Section de choc
Italie : 1976
Titre original : Quelli della calibro 38
Réalisation : Massimo Dallamano
Scénario : Massimo Dallamano, Franco Bottari, Ettore Sanzò
Acteurs : Marcel Bozzuffi, Riccardo Salvino, Ivan Rassimov
Éditeur : Le Chat qui fume
Durée : 1h43
Genre : Policier, Action
Date de sortie cinéma : 28 décembre 1977
Date de sortie Blu-ray : 31 mars 2023
1976, dans les faubourgs de Turin – Le commissaire Vanni et ses hommes font irruption dans une ferme servant de repaire à une organisation criminelle. Durant la fusillade, le frère du Marseillais, chef de la bande, est abattu. En représailles, le Marseillais se rend dans l’immeuble où réside le commissaire et tue froidement son épouse, sous les yeux de son petit garçon. Peu après, Vanni accepte de diriger un quatuor de policiers entraînés au maniement des armes (revolvers équipés de cartouches .38 Special) et à la conduite de motos enduro. Apprenant que le Marseillais est entré en possession de soixante-dix kilos de dynamite, le commissaire et son escouade mettent tout en oeuvre pour contrecarrer ses projets…
Le Film
[4/5]
Sorti sur les écrans du monde entier en 1976, Section de choc appartient à la catégorie du « poliziottesco » ou néo-polar italien, également connu sous le nom de polar bis italien – un sous-genre du cinéma italien extrêmement populaire, en particulier dans les années soixante-dix. Il s’agissait d’un genre volontiers violent, putassier et démagogique (tout ce qu’on aime !) qui s’attachait le plus souvent à relater sur un ton noir et sans concessions des faits divers sanglants. Les flics y étaient régulièrement dépeints de façon outrancière, et présentés au spectateur comme de véritables cowboys, solitaires et adeptes d’une justice pour le moins expéditive.
Il faut dire que durant les « années de plomb » en Italie, l’insécurité était une des préoccupations majeures des italiens, surtout ceux habitant dans les grandes villes. De fait, le cinéma avait largement retranscrit ces craintes sur grand écran, et les truands que l’on découvrait dans les Poliziotteschi de l’époque – et notamment dans Section de choc – prenaient de fait souvent des allures de salopards finis, d’ordures dont la plus infime trace de valeur morale avait été réduite à néant par des années de soumission à la société capitaliste. Ainsi, au début du film de Massimo Dallamano, une petite frappe tue la femme du héros du film, le commissaire Vanni (Marcel Bozzuffi), d’une balle en plein cœur, juste devant son fils. Durant une scène de poursuite en voiture, les truands n’hésiteront pas à renverser de façon spectaculaire un flic essayant de leur barrer la route. Bref, on est loin de la vision romantique et empreinte d’un respect mutuel qui caractérisait les relations entre flics et truands dans le cinéma de Jean-Pierre Melville !
Dans Section de choc, cette représentation old school des relations entre la police et le milieu a laissé la place à un rapport de force constant, sans doute plus fidèle à ce que vivait le peuple italien à l’époque. On peut voir dans cet attachement à traduire à l’écran une angoisse populaire bien réelle une volonté de dresser une espèce de constat social de l’Italie des années de plomb, ce qui confère au poliziottesco une certaine portée politique, assumée ou non. Cependant, ces films au demeurant le plus souvent absolument jouissifs jusque dans leurs excès – violence, gore, nudité, usage de drogues, viols, rackets, homophobie – s’avèrent difficiles à cerner : le néo-polar propose en effet une vision de la société italienne de l’époque en totale déliquescence sociale et morale, corrompue par la lutte des classes et sans juste milieu entre une bourgeoisie insouciante (et forcément décadente) et le reste de la population, obligé de survivre dans la misère.
De fait, le poliziottesco est parfois considéré comme un cinéma à tendance anarchiste, ou à contrario fasciste, voire « je-m’en-foutiste » ou apolitique, et bien malin qui parviendra à faire le tri entre les idées contradictoires (issues de tous les bords politiques) qui se révèlent au spectateur à la découverte de Section de choc. Pour les spectateurs qui seraient gênés par le message sous-jacent, le mieux est sans doute de voir dans le film de Massimo Dallamano un pur film de divertissement, mettant en scène des personnages de anti-héros, inadaptés au système et à leur époque. D’ailleurs, le cinéaste l’a bien compris, et développé au cœur de Section de choc un réel sentiment d’urgence : si un certain nombre de sous-intrigues sont explorées, le film ne prend jamais réellement le temps de s’attarder sur ses personnages, et préfère se concentrer plutôt sur une série d’attaques et d’attentats violents qui s’intensifient au fur et à mesure que le film avance, et qui confèrent au film un rythme véritablement haletant.
Section de choc nous propose donc une intrigue grinçante suivant une brigade de flics au passé trouble, équipés de Colt. 38 non enregistrés, et constituant une espèce d’escadron de la mort visant à endiguer la vague de criminalité sans précédent qui s’empare de l’Italie. La mort de la femme du commissaire Vanni place les choses sur un plan très personnel, une quête de vengeance entrant rapidement en jeu au cours du récit, avec tout ce que cela peut impliquer en termes de nuances morales ambiguës. Face à Marcel Bozzuffi, on trouvera l’excellent Ivan Rassimov dans la peau du « Marseillais », l’impitoyable méchant du film, tellement méchant qu’il fait sauter un indic des flics à la dynamite pendant que celui-ci est en train de pisser. Le face-à-face des deux acteurs constitue le point d’orgue de Section de choc, et la réalisation sèche et efficace de Massimo Dallamano contribue à faire du film une des pépites du poliziottesco, à découvrir de toute urgence.
On pourra noter que Section de choc (que bien des cinéphiles ont découvert en VHS sous le titre Section de chocs ou Colt 38 – Escouade spéciale) est le dernier film ayant été réalisé par Massimo Dallamano, le cinéaste s’étant éteint en novembre 1976. Cela n’empêcherait pas les italiens de mettre en chantier une suite, qui sortirait dès l’année suivante : intitulé Équipe spéciale et réalisé par le spécialiste du péplum Domenico Paolella, le film mettait à nouveau Marcel Bozzuffi dans la peau du commissaire Vanni, cette fois face à Vittorio Mezzogiorno.
On a retrouvé pour vous…
La critique de Section de choc signée Paul-Hervé Mathis et publiée dans le numéro #66 de la revue Écran (février 1978). On vous la présente dans son jus et sans commentaire !
« Les polars italiens se suivent et se ressemblent (hélas !), à la manière des séries B amerloques style Don Siegel et même sous-Don Siegel… Et l’apologie du flic bat son plein, surtout lorsqu’elle prend l’odieux prétexte de kidnapping de môme, lorsqu’elle recourt aux jeunes justiciers motocyclistes pour prêter main-forte à ces salopards de flics moralisateurs. Et dire que ça, c’est réalisé par Dallamano (mort l’année dernière), surtout réputé comme un inventif directeur de la photographie, qui un peu comme Mario Bava, assura les images d’une floppée de films bibliques et autres péplums, qui réalisa l’inoubliée Vénus en fourrure ! »
Le Blu-ray
[5/5]
De façon aussi inattendue que réjouissante, Section de choc s’est donc rappelé à nos mémoires grâce à un beau Blu-ray édité sous la bannière du Chat qui fume : le film de Massimo Dallamano s’affiche dans un coffret luxueux en tous points fidèle à ceux auxquels nous a habitué l’éditeur depuis la sortie du Venin de la peur en 2015. Section de choc s’offre donc un sublime digipack trois volets dont l’habillage graphique a été confié au talentueux Frédéric Domont. Les collectionneurs sont aux anges, d’autant que comme à son habitude, l’éditeur français a non seulement soigné la qualité de son transfert Haute Définition, mais également veillé au grain en ce qui concerne la qualité des suppléments, qui auront vite fait de faire de ce coffret une nouvelle édition « définitive » à mettre à l’actif du Chat qui fume.
Côté image, la copie est quasi-irréprochable : la restauration 2K a été faite avec soin, et le Blu-ray (naturellement encodé en 1080p) s’impose sans peine comme tout à fait respectueux des couleurs et de la granulation d’origine, tout en proposant un piqué et un niveau de détail assez bluffant. Les contrastes ne sont jamais pris à revers, et les quelques scènes nocturnes ne souffrent jamais de noirs « bouchés ». Les pistes audio ne sont pas en reste : les deux mixages (VF / VO) sont proposés en DTS-HD Master Audio 2.0 (mono d’origine). On notera que, comme souvent, la version française propose de courts passages en italien sous-titré, pour la raison simple et évidente que le film avait subi quelques coupes en arrivant dans l’hexagone.
Du côté des suppléments, Le Chat qui fume ne perd pas ses bonnes habitudes et nous propose, en plus de cette présentation du film littéralement impeccable, presque une heure de suppléments assez passionnants. On commencera avec un entretien avec Antonio Siciliano (9 minutes), au cœur duquel le monteur de Section de choc reviendra sur sa collaboration avec Massimo Dallamano ainsi que sur le film, très riche en action, et le rythme particulier qu’il avait du adopter pour apporter au film le punch nécessaire. On continuera ensuite avec un entretien avec Stelvio Cipriani (42 minutes), qui sera l’occasion pour le compositeur de revenir sur sa carrière, sur plusieurs étapes ayant marqué sa carrière ainsi que sur les particularités de son travail dans les années 70. Il évoquera notamment son étroite collaboration avec les réalisateurs pour lesquels il travaillait, et nous donnera à entendre une poignée de mélodies issues de son répertoire. On terminera enfin avec la traditionnelle bande-annonce. Pour vous procurer cette édition Blu-ray indispensable, rendez-vous sur le site de l’éditeur !