Répulsion
Royaume-Uni : 1965
Titre original : Repulsion
Réalisation : Roman Polanski
Scénario : Roman Polanski, Gérard Brach, David Stone
Acteurs : Catherine Deneuve, Yvonne Furneaux, Ian Hendry
Éditeur : Carlotta Films
Durée : 1h40
Genre : Drame, Fantastique
Date de sortie cinéma : 7 janvier 1966
Date de sortie Blu-ray : 5 mai 2021
Une jeune manucure belge, Carole, travaille et vit à Londres avec sa sœur Hélène. Carole, introvertie, a des problèmes relationnels avec les hommes. Elle repousse Colin, qui la courtise et n’apprécie pas Michael, l’amant de sa sœur. Quand celle-ci part avec Michael, Carole sombre progressivement dans la névrose. Recluse, elle bascule dans la schizophrénie, et devient hantée par des bruits…
Le film
[5/5]
Répulsion commence comme un film issu d’une des Nouvelles Vagues d’Europe de l’Est, ou du « Free cinema » britannique de la fin des années 50. La caméra est très mobile, suit l’héroïne, Carole – une Catherine Deneuve âgée de 22 ans – dans les rues bondées de Londres, ainsi que dans la routine de sa vie de tous les jours. Le travail au salon de beauté, où elle côtoie quelques jeunes femmes de sa génération, tout en faisant face à une patronne intraitable. Les repas pris dans les pubs populaires, les gestes répétitifs de l’hygiène personnelle, les garçons aussi, qui lui tournent autour, et qui se montrent souvent un peu trop pressants. La vie avec sa sœur Helen (Yvonne Furneaux), les petits rituels – tels que celui de regarder les bonnes sœurs dans l’église en face de l’appartement – et la crainte qu’Helen ne s’en aille, puisque cette dernière semble s’être amourachée de Michael (Ian Hendry), un homme plus âgé et marié.
Bref, autant dire que l’on évolue dans un premier temps en terrain connu. Avec Répulsion, Roman Polanski recycle en effet les codes formels et thématiques auxquels le spectateur commençait alors à être habitué, évoquant ses contemporains Européens tels que Miloš Forman, Jerzy Skolimowski, Karel Reisz ou encore Lindsay Anderson. Polanski n’hésite pas en effet à appuyer sur les conditions sordides dans lesquelles vivent les deux sœurs, au cœur d’un appartement insalubre, ou encore à souligner les rapports de force entre les deux jeunes femmes et les figures du pouvoir, essentiellement financier (patronne tyrannique, bailleur menaçant). Le tout est rythmé par les « petits bruits » du train-train quotidien, en particulier celui de l’horloge, qui renforce l’idée de monotonie de leur existence.
Pour autant, c’est également par le biais de ce traitement du son assez singulier que Roman Polanski va parvenir, petit à petit, à faire basculer Répulsion dans l’étrange. Une bizarrerie qui parviendra tout d’abord aux oreilles de l’héroïne et du spectateur, qui entend sa sœur faire l’amour dans la chambre attenante, ou qui devient littéralement obsédée par le « Tic-Tac » de l’horloge, de son horloge biologique peut-être, elle qui semble à la fois attirée et dégoûtée par les hommes, leur sueur, leur pilosité, leurs manières un peu trop bourrues qui la renvoient à cette photo de famille trônant dans le salon, et sur laquelle elle semble jeter un regard terrorisé à la figure paternelle.
Puis viendront les cauchemars, alors que Carole se retrouve seule dans le grand appartement. Des rêves où elle se fait violer, ses cris étant recouverts par ce foutu bruit d’horloge. Où les fissures au mur s’écartent pour laisser entrer l’enfer, où des mains sortent des parois pour la peloter. Et à chaque fois qu’un homme vient frapper à sa porte, il en paye le prix de sa vie. Indéniablement, Roman Polanski soigne ses visions de terreur, et Répulsion développe dans sa deuxième partie un style visuel très affirmé, porté par les fortes connotations érotiques et Freudiennes du récit.
S’il met en scène un personnage en proie au chaos psychique, le film a l’intelligence d’amener le fantastique par touches subtiles. Polanski y mélange le mystère et le drame, l’horreur et l’érotisme, le tout étant également porté par la belle photo en noir et blanc de Gilbert Taylor, et les plans sur les décors de plus en plus distordus au fur et à mesure que le récit avance. Fascinant, manipulateur, Répulsion s’impose au final comme un film-puzzle : toutes les pièces ne s’emboîteront pas nécessairement à la première vision, mais cette plongée dans les abysses de la psyché de l’héroïne s’impose néanmoins comme un sacré morceau de péloche, et un sacré coup de maître à mettre à l’actif de Roman Polanski, alors seulement âgé de 32 ans.
Le coffret Blu-ray
[5/5]
Répulsion était déjà sorti au format Blu-ray en 2012 chez Filmédia, et à cette occasion, l’auteur de ces lignes avait eu l’occasion, sur un site concurrent, de descendre en flammes ladite édition, qui souffrait de très nombreux défauts. Étant donné l’attente fébrile entourant la ressortie du film de Polanski, véritable classique parmi les classiques, Carlotta Films s’est fendu de livrer au public une édition définitive, intégrant par ailleurs sa fameuse collection d’Éditions Prestige Limitées, dont le tirage est limité à 1000 exemplaires.
Côté Blu-ray, les aficionados du film de Roman Polanski seront ravis de retrouver le master ainsi que les suppléments de l’édition américaine éditée par le prestigieux label Criterion. Côté master, le film a été restauré en 2K et nous est proposé en 1080p et au format 1.66 respecté. L’image est stable et propre, la granulation d’origine a été retranscrite avec soin, de même que les contrastes, et le piqué ne manque jamais de précision : du très beau travail. Niveau son, VO et VF d’origine sont proposées dans des mixages DTS-HD Master Audio 1.0 globalement solides, qui présentent un bon équilibre entre les dialogues et la musique. Les dialogues sont nets, clairs et très faciles à suivre. La manière dont le silence est traité tout au long du film est également impressionnante. Farpait !
Du côté des suppléments, on trouvera tout d’abord un très intéressant making of d’époque (21 minutes), qui nous donnera l’occasion de voir et d’entendre Roman Polanski, Catherine Deneuve et Yvonne Furneaux sur le plateau. On poursuivra ensuite avec un making of rétrospectif (24 minutes), tourné quant à lui une quarantaine d’années après la sortie de Répulsion. On y trouvera des entretiens avec Roman Polanski, qui refusera obstinément de révéler le « sens » de son film, mais également – entre autres – avec le directeur de la photographie Gilbert Taylor. On y reviendra principalement sur la genèse de la production du film ainsi que sur la façon dont il a été perçu par le public.
On continuera ensuite avec un entretien audio avec le professeur Richard L. Gregory, professeur en neuropsychologie à l’université de Bristol (11 minutes). Il y reviendra sur le film et sur la pathologie du personnage principal. Enfin, on terminera avec un très intéressant commentaire audio de Roman Polanski et Catherine Deneuve, enregistré en anglais pour Criterion dans les années 90. Les deux intervenants ont probablement enregistré leurs commentaires séparément ; très factuels, ils révéleront de précieuses informations sur le tournage du film.
Les amoureux de l’œuvre de Polanski seront également aux anges de trouver en bonus deux courts-métrages du cinéaste polonais, en HD et VOST : Meurtre (1957, 2 minutes) et La lampe (1959, 8 minutes). On terminera enfin avec la traditionnelle bande-annonce.
On notera également que comme les autres films sortis dans la collection Éditions Prestige Limitées, le coffret consacré à Répulsion contient également une poignée de Goodies : le fac-similé d’un extrait du scénario, le fac-similé du dépouillement du film, l’affiche et un jeu de cinq photos d’exploitation.