Shéhérazade
France : 2018
Titre original : –
Réalisation : Jean-Bernard Marlin
Scénario : Jean-Bernard Marlin, Catherine Paillé
Acteurs : Dylan Robert, Kenza Fortas, Idir Azougli
Éditeur : Ad Vitam
Durée : 1h52
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 5 septembre 2018
Date de sortie DVD/BR : 8 janvier 2019
Zachary, 17 ans, sort de prison. Rejeté par sa mère, il traîne dans les quartiers populaires de Marseille. C’est là qu’il rencontre Shéhérazade, une jeune prostituée qui va l’accueillir chez elle…
Le film
[3,5/5]
Unanimement reconnu par la critique comme l’un des plus beaux films de l’année 2018, Shéhérazade semble avoir mis tout le monde d’accord : Positif, Les Cahiers, Télérama, Le Monde, Le JDD, Le Figaro, Libé, La Croix… Tout le monde s’accorde pour célébrer la justesse de ton du premier film de Jean-Bernard Marlin, qui a d’ailleurs obtenu en juin dernier le prestigieux prix Jean Vigo. Et c’est vrai que Shéhérazade est un joli film, autant qu’une plongée en immersion dans les us et coutumes d’une poignée de jeunes paumés marseillais, issus d’une génération littéralement sacrifiée, abandonnée par tous (parents, école, institutions), et n’ayant ni la culture ni les codes pour parvenir à « grandir » ou à évoluer dans le « bon sens ».
Sans concession, sans angélisme, le film dresse le portrait – paradoxalement attachant – de deux solitudes se rapprochant dans la douleur, au sein d’un climat de violence sociale étouffant. Ces deux personnages, ce sont Zak et Shéhérazade bien sûr, et n’ont pourtant rien pour eux : incultes, inconscients, sans respect ni pour les autres ni pour eux-mêmes, ils se sont forgé des carapaces pour tenter de survivre, dans un monde où la faiblesse ultime semble être l’amour. Et puisque le film de Jean-Bernard Marlin s’échine à suivre l’évolution de l’amour naissant entre les deux personnages, Shéhérazade mêlera la légèreté du sentiment amoureux à une noirceur et une glauquerie intenses et desespérées. Ce côté ouvertement obscur et incertain quant à l’avenir des personnages semble d’ailleurs d’autant plus accentué qu’aucun d’entre eux ne semble jamais réaliser la portée de ses actes, et que le tout est ici présenté avec le naturalisme le plus sec qui soit, avec des acteurs non professionnels criants de vérité.
Alors bien sûr, il y a naturellement un peu d’Abdellatif Kechiche dans le premier film de Jean-Bernard Marlin, mais pas tant que cela – son cinéma évoquera finalement bien d’avantage les errances nocturnes et désespérées qui caractérisaient un certain cinéma français des années 90 : on pense aux premiers films de Xavier Beauvois, de Laurent Bouhnik, ou de Nicolas Boukhrief. Pas la franche joie, me direz-vous. Certes ; c’est même à vrai dire assez déprimant, dans le sens où le film permet de se rendre compte de l’état de déliquescence sociale et morale dans laquelle semblent être plongés de nombreux jeunes en France, aujourd’hui même. Mais Shéhérazade propose aussi, peut-être, une petite lueur d’espoir avec sa love-story, qui s’avère d’ailleurs le sujet de toute la seconde partie du film. Peut-être…
Le Blu-ray
[4,5/5]
Très porté sur une idée de ressenti social et naturaliste, tourné caméra à l’épaule, peu spectaculaire et formellement assez sobre (même s’il s’offre un beau format Scope et quelques séquences formellement très réussies), le cinéma de Jean-Bernard Marlin ne gagnera pas forcément énormément à être vu en haute définition. Néanmoins, cela n’a pas empêché Ad Vitam de soigner son Blu-ray de Shéhérazade, qui sera uniquement vendu par l’intermédiaire de la Fnac. La galette HD du film nous propose donc une définition impeccable, riche d’un niveau de détail intéressant et d’un joli grain argentique, fin mais bel et bien présent. Côté son, on aura droit, au choix, à un mixage DTS-HD Master Audio 5.1 certes peu spectaculaire mais tout à fait dynamique et convaincant, soit à un mixage DTS-HD Master Audio 2.0, plus équilibré si vous ne regardez pas le film avec un Home Cinema.
Côté suppléments, on aura tout d’abord à deux scènes coupées, prenant place au tribunal, pendant la confrontation ; elles sont intéressantes dans le sens où elles apportent une idée de remords de la part des agresseurs, qui n’apparaît pas dans le montage final. On embrayera rapidement avec un entretien avec le réalisateur, très orienté promo, au cœur duquel il reviendra globalement sur ses intentions en tant que cinéaste. Plus intéressant, on trouvera une quinzaine de minutes d’images du casting de Kenza Fortas et Dylan Robert, qui nous permettront de nous rendre compte que la réalité a clairement rencontré la fiction sur ce film.
Last but not least : on enchaînera avec un court-métrage de Jean-Bernard Marlin, La fugue (2013, 22 minutes). Dans la droite lignée de son long-métrage, le petit film compte par ailleurs au générique Sabine Gavaudan et Agnès Cauchon Riondet, deux actrices qui reprendront des rôles très similaires dans Shéhérazade. On terminera ensuite avec la traditionnelle bande-annonce.