Texas Adios
Italie, Espagne : 1966
Titre original : Texas Adios
Réalisation : Ferdinando Baldi
Scénario : Ferdinando Baldi, Franco Rossetti
Acteurs : Franco Nero, Alberto Dell’Acqua, José Suárez
Éditeur : Frenezy Éditions
Durée : 1h32
Genre : Western
Date de sortie cinéma : 20 septembre 1967
Date de sortie DVD/BR : 29 avril 2022
Le shérif Burt Sullivan se rend au Mexique avec son frère Jim pour venger leur père assassiné durant leur enfance. Le meurtrier est un riche propriétaire terrien cruel et despotique se livrant à divers trafics. Alors que Burt et Jim s’apprêtent à assouvir leur vengeance, la révélation d’un secret de famille bouleverse leur quête…
La naissance d’un nouvel éditeur
Comme le veut la tradition, et puisque c’est la toute première fois que l’on évoque leur travail, on voulait saluer la naissance d’une nouvelle structure indépendante spécialisée dans l’édition de Blu-ray / DVD : Frenezy Editions. L’ambition de Frenezy Éditions et de son responsable éditorial Stéphane Lacombe est de nous proposer une sélection de titres-phares issus de l’époque bénie de l’exploitation italienne, du début des années 1960 au début des années 1980, et s’exprimant dans le genre Giallo, le western spaghetti, l’horreur et évidemment le genre « Mafia ». Ceux-ci seront distribués dans des éditions Blu-ray soignées, sortant qui plus dans des tirages limités allant de 1000 à 1200 exemplaires qui en feront des objets d’autant plus rares et précieux.
A ce jour, le catalogue de Frenezy ne se compose que de deux films, mais il s’agit de deux titres-phares du cinéma d’exploitation italien des années 70 : La Victime désignée, de Maurizio Lucidi (1971), un Giallo de machination avec Tomás Milián, et Texas Adios, de Ferdinando Baldi (1966) avec Franco Nero. Les prochains titres édités par Frenezy, actuellement en pré-commande sur leur site, sont à nouveau deux Gialli totalement inédits en DVD en France : Femina Ridens (Piero Schivazappa, 1969) et Dans les replis de la chair (Sergio Bergonzelli, 1970). Dans un avenir proche, Frenezy compte également rééditer en Blu-ray La Guerre des gangs de Lucio Fulci et Qui l’a vue mourir ? d’Aldo Lado, tous deux anciennement sortis en DVD sous les couleurs de The Ecstasy of Films.
La profession de foi de Frenezy Éditions et la suivante : « Notre label est consacré à l’édition de films sur support physique. Il correspond à une envie « frénétique » de rendre accessibles au marché français de l’édition vidéo des films qui appartiennent au cinéma que nous aimons, avant qu’ils ne disparaissent dans le flux des fichiers et des diffusions éphémères. Nos éditions sont enrichies de suppléments d’archives ou de contenus produits en interne. Notre ambition est d’offrir un nouvel écrin HD à des œuvres qui le méritent et de faire (re)découvrir certains films cultes restés inédits en vidéo en France… »
On souhaite donc toute la réussite du monde à ce nouveau venu dans le monde de la vidéo physique. Le choix de devenir éditeur, surtout Blu-ray, est vraiment de nos jours une affaire de passion avant tout. Le choix de s’aventurer dans un secteur de niche (la vidéo physique au format Blu-ray) est toujours un risque, et beaucoup s’y sont cassé les dents. Plus d’informations sur le site officiel de Frenezy Éditions !
Le Film
[4/5]
Texas Adios est un western spaghetti sorti sur les écrans en 1966, réalisé par Ferdinando Baldi (Blindman, le justicier aveugle) et mettant en scène Franco Nero dans la peau d’un cow-boy taciturne nommé Burt Sullivan. Mais ce qu’il y a de marrant, avec le spagh’ – ainsi qu’avec le cinéma d’exploitation en général – c’est que les distributeurs des années 60/70 ne se posaient pas trop de questions quant à la notion de « propriété intellectuelle » ; il s’agit même de l’une des bases sur lesquelles s’est fondée le cinéma d’exploitation rital de l’époque. Ainsi, quand un film marchait dans les salles, on n’hésitait pas à tenter de capitaliser sur ce succès en choisissant un titre lui faisant explicitement référence. Dans le domaine du western spaghetti, on dénombra de ce fait de nombreux Ringo, Trinita, Sartana…
Immanquablement, le succès international du Django de Sergio Corbucci en 1966 valut au spectateur une véritable « invasion de Djangos » – de nombreux personnages furent rebaptisés ainsi pour surfer sur le succès du film de Corbucci, même à posteriori, et plusieurs titres de westerns furent modifiés pour y ajouter un « Django » quelque-part, et ce même quand aucun personnage du film ne portait ce nom… Forcément, Texas Adios n’échappa pas à cette folie du retitrage sauvage : la présence à l’écran de Franco Nero justifiait presque instantanément de ressortir le film en le renommant de façon fallacieuse. Le film de Ferdinando Baldi fut donc renommé Django i kamp mod terrorbanden au Danemark, La Venganza de Django au Pérou, Adios Django en République tchèque, Django der Rächer en Allemagne de l’Ouest, et voire même carrément Django 2 dans certains pays…
On imagine bien sûr que Ferdinando Baldi et son co-scénariste Franco Rossetti ont sans doute du être contrariés de l’ombre que le film de Corbucci a pu leur faire, mais il faut tout de même admettre qu’il est bien difficile de ne pas penser à Django à la découverte de Texas Adios. Même acteur principal, même « tonalité » d’image liée à la photo d’Enzo Barboni, même costumier en la personne de Carlo Simi… Tout tend à rapprocher ces deux westerns, même si bien sûr, leurs intrigues sont très différentes. Texas Adios affiche en effet une intrigue plus classique, mais également plus mélodramatique que le film de Corbucci. Le début du film, un poil artificiel et excessif, introduit le personnage de Sullivan de façon à montrer au spectateur qu’il a affaire à un vrai dur à cuire, à un shérif incorruptible à qui on ne peut en conter. On embrayera ensuite directement sur une histoire de vengeance au cœur de laquelle les personnages ne sont étonnamment pas aussi noirs et blancs qu’ils le sont souvent. On pense notamment aux personnages incarnés par José Suárez ou Livio Lorenzon : ils ne sont pas simplement les « salauds de service », mais ont bel et bien un background, une histoire à raconter et nous apparaissent de fait comme bien plus vivants.
A l’occasion de leur quête de vengeance, probablement envisagée par Burt Sullivan comme une façon de rétablir la balance de la justice, le duo de personnages principaux (Franco Nero et Alberto Dell’Acqua) sera amené à traverser la frontière mexicaine, où ils devront faire face à une série d’injustices notoires dans un pays où les plus riches font régner leur loi en toute impunité. A travers le personnage de l’avocat incarné par Luigi Pistilli cependant, les germes de la révolution mexicaine font brièvement leur apparition au cœur de Texas Adios, et ce avant la sortie de films tels que Colorado (Sergio Sollima, 1966), El Chuncho (Damiano Damiani, 1967), El Mercenario (Sergio Corbucci, 1968) ou encore Trois pour un massacre (Giulio Petroni, 1969). Mais ce contexte politique révolutionnaire n’intéresse pas réellement Ferdinando Baldi, qui concentre son énergie sur son intrigue familiale.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que grâce au talent de Ferdinando Baldi couplé à la grâce sauvage de Franco Nero – absolument parfait en incarnation de la loi et de la justice, le type allant jusqu’à épargner même le pire des criminels pour qu’il purge sa peine derrière les barreaux – Texas Adios se déroule sans le moindre accroc. La belle mélodie du film, mélancolique à souhait et signée Antón García Abril, lui confère de plus une atmosphère funeste plutôt payante.
Le Blu-ray
[5/5]
Étant donné l’attente fébrile de la communauté des fans de westerns européens entourant la sortie de Texas Adios au format Blu-ray, Frenezy Éditions a fait les choses en grand afin de livrer au public une édition du film absolument imparable. Côté Blu-ray, le boulot effectué par ce nouvel arrivant dans le domaine de la vidéo nous permettra de découvrir le film de Ferdinando Baldi dans une copie de toute beauté, globalement respectueuse de la granulation d’origine, avec un piqué précis et des couleurs restituant parfaitement l’ambiance du film et la sublime photo d’Enzo Barboni. Côté son, nous avons droit à deux mixages LPCM Audio 2.0 (VF/VO) qui nous proposent un rendu propre et net, sans souffle ni craquements d’aucune sorte.
Côté suppléments, on commencera tout d’abord par une présentation du film par Jean-François Giré (22 minutes). On ne vous fera pas l’offense de vous présenter ce grand spécialiste français du western spaghetti, d’autant que les lecteurs réguliers de la section Blu-ray / DVD connaissent bien ses interventions pour la collection « Western de légende » de Sidonis Calysta. Joliment découpée et chapitrée, l’intervention de Jean-François Giré lui permettra de revenir sur sa découverte du film, dans un cinéma de quartier du quatorzième. Il enchaînera ensuite avec un retour sur la carrière de Ferdinando Baldi, sur les acteurs du film ainsi que sur la musique. Pour terminer, il reviendra sur les similitudes avec Django et le fait que les deux films entretiennent une « cohérence de style ». On continuera ensuite avec un passionnant entretien avec Franco Nero (20 minutes), qui poursuit en fait celui que vous pouviez trouver en supplément sur le Blu-ray de Django sorti l’année dernière chez Carlotta. Toujours passionnant, l’acteur a des choses intéressantes à dire sur Texas Adios, notamment qu’il estime qu’il est le plus « américain » de tous les westerns spaghetti. Il se remémorera le tournage en Espagne, le réalisateur Ferdinando Baldi, Il reviendra également sur le fait de jouer un shérif, sur le rôle des femmes dans les westerns, ainsi sa collaboration avec les autres acteurs du film, notamment Alberto Dell’Acqua et Jose Suarez. Peu avare en anecdotes, il évoquera rapidement ses différentes rencontres avec Clint Eastwood, celle avec John Wayne, etc.
Mais ce n’est pas tout, car Frenezy Éditions est également allé nous dégoter un entretien avec Alberto Dell’Acqua (34 minutes). L’interprète du jeune frère de Franco Nero dans le film reviendra sur la façon dont il est arrivé sur le film, sur son amitié avec Franco Nero, ainsi que sur ses débuts en tant qu’acteur et les autres films dans lesquels il a joué. Concernant Texas Adios, il se rappellera du tournage en Espagne, de sa collaboration avec Ferdinando Baldi, de ses différents pseudonymes, de sa rivalité avec l’acteur Ron Ely, les accidents qu’il a eus en tant que cascadeur, les bagarres etc. Un bon moment, très vivant. Plus sérieux et moins rigolo, on trouvera également une analyse du film par Austin Fisher (16 minutes). Le professeur Fisher y remettra Texas Adios dans son contexte de tournage, en le remettant à sa place dans le développement du western spaghetti. Il reviendra également sur le travail du réalisateur Ferdinando Baldi, sur le manque de style évident du film, sur la politisation du genre qui y était amorcée, et sur le fait qu’il fut régulièrement « vendu » au public comme étant une suite de Django. Enfin, on trouvera également l’habituelle galerie de photos et la traditionnelle bande-annonce du film. Pour vous procurer cette édition limitée à 1000 exemplaires, rendez-vous sur le site de l’éditeur !