Test Blu-ray : Souvenirs d’en France

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Souvenirs d’en France

 
France : 1975
Titre original : –
Réalisateur : André Téchiné
Scénario : André Téchiné, Marilyn Goldin
Acteurs : Jeanne Moreau, Michel Auclair, Marie-France Pisier
Éditeur : Carlotta Films
Genre : Drame
Durée : 1h35
Date de sortie cinéma : 3 septembre 1975
Date de sortie DVD/BR : 11 mars 2020

 

Une petite ville du Sud-Ouest, dans les années 1930. Les Pedret, famille de notables à la tête de l’usine locale, marient leur fils cadet Prosper à Régina, une jeune femme de son rang. Bientôt c’est au tour de son frère Hector d’officialiser sa relation avec Berthe, la blanchisseuse du coin. La jeune femme entre alors dans la famille et deviendra au fil du temps la véritable chef du clan grâce à son autorité et son charisme…

 


 

Le film

[3/5]

« Colporter la beauté du monde à travers des moyens filmiques ne compte pas parmi les objectifs principaux du cinéma selon André Téchiné. Ses films n’existent point afin de plaire aux sens, de faire office de laxatif mental à forte valeur divertissante par voie d’un flux narratif organique et complaisant. La provocation exagérée ne figure pas davantage dans leur cahier des charges, puisque leur regard sur la situation sociale en France, de nos jours ou à des époques plus lointaines, n’est guère caractérisé par un réalisme cru et choquant. Non, les heurts de la perception qui abondent dans Souvenirs d’en France, son deuxième long-métrage qui vient de ressortir grâce à un travail de restauration aussi méticuleux qu’étonnant pour un film après tout pas si ancien que cela, sont plus ambigus et subtils que le laisserait supposer un simple règlement de comptes avec l’essor économique de la province à l’aube des Trente Glorieuses. Le cadre scénaristique a beau y être ample et romanesque, le ton et le rythme du film demeurent au contraire tout à fait morcelés. Cette structure narrative décousue – qu’on ne se priverait pas de critiquer avec plus de véhémence en d’autres circonstances – fait office ici de colonne vertébrale volontairement chancelante d’un récit sur l’opportunisme en guise de valeur reine, pendant la lutte des classes larvée avant et après la Seconde Guerre mondiale. Tout un chacun y cherche à tirer son épingle du jeu, sans jamais mettre en évidence le fait que les cartes sont d’emblée pipées. Il en résulte un film peut-être un peu trop vague dans son propos et trop empressé d’entasser sans suite les petites trouvailles visuelles ou de montage, quoique d’ores et déjà conforme au style rugueux de la filmographie en devenir de André Téchiné.

Une des images récurrentes de Souvenirs d’en France est ce portail blanc en fer, qui sépare la résidence seigneuriale du reste du monde. Le symbole est sans doute choisi avec une ingéniosité discutable. Toujours est-il que cette frontière entre la richesse et la pauvreté servira à plusieurs reprises de lieu de passage aux deux personnages principaux du film. (…) Puis, à la fin du film, le motif revient, désormais comme une porte de prison, de l’autre côté de laquelle le pays prend de la vitesse – comment ne pas interpréter, depuis le point de vue contemporain et donc en plein mode anachronique, le train qui passe à toute allure devant la grille comme un signe annonciateur de l’avènement de l’ère du TGV et du maillage différent du territoire qu’elle allait apporter ? – pendant que la vieille dynastie de la fortune provinciale est appelée à une douce mort inéluctable.

Souvenirs d’en France, c’est aussi en grande partie une histoire de femmes. Elles ont certes tendance à avancer discrètement leurs pions sur l’échiquier de la répartition des rôles, en pleine évolution. Mais finalement, rien ou presque ne se fait sans leur impulsion. A l’image de leurs méthodes sournoises, leurs interprétations respectives font preuve d’une opacité insaisissable pas sans charme. Après des débuts d’ouvrière peu convaincants, Jeanne Moreau devient ainsi la stratège avisée de la survie économique de la famille. Elle n’y est certes pas aussi machiavélique et majestueuse que dans ses films les plus emblématiques, mais elle incarne néanmoins le reflet saisissant de la petite parvenue, à qui le costume de la respectabilité ne va jamais tout à fait. En face d’elle, le personnage de Marie-France Pisier fait beaucoup moins d’efforts pour s’intégrer. Grâce à l’interprétation énigmatique de l’actrice trop tôt disparue, Régina restera un éternel grain de sable dans le mécanisme du conformisme à la française, ne sachant pas, par exemple, à quel moment se lever pendant la fête cérémonielle de son mariage au début du film, ni comment exprimer avec intelligence subversive sa moquerie des aventures romantiques vécues au cinéma par Greta Garbo et Robert Taylor. »

Critique de notre chroniqueur Tobias Dunschen. Retrouvez-en l’intégralité en cliquant sur ce lien.

 

 

Le Blu-ray

[4,5/5]

C’est donc Carlotta Films qui a eu l’excellente idée de sortir Souvenirs d’en France en Blu-ray début mars, après l’avoir exploité dans les salles à l’automne dernier. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le résultat comble toutes nos attentes : le master est propre, stable, préserve la granulation d’origine et est de plus encodé en 1080p ; l’image est assez superbe, d’une belle précision, et les couleurs sont éclatantes – du très beau travail. Côté son, le film de Téchiné nous est offert dans un mixage DTS-HD Master Audio 1.0 (mono d’origine), pas forcément très impressionnant d’un point de vue technique, mais aux voix claires et intelligibles et respectant parfaitement la patine sonore d’origine. Du très beau travail, que l’éditeur complète de belle manière avec une section suppléments particulièrement intéressante.

Du côté des suppléments, Carlotta nous propose en effet, outre la bande-annonce de la reprise du film dans les salles en 2019, de nous plonger dans un passionnant entretien avec André Téchiné, mené par Jean-Marc Lalanne, rédacteur en chef des Inrockuptibles (24 minutes). Le cinéaste y reviendra sur la production contrariée du film, le projet s’étant largement développé sur la frustration du refus de l’attribution de l’avance sur recette, ainsi que sur sa volonté de confronter ses souvenirs d’enfance à l’imagination, à les styliser de façon cinématographique afin de proposer une critique douce-amère des us et coutumes des années 30. En bon chef de file de la critique de l’ère 2.0, Jean-Marc Lalanne soulignera quant à lui le côté ouvertement féministe du film, Téchiné ayant choisi de confier tous les rôles « pivots » à des femmes. La réponse du cinéaste ne sera d’ailleurs probablement pas tout à fait celle que le rédac’ chef des Inrocks attendait, puisqu’il justifiera ce choix par une volonté d’apporter une dimension comique au film avec ces personnages de femmes fantasques et constamment en lutte, « perturbatrices et même un peu horripilantes ».

 

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