comparables à ce qu’aurait signé le romancier, elles sont du moins fidèles à l’esprit de Project Itoh, notamment dans cette obsession très post-11 Septembre d’un ennemi « intérieur », à priori indécelable : sans trop en dévoiler sur l’intrigue des deux romans et films, dans The empire of corpses et <harmony/, la menace vient d’éléments insoupçonnables, complètement « digérés » par une société qui ne pourrait plus vivre sans eux. Sans vouloir faire dans la psychologie de bazar, cette peur obsessionnelle d’un mal venant de l’intérieur était sans doute également étroitement liée avec le cancer qui rongeait Project Itoh depuis plusieurs années et a finalement eu raison de lui en 2009.
The empire of corpses est un récit de science-fiction rétrofuturiste, mettant en scène dans un esprit « steampunk » plusieurs personnages issus de la littérature populaire du XIXème et XXème siècle : on y croisera donc des personnages issus d’ouvrages très connus d’Arthur Conan Doyle (John Watson), Mary Shelley (Frankenstein), Daniel Defoe (Vendredi), Fiodor Dostoïevski (Alexei Karamazov, Nikolai Krasotkin), Ian Fleming (M, Moneypenny) ou encore Auguste Villiers de l’Isle-Adam (Hadaly Lilith – L’Ève future). Il n’est donc point étonnant que le film évoque souvent, dans son style et son esprit, la saga de bandes-dessinées signées Alan Moore et Kevin O’Neill La Ligue des gentlemen extraordinaires – à laquelle on ajoutera bien sûr les obsessions et interrogations philosophiques propres à l’œuvre de Project Itoh.
Visuellement sublime, tendu jusque dans ses dernières images et bourré de rebondissements, le film de Ryoutarou Makihara (Hal) s’avère un véritable choc esthétique, une petite bombe d’animation mise en boite par Wit Studio (L’attaque des Titans). L’animation est de grande qualité, décors et chara-design sont vraiment au top, mais c’est surtout grâce à son ambiance sombre et morbide que The empire of corpses marquera les mémoires : l’atmosphère est oppressante, et quand dans sa dernière partie le récit se met à verser dans l’horreur pure (ce final dantesque!), le film déploie enfin toute la folie furieuse que l’on attendait d’un tel projet. Une vraie et belle réussite !
Le Blu-ray
[5/5]
Disponible dans un beau combo Blu-ray + DVD et qui plus est proposé dans un très beau metalpak (voisin du steelbook), le Blu-ray édité par les bons soins de @Anime nous permettra de découvrir The empire of corpses dans un master immaculé, à l’image littéralement superbe, à la définition cristalline et au piqué à couper le souffle. Les couleurs éclatantes et les contrastes renforcent l’impression de se plonger au cœur de cette histoire sombre et forte ; un bel hommage au boulot d’animation abattu par les équipes de Wit Studio. Côté son, l’éditeur nous permettra de découvrir le film soit en VF soit dans sa VO japonaise dans des mixages DTS-HD Master Audio 5.1 qui restituent avec le plus grand soin et à grands renforts de basses tonitruantes l’ampleur grandiose du spectacle qui nous est donné à voir.
Côté interactivité, tout comme dans le cas d’<harmony/> (lire notre test), la galette en elle-même ne comporte qu’une série de bandes-annonces, mais l’éditeur a pris soin de nous livrer à nouveau un superbe objet, puisque le metalpak contenant les deux galettes contient également un livret de 16 pages couleurs contenant entre autres un long et passionnant entretien avec Ryôtarô Makihara (réalisateur) et Koji Yamamoto (producteur en chef), ainsi que deux superbes cartes.