Suceurs de sang
Royaume-Uni : 1971
Titre original : Incense for the Damned
Réalisateur : Robert Hartford-Davis
Scénario : Julian More
Acteurs : Patrick Macnee, Peter Cushing, Alexander Davion
Éditeur : ESC Éditions
Durée : 1h23
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 19 juillet 1972
Date de sortie Blu-ray : 6 juillet 2022
Lors de ses recherches en Grèce, un jeune diplômé d’Oxford, Richard Fountain, disparaît. Ses amis partent à sa recherche et le trouvent sous l’emprise d’une Vampire aux pratiques sadomasochistes. Croyant avoir tué la créature, le groupe retourne en Angleterre, sans savoir que Richard se transforme en suceur de sang…
Le film
[3/5]
Malgré son titre équivoque, Suceurs de sang n’est pas véritablement un film de vampires. En tous cas, le film de Robert Hartford-Davis ne développe pas du tout le folklore habituel tournant autour du mythe vampirique. Pas de canines proéminentes, pas de crainte du soleil ou de l’ail, aucun décorum gothique : pour un film produit au Royaume-Uni en pleine période Hammer Films, Suceurs de sang prend de sacrés risques afin de se détacher des motifs habituels, afin bien sûr de se rapprocher d’un autre folklore : celui du stoner movie hippie et libertaire du début des années 70, représenté par des films tels que The Trip (Roger Corman, 1967) ou Psych-Out (Richard Rush, 1968).
Et alors que Peter Cushing envoie Tony, le personnage principal (Alexander Davion) en Grèce à la recherche de Richard, son gendre disparu et s’adonnant supposément au vampirisme, voilà que le spectateur se retrouve confronté à une longue scène d’orgie surréaliste mettant en scène Françoise Pascal (La Rose de fer) sur fond de LSD, d’images stroboscopiques et de rock psychédélique. On comprend dès lors que l’ambition de Suceurs de sang est ailleurs. Elle est loin, man, loooooin. Elle est far away, man, et le vampirisme, tu vois, c’est le vampirisme de cette société de bourgeois, tu vois, man ? Elle doit être ressentie dans son sens le plus large, man. On rejette tout le fétichisme du sang, man, nous c’est tout nus qu’on ressent les choses. Tous nus et à travers des lumières roses. Tu captes, man ? Tu vois comme on est looooin, là ? Man, la « vampire » du film, Chriseis (Imogen Hassall), c’est la vraie vampire du 20ème siècle, t’vois. Pas la vampire à Papa. C’est une femme, t’vois, une femme, puissante, une séductrice, tu vois. D’ailleurs, Chriseis n’est jamais montrée comme ayant aucun des pouvoirs surnaturels habituellement attribués aux vampires.
Bref. Dans Suceurs de sang, il y a aussi le major Longbow, alias Patrick Macnee, un diplomate britannique qui ne dit jamais non à une bonne bagarre, et s’avère toujours enclin à botter quelques culs. D’ailleurs, la course-poursuite la plus palpitante du film met en scène l’acteur de Chapeau melon et botte de cuir, qui poursuit sur le dos de son âne la vampire Chriseis, elle-même également sur le dos d’un âne. On ressent presque physiquement l’impression de vitesse folle véhiculée par cette séquence grisante. Aux côtés de Patrick McNee, Alexander Davion fait ce qu’il peut, mal servi par un scénario ne le mettant jamais particulièrement en valeur. Les deux personnages partagent également leur route avec Bob (Johnny Sekka) et Penelope (Madeleine Hinde), qui entretiennent une étrange rivalité concernant l’amour de Richard, dont on apprendra bientôt qu’il est en réalité impuissant, et n’a pour le moment fait crac-crac ni avec l’un, ni avec l’autre. A mi-chemin, le film de Robert Hartford-Davis abandonne donc un temps les délires psychédéliques pour se lancer dans une espèce de réflexion freudienne sur les déviances sexuelles.
Si Suceurs de sang ne pourra certainement pas être considéré comme un modèle de rigueur et/ou de construction, on ne pourra en revanche nier que le film tire assez brillamment parti de ses superbes lieux de tournage en Grèce et en Grande-Bretagne. La capacité de Hartford-Davis à gérer l’action est régulièrement mise à mal par des effets spéciaux de mauvaise qualité (chutes de pierres molles…), mais ces derniers contribuent en partie au côté un peu « What-The-Fuck » de l’ensemble, qui nous saute aux yeux de façon violente dès la première scène de partouze, et ne cessera de revenir tout au long de l’intrigue.
Le Blu-ray
[4/5]
Disponible au sein de la riche collection « British Terrors » éditée par ESC Éditions, Suceurs de sang s’offre donc un lifting Haute Définition qui lui permet de retrouver tout l’éclat de sa présentation d’origine. Le film est présenté au format 1.66 respecté, en 1080p, et l’image restaurée est très belle : les contrastes sont fins et affirmés, le grain argentique d’origine est scrupuleusement respecté et le master semble débarrassé de tous les dégâts infligés par le temps (poussières, taches ou autres griffes…). Certains plans « à effets » (fondus enchaînés, mentions écrites) sont certes plus doux que d’autres, mais l’ensemble est bien tenu : la restauration est de qualité, et le résultat est extrêmement satisfaisant. Côté son, la bande-son est proposée en DTS-HD Master Audio 2.0, mono d’origine, en VO comme en VF. Les dialogues sont clairs et bien découpés, et la musique de Robert Richards parfaitement mise en avant. On notera que le doublage de la version française est assuré, entre autres, par Dominique Paturel, Jean Berger ou encore Alain Dorval.
Rayon suppléments, l’éditeur nous propose une présentation du film par Nicolas Stanzick (19 minutes), spécialiste de la Hammer Films et du cinéma d’horreur britannique en général. Avec son flegme et son talent habituels, il reviendra sur le cas Suceurs de sang, en abordant notamment sa production chaotique ayant mené à un ensemble de compromis invraisemblables. Il évoquera bien sûr que le film s’inscrivait dans un mouvement globalement assez dans l’air du temps au début des années 70, et qui constituait à inscrire les grands mythes classiques dans la société de l’époque, cette fois en faisant donc du vampirisme une espèce de pratique sexuelle déviante. Il reviendra également dans le détail sur les problèmes de production rencontrés par le film, ainsi que sur le tournage de quelques scènes additionnelles.