Seizure – La reine du mal
États-Unis, Canada : 1974
Titre original : Seizure!
Réalisation : Oliver Stone
Scénario : Oliver Stone, Edward Mann
Acteurs : Jonathan Frid, Martine Beswick, Joseph Sirola
Éditeur : Extralucid Films
Durée : 1h34
Genre : Horreur
Date de sortie DVD/BR : 19 août 2020
L’écrivain Edmund Blackstone voit son pire cauchemar prendre vie lorsque les membres de sa famille et ses amis sont tués un à un par la Reine du Mal et ses serviteurs, un nain nommé Spider et un géant à la force surhumaine appelé Jackal. Est-ce un mauvais rêve ou la réalité ?
Le film
[3,5/5]
Seizure – La reine du mal est le premier long-métrage réalisé par Oliver Stone, en 1974. Contrairement aux œuvres de jeunesse d’autres cinéastes aujourd’hui reconnus (John Carpenter, David Cronenberg…), il s’agit d’un long-métrage curieusement oublié, distribué en VHS dans les années 80 avant de disparaître de toutes les mémoires ou presque. Pour autant, même si la première partie de la carrière d’Oliver Stone demeure encore mal connue (même La main du cauchemar n’a jamais été édité en DVD), Seizure – La reine du mal est une curiosité morbide qui s’impose encore aujourd’hui comme le manifeste d’un sacré cinéaste en devenir.
On ressent en effet au fil de ce récit décousu et bizarre une véritable rage de filmer, qui explose littéralement lors de certaines séquences aux limites de l’expérimental. Qu’on se le dise : Seizure – La reine du mal est une œuvre de pure exploitation, un film « Grindhouse » qui mange à tous les râteliers du cinéma fantastique et développe une atmosphère remarquable, inspirée par l’imagerie des rêves et des cauchemars et semble vouloir sonder les profondeurs les plus obscures et les plus malades de l’inconscient. Un film unique et barré qui multiplie les plans étranges, les prises de vue inhabituelles, les idées sorties d’on ne sait où. Comme si La maison du diable rencontrait The wicker man et nous livrait le fruit de leurs batifolages.
Bizarrement désincarné, faisant évoluer son récit à la manière d’un rêve éveillé, Seizure – La reine du mal semble naviguer entre différents niveaux de réalité, opposant au cœur d’un majestueux manoir une poignée de personnages aux préoccupations diverses à trois mystérieux démons d’apparence humaine, qui débarquent comme des incarnations du Diable ou de la culpabilité refoulée de chacun des protagonistes du récit, qui seront tués un par un. La narration est volontairement décousue, occasionnant par moments une légère confusion dans l’esprit du spectateur. Dans le même ordre d’idées, la caméra d’Oliver Stone est extrêmement mobile, et contribuera régulièrement à nous déstabiliser, voire même à nous secouer par l’utilisation intempestive du grand angle ou du « fish-eye ».
Une chose est sûre cependant : contrairement à nombre de films d’exploitation « classiques » apportant au spectateur pile-poil ce qu’il attendait, Seizure – La reine du mal n’aura quant à lui de cesse de nous surprendre, de nous emmener dans des directions inattendues. Ainsi, quand le personnage de Martine Beswick, désignée comme « La reine », annonce à l’assistance médusée qu’une seule personne survivra à la nuit, bien malin qui saura déterminer qui sera toujours en vie au petit matin. Et ça, c’est suffisamment rare pour mériter un coup d’œil appuyé !
Mais le film mérite également le détour pour son casting, composé entre autres de Jonathan Frid (Dark Shadows) et du géant Henry Judd Baker. Deux acteurs se détachent néanmoins clairement du reste du troupeau à la découverte de Seizure – La reine du mal : il s’agit de Martine Beswick, icone du cinéma bis des années 60/70 (Dr Jekyll et Sister Hyde), ici présentée en dominatrice perverse, et Hervé Villechaize, surtout connu pour être le nain de la série L’île fantastique, et le petit acolyte de Christopher Lee dans L’homme au pistolet d’or. Impossible de l’oublier dans le film d’Oliver Stone, apparaissant la bouche ensanglantée à la fenêtre et surgissant un couteau à la main, avec son collant moule-bite et son collier composé d’os humains.
Le Blu-ray
[4/5]
Seizure – La reine du mal est le quatrième film à intégrer les rangs de la prestigieuse collection « Extra Culte » d’Extralucid Films, collection de Blu-ray initiée il y a quelques mois tout juste par l’éditeur français. La sortie du premier film d’Oliver Stone en France constitue d’ailleurs une très bonne nouvelle dans le sens où le film était totalement inédit en DVD et Blu-ray en France. Seizure – La reine du mal débarque donc dans une belle édition prenant la forme d’un digipack surmonté d’un fourreau, dont le visuel a été créé exclusivement pour cette édition par le talentueux John Capone, contributeur régulier de la revue L’écran fantastique.
Côté master, et compte tenu de la rareté du métrage, on soutiendra donc plutôt ici que le rendu du film est tout à fait satisfaisant, avec un grain cinéma parfaitement respecté. Si le piqué manque certes un peu de précision par instants, et si l’on repère quelques poussières et autres petites griffes liées au temps, on est néanmoins en présence d’une très bonne copie, solide, contrastée, avec de belles couleurs chaudes et naturelles et un encodage soigné. Seizure – La reine du mal demeure une expérience HD des plus recommandables, même si elle demeure perfectible par bien des aspects. Côté son, VF et VO sont proposées en DTS HD Master Audio 2.0 ; la version française est un peu sourde, tandis que la version originale est plus claire et équilibrée, sans saturation ni impression de voix étouffées.
Du côté des suppléments, Extralucid Films ne nous propose certes qu’un entretien avec Fathi Beddiar (36 minutes), mais ce dernier s’avère véritablement passionnant, et couvrira la plupart des aspects de la production de Seizure – La reine du mal. Armé de son fidèle gros cigare (éteint) à la main, il reviendra sur la carrière d’Oliver Stone avant d’aborder dans le détail la production extrêmement mouvementée du film, avec des producteurs s’étant barré avec la caisse, des soucis de production incessants et des acteurs ingérables – Hervé Villechaize aurait ainsi menacé Oliver Stone avec un couteau ! Bref, c’est complet, intéressant, bien rythmé et bourré d’anecdotes : Bravo.