Test Blu-ray : Spacked out

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1970

Spacked out

Hong Kong : 2000
Titre original : –
Réalisation : Lawrence Ah-mon
Scénario : Shui Lin Au, Laoshu, Ruilian Ou, Yang Qianling, Sin Ling Yeung
Acteurs : Debbie Tam, Angela Au, Au Man-Sze
Éditeur : Spectrum Films
Durée : 1h34
Genre : Drame
Date de sortie DVD/BR : 18 septembre 2020

Dans un futur proche où la population féminine a été éradiquée, un père tâche de protéger Rag, sa fille unique, miraculeusement épargnée. Dans ce monde brutal dominé par les instincts primaires, la survie passe par une stricte discipline, faite de fuite permanente et de subterfuges. Mais il le sait, son plus grand défi est ailleurs: alors que tout s’effondre, comment maintenir l’illusion d’un quotidien insouciant et préserver la complicité fusionnelle avec sa fille ?

Le film

[4/5]

Spacked out est un long-métrage de Lawrence Ah Mon, sorti sur les écrans hongkongais en 2000. Inédit en France depuis presque vingt ans, le film s’est offert en fin d’année dernière une belle édition Blu-ray sous les couleurs de Spectrum Films. On suit depuis quelques années maintenant avec le plus grand intérêt les sorties vidéo proposées par l’éditeur français, au point qu’un parallèle inévitable s’est créé dans notre esprit à la découverte de Spacked out : le film de Lawrence Ah Mon semble en effet répondre, avec quelques années d’écart, à un autre film récemment édité par Spectrum : le très beau Lonely fifteen (1982).

Reprenant le thème de la jeunesse perdue en proie aux démons du désœuvrement et du désespoir, Spacked out nous propose, comme son ainé, une narration sur le mode de la chronique de mœurs semi-documentaire. Le film donne donc à voir au spectateur une poignée de scènes s’imposant comme autant de moments « volés » dans la vie de quatre jeunes filles semi-délinquantes vivant à Tuen Mun, une ville satellite des nouveaux territoires de Hong Kong. Les quatre personnages principaux du film sont joués par des actrices débutantes, non-professionnelles, dont il s’agissait du premier – et parfois du seul – rôle au cinéma.

Comme celles de Lonely fifteen, les jeunes filles au cœur de Spacked out vivent en marginales, telles des laissées-pour-compte de la société de consommation, et se sentent rejetées du système. Leur existence tourne autour des centres commerciaux, du karaoké, de la drogue, de l’alcool et des soirées. Dans le but de se révéler le plus proche que possible de ses actrices, Lawrence Ah Mon applique à son film une coloration un peu « roots », brute et naturaliste, tournant caméra à l’épaule dans un style volontairement saccadé, avec des dialogues apparemment improvisés, des passages tournés en vidéo et un montage nerveux, semblant volontairement coller au mode de vie de ses personnages, qui ne tiennent littéralement pas en place. L’ensemble est très efficace et ne parait jamais artificiel.

Pour autant – et c’est en cela qu’il se démarque nettement de Lonely fifteenSpacked out nous propose également une poignée de virées très formalistes dans la psyché de ses personnages. Ainsi, le film adoptera par moments le point de vue à la première personne de Cookie (Debbie Tam), imposant au spectateur ses visions surréalistes et volontiers cauchemardesques, alors qu’elle entre ou imagine entrer dans une clinique afin de se faire avorter. Si ces passages sont autant de preuves du savoir-faire technique du cinéaste, ils dénotent également de l’influence qu’a pu avoir le cinéma occidental sur son style, dans le sens où ils rappellent le travail de Danny Boyle sur Trainspotting (1996).

Importantes dans le déroulement de l’intrigue ainsi que dans l’attachement que pourra développer le spectateur vis-à-vis des personnages de paumées qu’il voit évoluer à l’écran, ces séquences s’imposent comme autant d’incursions puissantes dans la tête des protagonistes de Spacked out. Pour autant, ces passages visuellement hyper-chiadés, très éloignés du style quasiment néo-réaliste du reste du film, contribuent malheureusement un peu à en amoindrir l’impact brut de décoffrage : ils pourront en effet être ressentis par le public comme une volonté de « moralisation » de l’œuvre (concernant la responsabilité des parents ou l’usage de drogues par exemple).

Néanmoins, dans l’ensemble, Spacked out atteint plutôt son but, en plus de confirmer les inquiétudes occidentales concernant la situation politique de Hong Kong après la rétrocession de 1997. La situation de ces jeunes filles paumées, ne disposant plus de figure d’autorité patriarcale bien définie, n’est-elle pas à mettre en parallèle avec la situation de Hong Kong elle-même ? Avec le départ de ses anciens maîtres coloniaux et l’autorité d’un « nouveau » gouvernement en décalage avec ses aspirations, les jeunes héroïnes subversives de Spacked out ne représentent-elles pas le désir de liberté et d’affranchissement de la région administrative spéciale de Hong Kong ? Sortez vos copies, vous avez deux heures.

Avant de terminer, on notera par ailleurs que Spacked out est un film produit par Johnnie To par le biais de sa boite de production Milkyway Image Ltd. D’une façon assez intéressante, ce portrait sans concession de la jeunesse perdue made in HK nous propose un pendant féminin intéressant – autant que vivifiant – à l’œuvre du cinéaste / producteur, dont l’univers au tournant des années 2000 était résolument tourné vers un cinéma de la masculinité, avec violence et triades à la clé.

Le Blu-ray

[4,5/5]

Spacked out vient donc tout juste de débarquer en Blu-ray en France, sous les couleurs de Spectrum Films. Comme à son habitude, l’éditeur nous propose une galette Haute-Définition qui s’avère, sans contestation possible et malgré l’âge du film, un digne représentant du support HD. On constate une très légère granulation sur certaines séquences en basse lumière, mais dans l’ensemble, ce Blu-ray nous impose une image de toute beauté : piqué, couleurs, tout est magnifique. Côté audio, la version originale est proposée en DTS-HD Master Audio 2.0, et impose un mixage solide, d’une finesse assez redoutable, même si, naturellement, le film en lui-même ne se prête pas forcément à la démonstration technique.

Rayon suppléments, Spectrum nous propose de nous plonger dans plusieurs sujets assez passionnants. On commencera comme d’habitude avec une présentation du film par Arnaud Lanuque (8 minutes). Ce dernier replacera assez habilement le film dans son contexte de production, en revenant sur la carrière de Lawrence Ah Mon, sur celle de Johnnie To, ou encore en abordant le sous-genre du film mettant en scène des adolescents. On poursuivra ensuite avec un entretien avec Lawrence Ah Mon (26 minutes). Le cinéaste y reviendra sans langue de bois sur sa collaboration avec Johnnie To, ainsi que sur le contexte de tournage et sa volonté farouche de tourner avec des acteurs non-professionnels. Si l’entretien reste pour l’essentiel à la surface d’un film qui aurait sans doute mérité qu’on s’y attarde plus longuement, le réalisateur dresse néanmoins ici une belle note d’intention, revenant notamment sur son intérêt pour les thématiques liées à la jeunesse, à la représentation sociale et plus largement à la figure de la femme à Hong Kong.

On continuera ensuite avec une analyse du film par Frédéric Monvoisin (19 minutes). L’enseignant, spécialisé dans l’approche géopolitique du cinéma asiatique, reviendra également sur le contexte de tournage du film, sur la volonté de naturalisme de Lawrence Ah Mon, ainsi que sur la façon dont le cinéaste retranscrit cette volonté à travers sa mise en scène. La réalisation du film est mise en parallèle avec les inquiétudes sociales et politiques liées à la période de la rétrocession. Enfin, on aura également le droit à un retour sur la carrière de Lawrence Ah Mon par Julien Sévéon (17 minutes). Ce dernier reviendra de façon relativement didactique sur la place à part du cinéaste au sein de l’industrie du film à Hong Kong, en revenant sur les différents films ayant marqué sa carrière. On terminera enfin avec la traditionnelle bande-annonce.

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