Test Blu-ray : Recherche Susan désespérément

0
726

Recherche Susan désespérément

États-Unis : 1985
Titre original : Desperately Seeking Susan
Réalisation : Susan Seidelman
Scénario : Leora Barish
Acteurs : Rosanna Arquette, Madonna, Aidan Quinn
Éditeur : Bubbel Pop’ Édition
Durée : 1h44
Genre : Comédie
Date de sortie cinéma : 11 septembre 1985
Date de sortie DVD/BR : 6 décembre 2024

Roberta, jeune bourgeoise un peu coincée du New Jersey, s’ennuie ferme dans sa luxueuse maison. Lorsqu’elle découvre dans les petites annonces « Recherche Susan désespérément », elle décide d’enquêter afin de découvrir qui se cache derrière cette fameuse Susan…

Le Film

[3,5/5]

Si sa carrière en tant que chanteuse est montée en flèche tout au long des années 80/90, l’imposant sans doute comme « LA » dernière star internationale absolue et connue de tous, Madonna n’a pas forcément connu la même chance en ce qui concerne sa carrière d’actrice. Pourtant, au milieu des années 80, alors que ses premiers tubes pilonnaient la bande FM, il y eut un bref moment durant lequel les producteurs firent appel à Madonna en tant qu’actrice. Enfin, façon de parler : quand on voit aujourd’hui les deux films les plus marquants tournés par Madonna durant la décennie 80 – à savoir Recherche Susan désespérément et Who’s that girl – il semblerait plutôt que la jeune pop star de pas encore tout à fait 30 ans à l’époque fut surtout enfermée dans son rôle d’icône pop.

Car soyons honnête : dans Recherche Susan désespérément, Madonna ne joue pas réellement un « personnage » dont elle pourrait défendre la psychologie, non – elle est cantonnée à jouer son propre rôle, la production se contentant d’utiliser sa célébrité et son style iconique pour vendre une petite comédie versant occasionnellement dans le thriller. Elle est pleine du charme et du pep’s qu’on lui connaît, mais la réalisatrice Susan Seidelman et la scénariste Leora Barish ne lui demandent pas grand-chose d’autre que de rester Madonna, cette petite peste imprévisible, espiègle et sexy, tandis que le reste du film se met en place en arrière-plan, donnant clairement l’impression de tourner à vitesse réduite et sans grande conviction à partir du moment où Madonna n’apparaît plus à l’écran.

Avec le recul, on a appris à avoir un peu moins la dent dure à l’encontre de Recherche Susan désespérément. On reconnaîtra ainsi volontiers que Susan Seidelman parvient à créer une véritable atmosphère New-Yorkaise positive et assez fascinante, qui rompait clairement avec la représentation glauque de la ville qui avait été initiée par Un Justicier dans la ville en 1974 et qui s’était prolongée jusque dans la première moitié des années 80, avec des films tels que Exterminator – Le droit de tuer (James Glickenhaus, 1979), Maniac (William Lustig, 1980), L’Ange de la vengeance (Abel Ferrara, 1981), Frère de sang (Frank Henenlotter, 1982) ou encore Combat shock (Buddy Giovinazzo, 1984).

Si les films que l’on vient de citer ne donnaient à l’époque pas franchement envie d’aller faire du tourisme dans la grosse pomme pourrie, le redressement de la ville par Ed Koch s’est traduit par une large série de comédies populaires prenant place dans ce New York en transition, et en bonne capsule temporelle, Recherche Susan désespérément possède le charme et l’attrait de cette époque. Ainsi, à la façon de films tels qu’Un fauteuil pour deux ou SOS Fantômes, Susan Seidelman ne nie pas l’existence de la misère ou de la criminalité, mais met surtout en avant la nature de « melting pot » culturel de la ville. Les lieux de tournage à New York ne sont pas très tape-à-l’œil, mais ils sont assez colorés pour faire impression et conférer au film une personnalité, et l’ensemble est imprégné de « l’intelligence de la rue » du personnage de Susan / Madonna, et la suit à travers la ville durant cette période de confusion.

C’est en partie pour cette raison que Recherche Susan désespérément possède une fraîcheur qui lui permet de tenir le coup lorsque les histoires de confusion d’identité, d’ennui marital / insatisfaction domestique ou de truands armés ne parviennent pas à susciter l’intérêt. Pour le reste, bien sûr, c’est la magie de Madonna qui opère, le style iconique de la star et sa prestance donnant de la vie au film chaque fois qu’elle apparaît à l’écran, et qui permet de comprendre le fantasme de Roberta (Rosanna Arquette) de « devenir » Susan / Madonna, comme si porter du fluo, de la dentelle et un soutien-gorge apparent pouvait changer sa vie en profondeur et lui éviter de devenir « invisible », pour son mari autant que pour la société.

Bref, il a sans dire que Recherche Susan désespérément a pour lui un certain nombre de qualités, mais pour les fans de la première heure de Madonna ayant découvert le film dans la deuxième moitié des années 80, il possède toujours un côté extrêmement décevant, pour la simple et bonne raison que Madonna n’y apparaît que très peu : passé le premier quart d’heure, le film se concentre sur la relation entre Rosanna Arquette et Aidan Quinn, et pchittt ! Plus de Madonna ou presque. C’est d’autant plus frustrant que le film a, de tous temps (aussi bien hier qu’aujourd’hui), toujours été vendu comme « le film ayant révélé Madonna ». Telles sont les dures lois du marketing, et celles-ci ne se limitent pas au film de Susan Seidelman !

Le coffret Blu-ray + 2 DVD + Livre + Goodies

[5/5]

Deuxième film à paraître chez Bubbel Pop’ Édition, Recherche Susan désespérément (le film qui a révélé Madonna donc) s’offre vraiment un coffret Blu-ray de grande classe. Il s’agit en effet d’une édition limitée qui s’imposera d’entrée de jeu comme un « bel objet », contenant non seulement le Blu-ray et deux DVD (film + suppléments) mais aussi un livre de 98 pages, une affiche du film exclusive, 5 cartes postales et 3 badges. On a donc entre les mains un véritable et bel objet de collection, auquel l’éditeur rajoutera, bien sûr, plus de 2h30 de bonus inédits sur le DVD consacré aux suppléments.

DESPERATELY SEEKING SUSAN© 1985 Orion Pictures Corporation. All Rights Reserved. Package Design © 2023 Bubbelcom. Tous droits réservés.

On tire donc notre chapeau à Bubbel Pop’ Édition, qui affiche ici sa volonté farouche d’en proposer toujours plus au consommateur. Depuis quelques années, on notera que les frenchies tendent à rivaliser avec des labels prestigieux tels que Criterion aux États-Unis : cette émulation – doublée probablement d’une certaine forme de rivalité – entre différents éditeurs français spécialisés dans les éditions de luxe joue finalement en faveur du consommateur, et permet aux différents labels de se créer une identité forte, immédiatement reconnaissable, qui s’est vite transformée en véritable gage de qualité. Ainsi, et comme les années 80 semblent revenir à la mode ces dernières années, on se prend à rêver d’une grosse édition Collector du totalement méconnu Les Crados, le film (Rod Amateau, 1987), avec des badges Mathieu le dégueu, Valérie La Carie et Pascal Trou-de-balle, un fac-similé des albums vintage, un T-Shirt et un livre sur l’histoire des Garbage Pail Kids.

Du côté du Blu-ray proprement dit, l’image Haute Définition de Recherche Susan désespérément est d’une parfaite propreté : le bond qualitatif par rapport à l’édition DVD de l’an 2000 est vraiment saisissant. Le grain d’origine a été préservé, le piqué est d’une belle précision, et la photo du film est respectée à la lettre, qu’il s’agisse des couleurs ou des contrastes. La qualité de la restauration s’impose tout naturellement d’elle-même. Côté son, VF et VO sont proposées en DTS-HD Master Audio 2.0, toutes deux pleines de pep’s et faisant honneur à la musique de Madonna : la sensation d’immersion est bonne. Tout juste pourra-t-on tiquer en écoutant le doublage français du film qui, s’il bénéficie d’une excellente qualité technique, souffre du manque de naturel des dialogues.

Au rayon des bonus, Bubbel Pop’ Édition a mis les petits plats dans les grands, et nous offre une édition très complète du film de Susan Seidelman. Outre le livre de 98 pages qui remettra le film dans son contexte et les multiples goodies qui remplissent le coffret, on aura donc également droit à un entretien avec la réalisatrice Susan Seidelman (27 minutes). Elle expliquera avoir particulièrement été attentive au scénario de Recherche Susan désespérément parce que le titre comportait son prénom, puis reviendra sur ses motivations, ses inspirations : elle évoquera notamment le film de Jacques Rivette Céline et Julie vont en bateau. Elle reviendra ensuite sur la genèse du film, sur sa volonté de créer deux univers visuels autour des deux héroïnes, sur les couleurs du film, ainsi que sur son attachement à la ville de New York, alors en pleine transition, mais toujours assez crado et décrépie. Elle évoquera bien sûr également le travail avec Madonna, la chanson « Into the Groove », la musique de Thomas Newman, etc. On continuera avec un entretien avec Edward Lachman, directeur de la photo (20 minutes) son parcours dans le métier, et abordera son travail aux côtés de Susan Seidelman et sa volonté de mettre en avant le New York de l’époque à travers la photo du film. On embrayera juste après avec un entretien avec Rosanna Arquette (12 minutes), qui se réjouira d’entrée de jeu du fait qu’il s’agissait d’un film écrit, réalisé, produit et interprété par des femmes. Elle abordera ensuite son personnage, ainsi que le travail sur l’affiche du film aux côtés du photographe Herb Ritts. Elle en profitera pour souligner à plusieurs reprises que c’est ELLE et non Anna Wintour qui a présenté Herb Ritts à Madonna. Elle. Pas Anna Wintour. Non mais ho. Comme les autres intervenants, elle reviendra également sur le New York – et plus particulièrement le Soho – de l’époque. Le sujet suivant est un entretien avec Sarah Pillsbury, productrice (22 minutes). Comme le veut la tradition, elle commencera son intervention en revenant rapidement sur sa carrière, avant d’évoquer la genèse du film, le casting et la musique de Recherche Susan désespérément. Elle reviendra enfin sur la mauvaise réception lors des projections tests, mais sur le fait que le fait ait été malgré tout adopté par le public, avec notamment une excellente réception en clôture de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes.

Le reste des suppléments est composé d’interviews avec différents critiques et journalistes français. On commencera en abordant Recherche Susan désespérément par le prisme de la musique, par le biais d’un entretien avec Olivier Cachin (19 minutes). Journaliste, écrivain et animateur TV, spécialisé dans la musique urbaine et le hip-hop (remember RapLine), Olivier Cachin reviendra sur le film, « entre le vintage et le ringard », à l’image de la ville de New York en pleine mutation, tout en surfant sur l’émergence de Madonna, future superstar. Captivant ! On continuera ensuite avec un entretien avec Pacome Thiellement (24 minutes), spécialiste de l’exégèse, exercice intellectuel qu’il considère comme un instrument pour comprendre le monde. Pour ceux qui connaissent le travail de l’essayiste, il nous livre une interprétation du film dans la tradition de ce qu’il nous propose habituellement, en axant sa réflexion sur la notion d’émancipation. Enfin, on terminera par un entretien avec Samuel Blumenfeld (21 minutes), qui reviendra sur le contexte de production du film, proche du cinéma indépendant, et le fait que le film de Susan Seidelman mette en scène – on vous le donne en mille – une ville de New York en plein changement.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici