Souvenirs perdus
France : 1950
Titre original : –
Réalisation : Christian-Jaque
Scénario : Jacques Companéez, Henri Jeanson…
Acteurs : Bernard Blier, Pierre Brasseur, Suzy Delair
Éditeur : Coin de mire Cinéma
Durée : 2h07
Genre : Drame, Film à sketches
Date de sortie cinéma : 11 novembre 1950
Date de sortie DVD/BR : 9 avril 2021
Nous voici aux objets trouvés de Paris… Comment tant de choses banales ou singulières sontelles échouées ici ? À la suite de quel drame, de quelle comédie ? Florence, mannequin, se fait photographier dans les salles égyptiennes du musée du Louvre quand elle rencontre Philippe et le début d’un nouvel amour… Jean-Pierre invétéré séducteur, ment avec poésie non pas pour être aimé pour lui-même mais pour ce qu’il n’est pas… Tous les journaux en ont parlé à l’époque, Gérard de Lancey, interné par sa famille pour ses extravagances et sa folle prodigalité s’évadait de l’asile… Raoul, agent de la circulation amoureux de l’épicière du quartier, monte un plan pour la séduire…
Le film
[4/5]
Quand Christian-Jaque réalise Souvenirs perdus en 1950, il a déjà à son actif presque vingt ans de carrière derrière la caméra, et une quarantaine de longs-métrages à son actif, parmi lesquels quelques classiques tels que Les disparus de Saint-Agil (1938) ou L’assassinat du Père Noël (1941). C’est d’ailleurs probablement ce qui explique la présence au casting de Souvenirs perdus de l’intégralité – ou presque – de ce que le cinéma français de l’époque comptait de stars…
Ainsi, le générique de Souvenirs perdus affiche probablement la liste d’acteurs la plus prestigieuse de toute sa carrière de cinéaste. Ils sont venus, ils sont tous là, venus afin de prendre part à l’une ou l’autre des histoires qui composent ce film à sketches. Voyez plutôt : Yves Montand, François Perier, Suzy Delair, Gérard Philipe, Armand Bernard, Edwige Feuillère, Pierre Brasseur, Danièle Delorme, Pierre Mondy, Marthe Mercadier et Bernard Blier. Aucun cinéphile français normalement constitué ne pourrait résister à un tel défilé d’acteurs populaires…
Quand on y pense, le vrai tour de force de Souvenirs perdus réside d’ailleurs que chacun des acteurs évoluant dans une histoire ou une autre peut se targuer d’avoir à un vrai rôle à défendre : personne ici n’est venu faire de la figuration, et chaque acteur aura l’opportunité de développer ses talents à l’écran. Si cet exploit est possible, c’est parce que le scénario de Souvenirs perdus est né de la mutualisation de quelques-unes des plus fines plumes de l’époque : Jacques Companéez, Henri Jeanson, Pierre Véry et Jacques Prévert…
Ainsi, si le projet est probablement, à l’origine, né du succès au box-office de La ronde de Max Ophüls, sorti quelques mois plus tôt, la multiplication des talents devant et derrière la caméra parvient à créer une véritable magie, même si bien sûr – défaut récurrent des films à sketches – le cœur de chaque spectateur penchera toujours forcément pour une histoire ou une autre. A contrario, les différents récits se succédant au cœur de Souvenirs perdus sont suffisamment différents les uns des autres pour qu’il y en ait forcément au moins un dans le lot qui vous emballera.
Contrairement à la grande majorité des films à sketches, tous les segments de Souvenirs perdus ont été réalisés par Christian-Jaque, ce qui facilite grandement l’homogénéité de l’ensemble. Pour autant, en bon technicien, Christian-Jaque s’adapte à la tonalité et aux particularités de chacune de ses histoires, qui sont d’ailleurs très différentes les unes des autres. Celles-ci nous seront introduites par des objets, dont nous découvrirons l’histoire : une statuette d’Osiris ornée d’un tutu, une couronne mortuaire, une peau de lapin en fausse zibeline, un violon.
Jouant clairement la carte de la mélancolie et des amours perdues, le premier sketch met en scène Pierre Brasseur et Edwige Feuillère au cœur d’un mélodrame romantique conventionnel, ayant la particularité de pousser la nostalgie jusque dans ses derniers retranchements, dans le sens où le récit évitera habilement le happy end pourtant attendu.
Le deuxième sketch, avec François Périer et Suzy Delair, va quant à lui chercher du côté de la farce, développant un humour noir très amusant et permettant à Suzy Delair de livrer une prestation pour le moins mémorable Si l’intrigue tient pour l’essentiel du vaudeville autour d’un mensonge qui enfle jusqu’au point de non-retour, on ne navigue néanmoins pas tout à fait dans la comédie de mœurs, mais plutôt dans un absurde tout à fait réjouissant.
Très étonnant dans son genre, le troisième sketch met en scène Gérard Philipe dans la peau d’un tueur psychotique, dont on suivra la cavale meurtrière à travers Paris. On sent nettement, dans les cadrages ainsi que la photo, l’influence du Troisième homme de Carol Reed : les éclairages sont massifs, quasi-expressionnistes, Christian-Jaque utilise des angles de prises de vue obliques propres à susciter l’angoisse, et la prestation de Gérard Philipe est tout à fait glaçante, aux antipodes de son image de séducteur et de gendre idéal. La scène de meurtre de Julie Perrin qui ouvre le récit est absolument superbe, et par la suite, le déroulement ne déçoit jamais : du grand Art.
Le quatrième et dernier sketch s’avérera quant à lui, et dès ses premiers instants, typique de la poésie des frères Prévert. Magie des mots, finesse des sentiments, humour et romantisme, le tout servi par une brochette d’acteurs en état de grâce : de la poésie cinématographique à l’état pur ! On en redemande, mais c’est déjà fini…
La collection « La séance »
Depuis l’automne 2018, l’éditeur Coin de mire Cinéma propose avec régularité au public de se replonger dans de véritables classiques du cinéma populaire français, tous disponibles au cœur de sa riche collection « La séance ». En l’espace de ces deux années de passion, le soin maniaque apporté par l’éditeur à sa sélection de films du patrimoine français a clairement porté ses fruits. Ainsi, Coin de mire est parvenu à se faire, en peu de temps, une place de tout premier ordre dans le cœur des cinéphiles français. L’éditeur s’impose en effet comme une véritable référence en termes de qualité de transfert et de suppléments, les titres de la collection se suivent et ne se ressemblent pas, prouvant à ceux qui en douteraient encore la richesse infinie du catalogue hexagonal en matière de cinéma populaire. Une telle initiative est forcément à soutenir, surtout à une époque où le marché de la vidéo « physique » se réduit comme peau de chagrin d’année en année.
Chaque titre de la collection « La séance » édité par Coin de mire s’affiche donc dans une superbe édition Combo Blu-ray + DVD + Livret prenant la forme d’un Mediabook au design soigné et à la finition maniaque. Chaque coffret Digibook prestige est numéroté et limité à 3.000 exemplaires. Un livret inédit comportant de nombreux documents d’archive est cousu au boîtier. Les coffrets comprennent également la reproduction de 10 photos d’exploitation sur papier glacé (format 12×15 cm), glissés dans deux étuis cartonnés aux côtés de la reproduction de l’affiche originale (format 21×29 cm). Chaque nouveau titre de la collection « La séance » s’intègre de plus dans la charte graphique de la collection depuis ses débuts à l’automne 2018 : fond noir, composition d’une nouvelle affiche à partir des photos Noir et Blanc, lettres dorées. Le packaging et le soin apporté aux finitions de ces éditions en font de véritables références en termes de qualité. Chaque coffret Digibook prestige estampillé « La séance » s’impose donc comme un superbe objet de collection que vous serez fier de voir trôner sur vos étagères.
L’autre originalité de cette collection est de proposer au cinéphile une « séance » de cinéma complète, avec les actualités Pathé de la semaine de la sortie du film, les publicités d’époque (qu’on appelait encore « réclames ») qui seront bien sûr suivies du film, restauré en Haute-Définition, 2K ou 4K selon les cas. Dans le cas de Souvenirs perdus, il s’agit d’une restauration 2K réalisée par les Productions Roitfeld avec la participation du CNC.
La septième vague de la collection « La séance » sera disponible à partir du 9 avril 2021 chez tous vos dealers de culture habituels. Les six nouveaux films intégrant la collection la portent aujourd’hui à un total de 43 titres. Les six films de cette « nouvelle vague » sont donc Souvenirs perdus (Christian-Jaque, 1950), Fanfan la tulipe (Christian-Jaque, 1952), Brelan d’as (Henri Verneuil, 1952), Les grandes manœuvres (René Clair, 1955), La poudre d’escampette (Philippe De Broca, 1971) et Les granges brûlées (Jean Chapot, 1973). Pour connaître et commander les joyaux issus de cette magnifique collection, on vous invite à vous rendre au plus vite sur le site de l’éditeur.
Le coffret Digibook prestige
[5/5]
Si tous les gars du monde, Les bonnes causes, La chartreuse de Parme, et ce mois-ci Souvenirs perdus et Fanfan la tulipe : le cinéma de Christian-Jaque est clairement mis à l’honneur par Coin de mire Cinéma. En grand défenseur du cinéma populaire français, l’éditeur continue donc sur son excellente lancée… Et on ne pourra que tirer notre chapeau à l’éditeur, qui avec ce coffret Digibook prestige de Souvenirs perdus nous livre un master assez superbe. L’image est stable, le rendu Haute-Définition de toute beauté, avec un grain cinéma respecté aux petits oignons, et des contrastes finement travaillés. La restauration a fait place nette, mettant au ban rayures et autres griffes disgracieuses, et propose une image d’une stabilité remarquable (avec néanmoins quelques fourmillements discrets sur certaines séquences). Côté son, l’éditeur nous propose une version originale en DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine, sans souffle ni bruits parasites. Les dialogues sont parfaitement clairs, et la musique de Joseph Kosma est remarquablement restituée. Du beau travail éditorial.
Côté suppléments, l’éditeur nous propose, outre la traditionnelle et inévitable bande-annonce du film, de reconstituer une séance d’époque dans la chaleur réconfortante de son doux foyer. On commencera donc avec les Actualités Pathé de la 45ème semaine de l’année 1950 (11 minutes). Le journal s’ouvre sur une page sportive : compte-rendu du Prix Montgomery d’Auteuil, victoire d’Alberto Ascari en Formule 1, match de boxe opposant Tommy Farr à Piet Wilde. On continuera ensuite avec quelques nouvelles du monde, avec notamment la proclamation du dogme de l’Assomption à l’église Saint-Pierre de Rome, un voyage de Franco à travers l’Afrique occidentale espagnole ou encore les balbutiements du projet de Communauté européenne de défense (CED). On évoquera également, entre autres, les obsèques de Gustave V de Suède ou encore les combats faisant rage au Sud d’Hanoï au Viêt Nam. En France, on rend hommage aux morts d’Indochine.
Après la bande-annonce de Paris est toujours Paris avec Yves Montand, on se plongera au cœur d’une page de réclames publicitaires de cette année 1950 (8 minutes). Les eskimos Huskis sont « un délice ». Le footballeur Roger Lamy encourage le public à boire de l’Evian, pour une bonne « douche intérieure ». Un divorce est évité de justesse grâce à la margarine Astra. Les enfants aiment se laver avec le Super Monsavon. Le fourreur Pliskine et les Editions de la Tour de Londres sont également de la partie, de même que le dentifrice Email Baril, le « dentifrice produit de beauté ». Pour terminer, pour une grande surface de chauffe, on vous conseille d’installer un foyer Germaine « à récupération frontale ». So vintage.