M15 demande protection
États-Unis : 1966
Titre original : The deadly affair
Réalisation : Sidney Lumet
Scénario : Paul Dehn
Acteurs : James Mason, Maximilian Schell, Simone Signoret
Éditeur : Sidonis Calysta
Durée : 1h47
Genre : Espionnage
Date de sortie cinéma : 14 juin 1967
Date de sortie DVD/BR : 10 octobre 2017
Samuel Fennan, employé au Ministère des Affaires Etrangères, accusé d’amitiés communistes, est retrouvé mort. Tout pousse à croire à un suicide mais Charles Dobbs, en charge de l’enquête pour le Ministère de l’Intérieur et qui a rencontré Fennan la veille de sa disparition, ne croit pas qu’il se soit ôté la vie. Ses supérieurs veulent classer l’affaire mais Dobbs insiste et finit par démissionner afin d’avoir les mains libres pour mener son enquête…
Le film
[3,5/5]
Souvent qualifiés d’anti-James Bond, les récits d’espionnage imaginés par John le Carré privilégient clairement le réalisme et la description précise d’une série d’enjeux socio-politiques, au détriment de l’action et des délires exotiques signés Ian Fleming, et adaptés au cinéma à partir de 1962 avec James Bond 007 contre Dr. No. Quand il décide d’aborder l’adaptation d’un roman de John le Carré en 1966, cinq films mettant en scène l’agent 007 sont déjà sortis sur les écrans du monde entier, et Sidney Lumet a donc bien en tête ce à quoi ne ressemblera PAS The deadly affair, qui sortirait en 67 en France sous le titre M.15 demande protection. Paradoxalement, ce titre français avait été imaginé dans le but évident au contraire de surfer sur les multiples bandes d’espionnage qui fleurissaient à l’époque, aux côtés des Coplan ou des OSS 117, et dont certains titres à base de lettres et de chiffres mystérieux font encore, cinquante ans plus tard, frissonner beaucoup d’imaginations : Super 7 appelle le Sphinx, Agent 3S3 : Passeport pour l’enfer et Agent 3S3 : Massacre au soleil, 077 espionnage à Tanger, 001 Destination Jamaïque, Agent secret 00.0H contre docteur Crow, A.D.3 opération requin blanc, A 077 défie les tueurs, Baraka sur X 13, X 1-7 top secret, Agent Z-55 : Mission désespérée, 077 intrigue à Lisbonne, Suspense au Caire pour A008… Et beaucoup, beaucoup d’autres que nous n’avons pas la place de citer ici.
Vous l’aurez compris à la lecture de l’énumération émue des quelques titres ci-dessus : le cœur de l’auteur de ces lignes balance nettement plus pour les aventures exotiques de ces espions aux noms de code improbables que pour les intrigues strictement réalistes ; néanmoins, on ne pourra nier les qualités de M.15 demande protection, le film de Lumet s’imposant comme un excellent thriller, froid et implacable, le cinéaste et son scénariste Paul Dehn privilégiant une approche quasiment intimiste, s’attardant par exemple sur l’étrange relation de couple entre le héros Charles Dobbs (James Mason) et sa femme Ann (Harriet Andersson), libérée de toute contrainte de possession et illustrant d’une bien triste manière le fameux concept d’amour « libre » très en vogue dans la deuxième moitié des années 60. Les manipulations et autres coups bas orchestrés dans l’intrigue d’espionnage se mêlent donc aux non-dits et aux frustrations de la sphère privée, accentuant l’aspect psychologique fort de l’ensemble ; la photo volontairement terne de Freddie Young souligne encore d’avantage l’atmosphère sombre du récit de John le Carré. Le film trouvera par ailleurs toute sa grandeur lors de son éblouissant acte final, réunissant tous les personnages dans un théâtre, devant une représentation d’Edward II : les événements ne se déroulent pas sur scène mais dans la salle, où chacun s’épie et s’observe – le drame se noue, les trahisons se révèlent… Le jeu et la réflexion de Lumet sur la notion de regard sont grandioses, le tout pouvant évidemment s’appliquer également à une réflexion plus générale sur le cinéma.
Qu’importe donc au final si le rythme du film est forcément un poil lent, qu’importe si l’on pourra émettre quelques réserves sur le jeu d’acteur d’un James Mason vieillissant et pas forcément des plus convaincants, au final, M.15 demande protection s’impose tout de même comme une très belle réussite, et un film à redécouvrir.
Le Blu-ray
[4/5]
C’est sous les couleurs de Sidonis Calysta que M.15 demande protection / The deadly affair nous est arrivé courant 2017, et le master de ce nouveau Blu-ray ne nous imposera pas spécialement de taches, griffes ou autres outrages dus au temps, mais il faudra néanmoins composer avec un rendu étrangement doux, manquant un poil de précision et dégageant un aspect un poil trop « numérique » pour être clairement parfait. Bien sûr, il faut garder à l’esprit la volonté du directeur photo Freddie Young de signer un film à l’image volontairement « terne », mais les contrastes semblent osciller un peu d’un plan à l’autre, parfois même au cœur de la même séquence. La profondeur de champ est convaincante, et la galette convaincra tout de même sans trop de difficultés. Côté son, les deux mixages DTS-HD Master Audio mono 2.0 mono proposent une restitution des dialogues sans souffle ni parasites. Il faut noter que la VF manque clairement de dynamisme par rapport à sa grande sœur la VO.
Coté suppléments, et comme à son habitude, l’éditeur nous propose les présentations d’usage, signées Patrick Brion, François Guérif et Bertrand Tavernier. Brion et Guérif survolent le film, en soulignant à la fois ses qualités et ses défauts ; comme à son habitude un peu plus bavard que ses deux compères, Tavernier nous propose de découvrir quelques anecdotes assez passionnantes sur la production du film, mais n’oublie pas non plus de s’attarder sur les quelques défauts du casting : comme son collègue François Guérif, il n’a par exemple guère de sympathie pour l’actrice Harriet Andersson. Le reste des bonus consiste en une galerie photo et l’habituelle bande-annonce originale.