Test Blu-ray : Sur mes lèvres

0
588

Sur mes lèvres

France : 2001
Titre original : –
Réalisation : Jacques Audiard
Scénario : Jacques Audiard, Tonino Benacquista
Acteurs : Vincent Cassel, Emmanuelle Devos, Olivier Gourmet
Éditeur : Pathé
Durée : 1h59
Genre : Drame, Thriller
Date de sortie cinéma : 17 octobre 2001
Date de sortie DVD/BR : 26 mars 2025

Carla est une jeune femme solitaire et malentendante qui peine à se faire considérer dans l’agence immobilière où elle travaille. Sa rencontre avec son nouveau stagiaire, Paul, un jeune homme qui tente de se réinsérer après un passage en prison, va bousculer son quotidien. Ces deux êtres, opposés, deviendront vite complémentaires…

Le film

[4,5/5]

Dès la sortie de son premier film Regarde les hommes tomber en 1994, Jacques Audiard s’est immédiatement imposé comme le chouchou de la critique française : même si avec seulement un peu plus de 218.000 entrées, le film était encore resté relativement confidentiel, il avait remporté trois César, dont celui de la meilleure première œuvre. La confirmation « publique » viendrait cependant assez rapidement, puisqu’en 1996, après avoir reçu le prix du scénario au Festival de Cannes, Un héros très discret attirerait plus de 583.000 français dans les salles obscures.

Son troisième film en tant que réalisateur, Sur mes lèvres, occupe une place assez particulière dans la carrière de Jacques Audiard. Tout d’abord, et même si le scénario du film est co-signé avec Tonino Benacquista, il s’agit du premier film de Jacques Audiard qui ne soit pas l’adaptation d’un roman pré-existant ; on peut dès lors affirmer qu’il s’agissait probablement alors de son projet le plus personnel. De plus, il s’agit d’un film « charnière » dans la carrière du cinéaste, qui marquait non seulement la confirmation de l’attachement du public (600.000 entrées) et de la critique (3 César à nouveau) à son égard. Pour autant, sa côte de popularité n’exploserait réellement qu’avec ses trois films suivants, De battre mon cœur s’est arrêté (2006), Un prophète (2009) et De rouille et d’os (2012) qui réaliseraient tous plus d’un million d’entrées dans les salles et remporteraient à eux trois rien de moins que 21 César.

Avec son intrigue à la croisée des chemins entre le drame social et le polar le plus noir, Sur mes lèvres s’avère la parfaite illustration du talent de Jacques Audiard, qui rend ici un puissant hommage aux grandes heures du polar à la française tout en imposant une mise en scène et une narration extrêmement modernes. Le film est centré sur la relation entre Carla (Emmanuelle Devos) et Paul (Vincent Cassel). Carla est sourde, et par le biais d’un dispositif cinématographique très efficace (tant au niveau du son que de l’image), Jacques Audiard nous fait découvrir le monde selon son point de vue. Un monde présenté comme un mélange de stéréotypes et de fantasmes déformés, peuplé de misogynes cruels, de voyous brutaux et de salopes à la tête vide.

Comme le spectateur est confronté à la représentation des tourments intérieurs de son héroïne, il se rend évidemment compte de l’univers solitaire et déchirant de Carla, mais également de sa souffrance et de son ressentiment. Par conséquent, l’impact émotionnel le plus évident au cœur de Sur mes lèvres réside dans la relation qui se développe entre Carla et Paul, surtout dans la première moitié du film : ces deux personnages sont des laissés pour compte, des exclus de la société, et la colère qu’ils ressentent vis-à-vis de cet état de fait attise leurs rêves d’une vie meilleure. Ils ne sont, en réalité, qu’une version contemporaine des Bart et Annie de Gun Crazy, et si le film verse certes dans le polar, les éléments de genre restent le plus souvent à l’arrière-plan, l’intrigue restant centrée sur la relation entre Carla et Paul, et nous livrant au final une étude aussi fascinante que dérangeante de la solitude et de l’exclusion, porté par les performances exceptionnelles d’Emmanuelle Devos et de Vincent Cassel.

Avec le recul, la sortie l’année dernière d’Emilia Pérez, réalisé par Jacques Audiard plus de vingt ans après Sur mes lèvres, tend à mettre en évidence la fascination persistante du cinéaste pour les notions d’identité, de désir, de transformation et de rédemption. Le mélange de fragilité et de force développés par Emmanuelle Devos face à sa marginalisation quotidienne se retrouve dans la prestation de Karla Sofía Gascón. Cependant, on pourra également trouver que les couleurs et les séquences musicales luxuriantes et souvent surréalistes d’Emilia Pérez peuvent parfois nuire à la solennité du parcours des personnages, alors même que Sur mes lèvres faisait preuve de finesse, de retenue et d’une précision artistique remarquable.

Le Blu-ray

[5/5]

Disponible chez Pathé au sein d’une nouvelle vague de Blu-ray de la collection « Version restaurée par Pathé », Sur mes lèvres s’offre un transfert Blu-ray restauré 4K de toute beauté qui devrait en toute logique mettre tout le monde d’accord : la restauration a été effectuée en étroite collaboration avec Jacques Audiard et le chef-opérateur du film Mathieu Vadepied. Le film était jusqu’ici inédit au format Blu-ray, et ce transfert Haute-définition est respectueux de la granulation argentique d’origine, encodé en 1080p et propose un piqué d’une belle précision ainsi que des contrastes et couleurs au taquet. En deux mots, tout est parfait, c’est un travail tout simplement magnifique, et une véritable redécouverte pour les amoureux du film. Niveau son, l’éditeur se révèle également fidèle à ses habitudes, en nous offrant un solide mixage DTS-HD Master Audio 5.1. De nature globalement assez modeste (soit en adéquation totale avec le sujet du film), le mixage multicanal fait tout de même le taf : l’ensemble est parfaitement enveloppant et dynamique, avec des effets multidirectionnels fréquents et efficaces, qui rendent honneur au travail sur le son proposé par le film, surtout dans sa première partie.

Dans la section suppléments, Pathé recycle tout d’abord les bonus déjà présents sur le DVD de 2002 : on commencera tout d’abord avec deux excellents commentaires audio. Le premier est assuré par le coscénariste / réalisateur Jacques Audiard, qui reviendra sur ses choix artistiques en long, en large et en travers tout en évoquant au détour d’une séquence ou d’une autre son amour pour le film. Le deuxième commentaire audio est assuré par les deux acteurs principaux Vincent Cassel et Emmanuelle Devos. Comme dans le film, leur complémentarité est excellente : Emmanuelle Devos est tout en retenue, tandis que Vincent Cassel fait preuve d’un certain humour, et d’un second degré ravageur. On continuera ensuite avec une série de scènes coupées (7 minutes), dans l’ensemble assez courtes. Deux d’entre elles sont proposées avec un commentaire optionnel de Jacques Audiard. On trouvera également une fin alternative (2 minutes), pas forcément des plus réussies, avec un commentaire optionnel de Jacques Audiard. Au rayon des suppléments tirés de l’antique édition DVD du film, on notera également la reprise de l’entretien avec Tonino Benacquista (20 minutes), coscénariste du film avec Jacques Audiard, et de l’entretien avec Alexandre Desplat (14 minutes), compositeur de la bande originale de Sur mes lèvres.

Mais à l’occasion de la restauration 4K de Sur mes lèvres et de sa sortie au sein de la collection « Version restaurée par Pathé », l’éditeur français nous propose également un riche supplément inédit, à savoir une série d’entretiens autour du film avec Jacques Audiard, Tonino Benacquista et Mathieu Vadepied (39 minutes). Il s’agit d’entretiens croisés, enregistrés séparément. Le directeur photo Mathieu Vadepied et Tonino Benacquista prendront le temps de s’exprimer face caméra, sans qu’on leur coupe la parole. Malheureusement, les passages donnant la parole à Jacques Audiard sont orchestrés par Philippe Rouyer, ce qui sous-tend que justement, on ne laisse ici que très peu la parole au cinéaste. En revanche, on entend pas mal Philippe Rouyer, qui revient sur différents aspects du film, mais qui détaille aussi par exemple les méthodes de travail de Jacques Audiard, sa mise en scène ou ce qu’il a voulu dire. Dans un sens, on suppose que cela doit être reposant pour le cinéaste, qu’un journaliste fasse ainsi les questions et les réponses. Pour le spectateur, c’est un peu moins agréable ; heureusement, l’équilibre entre les intervenants permet finalement à ce long sujet de s’imposer comme un making of rétrospectif des plus intéressants.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici