Thanksgiving : La Semaine de l’horreur
États-Unis : 2023
Titre original : Thanksgiving
Réalisation : Eli Roth
Scénario : Jeff Rendell, Eli Roth
Acteurs : Patrick Dempsey, Ty Victor Olsson, Gina Gershon
Éditeur : Sony Pictures
Durée : 1h46
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 29 novembre 2023
Date de sortie BR/DVD : 3 avril 2024
Un an après qu’un Black Friday a viré au chaos, un mystérieux tueur s’inspire de la fête traditionnelle de Thanksgiving et terrorise la ville de Plymouth (Massachussetts), berceau de la célèbre fête. Alors que les habitants sont éliminés les uns après les autres, ces meurtres qui semblaient aléatoires, révèlent un plan plus vaste et sinistre. Les habitants découvriront-ils le tueur et survivront-ils à la fête… ou deviendront-ils les invités de son dîner de Thanksgiving complètement tordu ?
Le film
[4/5]
Les origines du projet Thanksgiving : La Semaine de l’horreur remontent au double programme Grindhouse, chapeauté par Quentin Tarantino et Robert Rodriguez en 2007. À l’époque, Eli Roth avait été « invité », de la même façon que Rob Zombie et Edgar Wright, à signer une fausse bande-annonce de film d’exploitation, afin de marquer la séparation entre les deux « Feature Films » au cœur du projet, à savoir Boulevard de la mort et Planète Terreur. Le choix d’Eli Roth s’était alors porté sur une parodie de slasher en mode 80’s, sobrement intitulée Thanksgiving. Cette fausse bande-annonce servirait de base à Jeff Rendell et Eli Roth afin de rédiger, dès 2010, une adaptation sous forme de long-métrage. Un peu plus de dix ans plus tard, après moult remaniements, Eli Roth nous livre enfin son bébé, Thanksgiving : La Semaine de l’horreur, qui dans l’écriture se révèle un slasher des plus classiques, très old school, mais pimenté par un humour féroce et un recours au gore des plus réjouissants.
Contrairement à ce qu’on aurait pu en attendre, Thanksgiving : La Semaine de l’horreur abandonne la patine 80’s qui faisait l’originalité de la bande-annonce d’origine. Au contraire de Robert Rodriguez sur Machete, Eli Roth et Jeff Rendell ont choisi de placer leur intrigue dans l’Amérique d’aujourd’hui, comme si leur film était un remake contemporain de celui dont on voyait la bande-annonce dans Grindhouse. Mine de rien, les deux co-auteurs du film peuvent se féliciter de n’avoir pas cédé à la tentation de livrer au public un pastiche rigolard, genre dont l’impact tend généralement à s’amenuiser sur la durée. Au contraire, avec Thanksgiving : La Semaine de l’horreur, ils parviennent à saisir l’essence de ces slashers d’antan, tout en conservant un pied solidement ancré dans la modernité. Le film s’amuse de l’air du temps, et de la société US actuelle, dont l’individualisme forcené est renforcé par l’omniprésence des réseaux sociaux. A ce titre, et afin de marquer le « trauma » du tueur masqué qui sévira pendant le reste du film, le slasher d’Eli Roth nous propose une scène d’ouverture très contemporaine : alors qu’une partie des habitants de Plymouth, petite ville du Massachussets, s’apprêtent à fêter Thanksgiving en famille, l’ouverture anticipée d’un supermarché pour le « Black Friday » mène à créer une émeute qui causera la mort de plusieurs personnes. Un an après les événements, un mystérieux tueur déguisé en « Père pèlerin » commence à terroriser la ville…
Eli Roth n’oublie pas que le slasher est un dérivé du whodunit, et le mystère autour de l’identité du tueur est un des éléments les plus amusants du film. Qui est donc ce psychopathe, caché derrière un masque de John Carver, organisateur du voyage du Mayflower ? Grâce au soin apporté à sa scène d’exposition, Thanksgiving : La Semaine de l’horreur donnera presque l’embarras du choix au spectateur : de nombreux personnages étaient présents lors de la scène inaugurale, et le drame a profondément marqué les mémoires de beaucoup d’entre eux, en modifiant considérablement leurs existences et leurs aspirations. Bien sûr, certains spectateurs devineront l’identité du tueur dès le départ, mais on ne pourra que se réjouir des efforts développés par les deux coscénaristes afin de créer une demi-douzaine de suspects potentiels, et de tenir leur narration afin de ne jamais vraiment les dédouaner au fur et à mesure que le récit avance.
Pour autant, là n’est pas forcément l’âme de Thanksgiving : La Semaine de l’horreur. Une des idées les plus habiles du scénario d’Eli Roth et Jeff Rendell est de pervertir l’esprit des fêtes de Thanksgiving, afin de souligner les dérives mercantiles du Black Friday, qui se déroule pile le lendemain de l’Action de grâce. De nombreux films avaient déjà maltraité Noël, et bien sûr Halloween, veille de la fête catholique de la Toussaint, mais d’une façon assez curieuse, aucun slasher ne s’était encore penché sur le fameux « jour de la dinde ». Voilà qui est réparé avec le film d’Eli Roth, qui prend d’ailleurs place dans la ville de Plymouth, ville où les Pères pèlerins débarquèrent du Mayflower en 1620. Comme le suggère sa genèse, qui prend ses racines dans un double-programme qui s’imposait comme un vibrant hommage au cinéma d’exploitation, Thanksgiving : La Semaine de l’horreur est un film d’horreur qui développe un attachement certain aux slashers à petit budget du début des années 80, et Eli Roth aborde clairement son spectacle sous l’angle du plaisir coupable. Pour ce faire, il choisit des éléments généralement associés aux célébrations de Thanksgiving (le repas de famille, la dinde, les Pilgrim Fathers, la parade…), et les retourne dans tous les sens, transformant les traditions avec une imagination certaine pour les outrances gore les plus décomplexées.
Le résultat est incontestablement fun, et on apprécie qu’Eli Roth et Jeff Rendell aient eu à cœur de reproduire certaines scènes présentes dans la fausse bande-annonce de 2007, à l’image de la fameuse scène du trampoline, ici magnifiée par la photo de Milan Chadima, qui avait déjà collaboré avec Eli Roth sur Hostel et Hostel – Chapitre II. Pour autant, on ne pourra nier que Thanksgiving : La Semaine de l’horreur n’est pas non plus tout à fait à la hauteur des attentes du spectateur. Conçu comme un remake d’un slasher des années 80, le film affiche un certain nombre de défauts des remakes de slashers des années 80 : si on ne peut pas lui tenir rigueur de sa volonté farouche de ne pas bouleverser les codes du genres, on peut néanmoins peut-être lui reprocher de ne pas aller assez loin dans l’esprit redneck et gore craspec, à la façon, par exemple, d’un 2000 Maniacs, dont il se rapproche par moments. Mais ne boudons pas notre plaisir : en l’état, il s’agit d’un film/hommage bien écrit, bien torché, et parfaitement rythmé et mis en scène. A découvrir !
Le Blu-ray
[4/5]
Côté Blu-ray, l’expérience Home Cinema que nous propose cette édition de Thanksgiving : La Semaine de l’horreur est réellement magnifiée par un transfert aux petits oignons signé Sony Pictures. Le master affiche une forme insolente, le piqué et le niveau de détail sont d’une précision à couper le souffle, les niveaux de noir sont bien tenus et la restitution des ombres et des lumières est absolument remarquable. Côté couleurs, des éclats de rouge et d’orange profonds percent régulièrement à travers les scènes plus sombres, et l’ensemble de la gamme chromatique est vive et percutante, sans aucun effet de banding ou autre écueil numérique. Niveau son, comme d’habitude chez l’éditeur, VF et VO sont proposées dans des mixages DTS-HD Master Audio 5.1 redoutablement spatialisés : l’immersion est totale, les effets sont dynamiques et nombreux, et le rendu acoustique affiche une ampleur assez impressionnante dans la restitution du crescendo de folie et de chaos que nous propose le film. On privilégiera naturellement la VO, ne serait-ce que pour apprécier à sa juste valeur la performance générale du casting.
Dans la section suppléments, le Blu-ray de Thanksgiving : La Semaine de l’horreur édité par Sony Pictures nous propose tout d’abord une featurette qui fera office de court making of (4 minutes), et qui s’attardera essentiellement sur l’amitié de longue date entre Eli Roth et Jeff Rendell. On continuera ensuite avec une autre featurette centrée sur le gore et les scènes de meurtres (4 minutes), réalisées à l’ancienne et sans recours excessif aux CGI. Sous l’appellation « prises de vue », on trouvera un petit florilège de scènes ratées (5 minutes), avec une petite dose supplémentaire de bêtisier dedans. Plutôt agréable. Mais le gros morceau de l’interactivité du film est surtout constitué d’une large série de scènes coupées et/ou étendues (34 minutes). Les scènes écartées du montage final permettent à l’intrigue de s’attarder davantage sur la personnalité de plusieurs suspects potentiels, tels que Mitch (Ty Olsson), ou le père de Yulia (Jenna Warren), visiblement membre de la mafia russe. Très intéressant ! On terminera le tour des bonus par les films de jeunesse d’Eli Roth et Jeff Rendell (12 minutes), pleins d’imagination et de système D, et on relancera le film afin de se régaler du commentaire audio d’Eli Roth et Jeff Rendell, qui permettra aux deux acolytes de revenir dans le détail que la longue gestation de leur bébé ainsi que sur les différentes étapes du développement du scénario. Ils évoqueront également le casting du film et le tournage, à grands renforts d’anecdotes et d’explications techniques sur les scènes de meurtre, etc.