Test Blu-ray : Speak no Evil

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Speak no Evil

États-Unis, Croatie, Canada : 2024
Titre original : –
Réalisation : James Watkins
Scénario : James Watkins
Acteurs : James McAvoy, Mackenzie Davis, Scoot McNairy
Éditeur : Universal Pictures
Durée : 1h50
Genre : Thriller
Date de sortie cinéma : 18 septembre 2024
Date de sortie DVD/BR : 29 janvier 2025

Une famille américaine passe le week-end dans la propriété de rêve d’une charmante famille britannique rencontrée en vacances. Mais ce séjour qui s’annonçait idyllique se transforme rapidement en atroce cauchemar…

Le film

[3,5/5]

Découvert en 2008 avec Eden Lake, le réalisateur britannique James Watkins avait par la suite contribué à la renaissance de la Hammer Films avec The Woman in Black en 2012, puis s’était peu à peu éloigné du cinéma et du genre horrifique en travaillant pour les séries TV Black Mirror et McMafia. Et si on aurait pu penser retrouver James Watkins aux commandes d’un nouveau film de genre en provenance du Royaume-Uni, c’est finalement l’américain Jason Blum qui lui permettrait de retrouver le chemin des plateaux, en lui proposant d’adapter et de réaliser un remake du film danois Speak no Evil, écrit et réalisé par Christian et Mads Tafdrup en 2022. Dans ce film, une petite famille danoise se voyait prise au piège par une famille néerlandaise rencontrée lors d’un séjour en vacances, mais qui se révélaient être de véritables psychopathes.

James Watkins s’est donc attelé à réécrire Speak no Evil pour Blumhouse Productions. La version américaine du film conserve plutôt bien l’intrigue tout autant que la tonalité sombre de l’original, mais diffère tout de même sur certains points. On ignore si c’est un signe des temps, ou si cela est lié au fait que le film de James Watkins soit sorti quelques mois seulement avant la réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, mais il est certain que la personnalité du personnage du « méchant » incarné par James McAvoy dans la version américaine s’appuie davantage sur des dynamiques politiques et de genre que son équivalent danois. James McAvoy joue en effet Paddy comme un véritable mâle alpha, boosté à la testostérone – le genre de type dont la masculinité est tellement débordante qu’elle tend immédiatement à mettre son prochain mal à l’aise.

De ce fait, dans ce Speak no Evil version US, la personnalité de Paddy tend à accentuer le manque de confiance en soi de Ben (Scoot McNairy), dont l’orgueil masculin a pris un coup à cause de son incapacité à trouver un emploi et, surtout, à cause de l’infidélité de son épouse Louise (Mackenzie Davis). Par ailleurs, on pourra également noter que la Louise US est bien moins réservée que son homologue danoise, dans le sens où elle tient régulièrement tête à Paddy, et ce tout au long du film. De son côté, Scoot McNairy incarne Ben comme un homme libéral exagérément doux, presque effacé ; il peine à s’affirmer et peut à peine élever la voix en public. Son couple avec Louise bat de l’aile, ne se font pas confiance, alors qu’au delà des disputes superficielles, le couple formé par les danois Bjørn / Louise dans l’original était plus solide.

Ici, un des sous-entendus les plus évidents de cette version de Speak no Evil est l’attirance homo-érotique entre les deux hommes : non seulement Ben voudrait être comme Paddy, mais il voudrait aussi être avec Paddy. La scène la plus évidente de cette attirance entre les deux hommes est celle du restaurant : dans le film original, les personnages ne font guère plus que de danser collé-serré, alors qu’ici, alors qu’ils se mettent à évoquer ouvertement leur vie sexuelle, Paddy et Ciara (Aisling Franciosi) commencent à parler de leur attirance pour les jeux de rôle, et comme pour illustrer leur propos, Ciara se mettra dans la peau d’une serveuse très docile et passera sous la table pour faire une turlute à Paddy, qui ne cessera de fixer Ben, les échanges de regards entre les deux hommes étant pour le moins explicites.

De fait, on pourra trouver que les changements apportés au script du film par James Watkins enrichissent la portée de cette version américaine de Speak no Evil. Les enfants du film de James Watkins, Ant et Agnes (Dan Hough et Alix West Lefler), sont également un peu plus âgés que dans le film danois, ce qui sous-entend qu’ils sont un peu moins « innocents » et un peu plus enclins à se défendre ou à résister contre Paddy et Ciara. De ce fait, tout au long de Speak no Evil, le petit Ant tentera d’avertir les visiteurs de ce qui se trame dans leur maison. Le cottage isolé dans lequel se déroule le gros de l’action est d’ailleurs un autre atout du film : l’intérieur, composé de petites pièces au plafond bas, dont la plupart sont plutôt encombrées, développent un sentiment de claustrophobie, en plus d’offrir peu d’endroits où s’enfuir ou se cacher.

En revanche, le final du film et le sort réservé aux enfants dans ce remake américain sont probablement les points les plus spectaculairement différents entre les deux films, et ces différences pourront évidemment décevoir les spectateurs ayant vu le film original avant d’en découvrir le remake, dans le sens où le dernier acte du film de James Watkins tient malheureusement du très classique jeu du chat et de la souris entre des gentils affolés et des méchants psychopathes. Pour autant, on ne pourra que saluer le côté excessif et finalement assez jouissif de cette version de Speak no Evil, le tout étant naturellement porté par la performance délicieusement barrée de James McAvoy, mais aussi par les autres acteurs, qui contribuent à donner au film une profondeur et un caractère vraiment surprenants.

James Watkins fait grimper la tension et le malaise petit à petit, jouant avec les limites de la politesse et des conventions sociales, dévoilant peu à peu la personnalité et le background de ses personnages, tous beaucoup plus complexes qu’ils n’y paraissent à priori. Ainsi, Paddy / James McAvoy n’est en réalité pas du tout le Beauf / Kassos que sous-entendent les premières séquences qui le mettent en scène au début du film : il s’agit au contraire d’un homme plutôt intelligent, capable de sagesse et même d’un certain raffinement derrière ses atours grossiers et primitifs. Au centre de quasiment chaque séquence de Speak no Evil, Paddy s’impose aussi et surtout comme un homme capable de passer rapidement et sans effort du charme à la menace.

La lueur enfantine et espiègle dans ses yeux – celle qui séduit tant Ben et l’incite à systématiquement pardonner son comportement transgressif – peut ainsi s’évanouir en un instant, lorsque le regard fixe d’un James McAvoy littéralement habité souligne la colère, la rage et les intentions violentes. Mais il ne faut pas négliger qu’à ses côtés, le personnage de Ciara interprété par Aisling Franciosi joue également sur cette même folie : totalement sur la même longueur d’ondes tarée que son mari, c’est elle qui initie certains de ses jeux malsains. Cependant, son comportement est moins extrême que celui de Paddy : elle se place même par moments en position de victime, ce qui incitera les spectateurs à se demander quelle est la véritable nature de son personnage.

Le Blu-ray

[4/5]

Afin de fêter la nouvelle année en fanfare, Speak no Evil débarque donc en Blu-ray ce 29 janvier, sous les couleurs d’Universal Pictures. Et comme à son habitude, l’éditeur nous propose un master de toute beauté. Les couleurs sont superbes, les contrastes denses, les noirs d’une belle profondeur. La définition est irréprochable et le piqué très précis. On ne notera aucune baisse de régime dans les scènes nocturnes et/ou en basse lumière. Coté enceintes, la version originale est encodée en Dolby Atmos, que les amplis non-compatibles décoderont en Dolby TrueHD 7.1. Ce mixage est très impressionnant, notamment durant les séquences agitées qui animent la dernière bobine, et qui sont naturellement riches en basses, en gros surrounds et effets multi-directionnels à gogo. La version française n’est pas en reste, puisqu’elle nous est proposée dans un mixage Dolby Digital+ 7.1, et s’avère également très spectaculaire et immersive, même si elle fait montre de légèrement moins de finesse. Pas de bonus.

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