Si tu vas à Rio… Tu meurs
France, Brésil : 1987
Réalisation : Philippe Clair
Scénario : Philippe Clair
Acteurs : Aldo Maccione, Roberta Close, Philippe Clair
Éditeur : Gaumont
Genre : Comédie
Durée : 1h42
Date de sortie cinéma : 4 novembre 1987
Date de sortie DVD/BR : 25 septembre 2024
Marco, le prêtre, et Aldo, le voyou, sont deux frères jumeaux et se trouvent tous les deux, sans le savoir, à Rio. Marco est en mission dans une favela tandis qu’Aldo est chargé d’écouler une importante quantité de drogue…
Le film
[3,5/5]
Il n’y a bien longtemps, dans une galaxie pas si lointaine…
Rien n’est plus volatile que la comédie française, et en dépit de quelques exceptions, les stars du rire au cinéma sont autant d’étoiles filantes dans la mémoire du spectateur. Les plus jeunes parmi nos lecteurs auront ainsi peut-être quelques difficultés à mettre un visage sur le nom d’Aldo Maccione ; pourtant, au tournant des années 70/80, « Aldo la classe » était une véritable vedette, qui permit à une poignée de comédies de se monter sur son seul nom. Après avoir partagé l’affiche à deux reprises avec Pierre Richard en 1978 et 1980, Aldo Maccione apparaît enfin en solo en haut de l’affiche en 1981 avec Tais-toi quand tu parles, écrit et réalisé par Philippe Clair. Le film enregistra deux millions d’entrées, ce qui amena Aldo Maccione et Philippe Clair, nouveaux rois du box-office français, à réitérer leur collaboration l’année suivante avec Plus beau que moi, tu meurs qui, avec 3,2 millions d’entrées, fut l’un des gros succès de l’année 1982.
Cependant, les caprices de Diva d’Aldo Maccione rendent le tournage difficile pour Philippe Clair, qui se brouille avec l’acteur. Ce dernier parviendra encore, en 1983/84, à attirer un million et demi de français avec Le Bourreau des cœurs et Aldo et Junior, mais au fil des années, son succès décline, en partie du fait de l’arrivée d’une nouvelle vague de comiques venus du café-théâtre, notamment représentée par les membres du Splendid. De son côté, Philippe Clair multiplie également les revers : ses films Par où t’es rentré ? On t’a pas vu sortir (1984) et Si t’as besoin de rien… fais-moi signe (1986) n’ont pas rencontré le succès escompté. En 1987, Philippe Clair et Aldo Maccione se rabibochent donc pour tourner Si tu vas à Rio… Tu meurs, la suite de Plus beau que moi, tu meurs. Malheureusement, en ne réalisant qu’un peu moins de 500.000 entrées, le film ne fit que confirmer le désintérêt grandissant du public pour Aldo Maccione. Le coup de grâce vint néanmoins lors de leur collaboration suivante : la comédie d’aventures L’Aventure extraordinaire d’un papa peu ordinaire, sortie au printemps 1990, n’attirerait plus que 50.000 français dans les salles, précipitant la fin de la carrière de l’acteur et du cinéaste.
Philippe Clair Reloaded
Considéré, au mieux, comme l’un des grands spécialistes de la comédie populaire franchouillarde, au pire, comme le roi du Nanar français, Philippe Clair a tourné 16 films en tant que réalisateur entre 1965 et 1989. Si tu vas à Rio… Tu meurs est le premier film de Philippe Clair à voir le jour au format Blu-ray. D’ailleurs, à ce jour, un seul film de Philippe Clair était disponible au format DVD : Comment se faire réformer (1978), sorti en 2005 sous les couleurs de LCJ Editions. Cinéaste largement conspué, Philippe Clair n’aura pas vécu assez longtemps pour voir son œuvre peut-être pas tout à fait réhabilitée, mais au moins rééditée en vidéo. Car si Gaumont ouvre la voie ce mois-ci avec Si tu vas à Rio… Tu meurs, un autre éditeur français, CinéFeel, nous proposera début novembre de revoir, en Blu-ray, La Grande Java (1971) et Plus beau que moi, tu meurs (1982).
Mais CinéFeel ne s’arrêtera pas là dans son entreprise de redécouverte des films de Philippe Clair, tombés dans les limbes de la mémoire collective malgré des chiffres parfois impressionnants réalisés dans les salles obscures, puisque l’éditeur nous proposera également début novembre un coffret DVD réunissant rien de moins que 10 films de Philippe Clair : Déclic et des claques (1965), La Grande Java (1971), Le Grand fanfaron (1976), Comment se faire réformer (1978), Les réformés se portent bien (1978), Ces flics étranges venus d’ailleurs (1979), Rodriguez au pays des merguez (1980), Tais-toi quand tu parles (1981), Plus beau que moi tu meurs (1982) et Par où t’es rentré on t’a pas vu sortir (1984). Voilà un coffret qui risque de peser lourd dans la réhabilitation du roi du Nanar français. Autant dire que le début du mois de novembre risque bien d’être placé sous le signe de la filmographie de Philippe Clair !
Samba Carnaval Tudo bem
Si tu vas à Rio… Tu meurs commence pile là où s’arrêtait le film de 1982. En guise de générique, on reverra donc les dernières images de Plus beau que moi tu meurs, suivies de la mention « Quelques années plus tard sur cette île déserte ». Aldo vit désormais sur son île déserte comme Robinson Crusoé, avec pour seul compagnon un perroquet appelé Vendredi. Un jour, il découvre plusieurs kilos de drogue dans la gueule d’un requin, et des dealers de passage sur l’île (sic) le forcent à les accompagner pour la refourguer à Rio, où il a gardé des connexions dans le monde de la pègre. De son côté, son frère jumeau, le curé Marco, est en pénitence dans un monastère à la suite des événements du premier film, mais se verra bien vite également envoyé dans une paroisse à Rio. S’en suivra une série de quiproquos, péripéties et autres malentendus cousus de fil blanc mais occasionnellement amusants.
Formellement autant que narrativement, il y a bien peu à dire sur Si tu vas à Rio… Tu meurs, qui est un film de divertissement bon enfant défiant toute analyse. Il ne s’agit clairement pas de la meilleure collaboration entre Philippe Clair et Aldo Maccione, dans le sens où l’ensemble manque un peu de rythme et n’est pas suffisamment soutenu par des scènes amusantes. Visiblement content de tourner au Brésil, Philippe Clair filme Rio sur le mode de la carte postale, en nous donnant à voir le carnaval, le Christ sauveur, le carnaval, la plage, le carnaval, le tramway, le carnaval, les bidonvilles… et bien sûr le carnaval, qui occupe presque un rôle à lui-seul au cœur du film. Pour autant, et même si on ne passe pas son temps à se bidonsker (ou du moins pas autant qu’on le voudrait), certaines scènes font mouche et relèvent de ce savoureux mélange de grotesque et d’humour enfantin qui fait tout le charme des films de Philippe Clair.
Si tu vas à Rio… Tu meurs nous offre également le spectacle d’une poignée d’acteurs qui tireront leur épingle du jeu, au moins l’espace de quelques scènes. Outre Aldo Maccione bien sûr, on pense notamment à Ze’ev Revach, qui joue l’évêque, et qui s’avère totalement en roue libre, hurlant, gesticulant, roulant des yeux. A ses côtés, Carolin Ohrner, qui incarne Sœur Céleste, s’offre également quelques belles scènes, même si on regrette que Philippe Clair n’ait pas davantage poussé le bouchon du délire avec ce personnage (notamment sur la scène où elle partage un gros pétard avec l’évêque). On notera également la présence de Roberta Close, la « Femme Fatale » du film, qui séduira et épousera Aldo… et qui se trouve être un homme, à la fois dans le film et dans la réalité, puisque Roberto Close est considérée comme une pionnière du transféminisme au Brésil.
Le Blu-ray
[4/5]
Jusqu’ici totalement inédit en DVD, et à fortiori au format Blu-ray, Si tu vas à Rio… Tu meurs arrive enfin ce mois-ci en Haute-Définition, sous les couleurs de Gaumont, qui lui offre une place de choix dans sa collection « Blu-ray Découverte », parfois également appelée « Gaumont découverte en Blu-ray ». Et le fait est que le film de Philippe Clair a plutôt bonne figure en HD : la copie est de très bonne tenue, en Scope, avec un grain cinéma respecté aux petits oignons, et des contrastes finement travaillés. La restauration a fait place nette des tâches, rayures et autres griffes disgracieuses, et propose une image stable et précise, avec un excellent niveau de détail. Côté son, l’éditeur nous propose un mixage DTS-HD Master Audio 2.0, les dialogues sont parfaitement clairs et l’ensemble propose un rendu acoustique tout à fait satisfaisant. Le placement des voix est parfait et le tout délivre une parfaite efficacité.
Du côté des suppléments, Gaumont nous propose un passionnant entretien avec Gilles Botineau (33 minutes), biographe de Philippe Clair et d’Aldo Maccione. Il reviendra sur la personnalité de Philippe Clair, et remettra le tournage du film dans son contexte, en agrémentant le tout de nombreuses anecdotes.