Test Blu-ray : Reality

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Reality

États-Unis : 2023
Titre original : –
Réalisation : Tina Satter
Scénario : Tina Satter, James Paul Dallas
Acteurs : Sydney Sweeney, Josh Hamilton, Marchánt Davis
Éditeur : Metropolitan Vidéo
Durée : 1h22
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 16 août 2023
Date de sortie DVD/BR : 27 janvier 2024

Le 3 juin 2017, Reality Winner, vingt-cinq ans, est interrogée par deux agents du FBI à son domicile. Cette conversation d’apparence banale, parfois surréaliste, dont chaque dialogue est tiré de l’authentique transcription de l’interrogatoire, brosse le portrait complexe d’une milléniale américaine, vétérane de l’US Air Force, professeure de yoga, qui aime les animaux, les voyages et partager des photos sur les réseaux sociaux. Pourquoi le FBI s’intéresse-t-il à elle ? Qui est vraiment Reality ?

Le film

[4/5]

Reality est le premier long-métrage de Tina Satter. Il relate l’arrestation de la lanceuse d’alerte Reality Winner, et possède une particularité notable : les dialogues du film sont entièrement tirés de la transcription de l’interrogatoire de la jeune femme par le FBI, le 3 juin 2017. Tina Satter avait déjà utilisé le même point de départ pour une pièce de théâtre verbatim intitulée Is this a Room en 2021. Reality a été présenté lors du 73ème Festival international du film de Berlin le 18 février 2023, et a été distribué aux États-Unis le 29 mai suivant sur la plateforme de SVOD HBO Max. En France, le film de Tina Satter a eu droit à une sortie dans les salles le 17 octobre sur 107 copies, et a attiré 125.000 curieux : un excellent score si l’on considère que le dernier film de Pédro Almodóvar, sorti à la même date sur 245 copies, n’a quant à lui enregistré que 69.000 entrées.

Le fait d’utiliser fidèlement une transcription juridique au cinéma n’est pas foncièrement nouveau : on se souvient notamment de The Arbor (Clio Barnard, 2010), dans lequel les acteurs faisaient du « playback » sur les entretiens enregistrés par Andrea Dunbar et sa fille Lorraine, ou encore de Compliance (Craig Zobel, 2012), qui se basait sur l’enregistrement d’un fait divers pour nous proposer une intéressante réflexion sur l’obéissance à l’autorité, inspirée de l’expérience de Milgram. Plus récemment, avec le film The Courtroom (2022), Lee Sunday Evans et son scénariste Arian Moayed avaient élagué des centaines de pages de transcriptions pour livrer au spectateur un reader’s digest absolument captivant sur l’affaire d’une immigrée philippine ayant été menacée, en 2018, d’être expulsée et séparée de son mari américain et de leur enfant après s’être inscrite par erreur sur les listes électorales.

Reality nous propose donc, sur le modèle du théâtre Verbatim, de revivre l’interrogatoire par le FBI d’une jeune traductrice sous contrat avec la NSA concernant des fuites de documents classés ; le film est par ailleurs entrecoupé de photos « réelles » de Reality Winner et d’extraits des transcriptions juridiques. La scénariste / réalisatrice Tina Satter conserve par ailleurs certains passages ayant été expurgés au marqueur dans les transcriptions, et les traduit à l’image par des parasites ou la disparition soudaine de personnages à l’écran, ce qui tend à renforcer l’aspect oppressant et presque « fantastique » que peut prendre le film par moments. Ce sentiment de bizarrerie est d’ailleurs également accentué par l’attitude passive / agressive des deux agents (Josh Hamilton et Marchánt Davis), dont les sourires figés et le langage corporel tranquillement menaçant pourraient parfois presque faire douter de leur appartenance réelle au FBI – d’autant plus de notre côté du globe, où l’affaire Winner n’a eu que très peu de retentissement médiatique.

Dans le rôle de Reality Winner, Sydney Sweeney, future Spider-Woman dans le Madame Web de Sony/Marvel, nous propose une prestation pleine de vulnérabilité, et un comportement s’imposant comme un mélange d’amabilité et d’inquiétude ; elle semble cependant dans un premier davantage préoccupée par ses animaux domestiques (et surtout son chat qui risque de s’enfuir quand un agent laisse la porte d’entrée ouverte) que par la véritable raison de l’intrusion du FBI dans sa petite maison d’Augusta. Reality parvient néanmoins sans peine à créer une tension grandissante au fil des échanges entre les différents personnages, en partie grâce à ses étrangetés formelles à la Twin Peaks, mais également en partie grâce à la musique de Nathan Micay, qui nous offre ici une bande originale qui confère aux images un sentiment de catastrophe imminente, et ce même lorsque les protagonistes du récit échangent des propos anodins.

Par moments, le malaise développé tout au long de Reality rend le film presque suffocant : la lente évolution dramatique du film accentue le fossé entre la civilité de façade et, on le sent, le sol se dérobant de plus en plus sous les pieds de l’héroïne au fur et à mesure que les questions – et accusations – se font plus précises. Et même si finalement, Reality Winner a simplement joué un rôle de lanceuse d’alerte, en pointant du doigt une réalité, le sort qui lui a été réservé – que l’on découvrira à la fin du film – aura forcément de quoi faire réfléchir sur le prix à payer quand on veut faire éclater la vérité. C’est d’ailleurs là le véritable tour de force du film de Tina Satter : même si Reality n’utilise pour construire son récit que des éléments factuels – la transcription de l’audition menée par le FBI – et ne rajoute pas la moindre ligne de dialogue visant à appuyer une thèse de façon à orienter le spectateur, le film parvient tout de même à égratigner de façon spectaculaire l’administration Trump, tout autant que le rôle qu’a pu jouer Fox News durant les élections américaines de 2016.

Le Combo Blu-ray + DVD + Livret

[5/5]

C’est Metropolitan Vidéo qui nous propose aujourd’hui de découvrir Reality sur support Blu-ray, et offre au film un Digipack trois volets de toute beauté : comme très souvent avec l’éditeur, la conception graphique a été confiée aux bons soins d’Emma Boutboul, qui s’est vraiment surpassée et nous livre ici un boulot assez extraordinaire. Mais en plus du film au format Blu-ray et en DVD, Metro nous propose un beau livret inédit de 20 pages comportant une passionnante critique du film par Nicolas Rioult et un très enrichissant entretien avec Tina Satter, qui évoquera les liens entre la pièce de théâtre et le film, les acteurs et certaines scènes-clés.

Côté master, comme d’habitude avec l’éditeur, le travail sur l’image et le son est absolument remarquable. Le film est bien proposé au format 2.00, la définition est parfaite, le piqué précis et les noirs affichent une belle densité : de la belle ouvrage. Côté son, Reality nous est proposé en VF et VO en DTS-HD Master Audio 5.1, et l’ensemble est vraiment excellent : les enceintes sont constamment sollicitées de façon assez dynamique, avec une belle place laissée à la musique de Nathan Micay, très présente durant la quasi-totalité du film.

Dans la section suppléments, on trouvera, en plus du livret de 20 pages, une featurette sur la véritable Reality Leigh Winner (4 minutes), qui reviendra sur son expérience, sur l’adaptation de son histoire au théâtre puis au cinéma, et évoquera ses projets professionnels depuis sa sortie de prison. On terminera le tour des bonus avec la traditionnelle bande-annonce du film, qui s’accompagnera d’une poignée de bandes-annonces éditeur : il s’agit pour la plupart de films inspirés d’histoires vraies (Private War, Scandale, Queens…).

On notera d’ailleurs que l’on a remarqué un intrus dans la petite sélection de bandes-annonces que nous propose Metropolitan sur le Blu-ray de Reality : il s’agit de celle de Freeway, le très sympathique thriller de Matthew Bright, sorti sur les écrans français en 1997, disponible en DVD depuis de nombreuses années, mais à ce jour encore inédit au format Blu-ray. On espère qu’il s’agit là d’un indice de la part de l’éditeur afin de nous annoncer la sortie prochaine du film en Haute-Définition ! On croise également pour que Metro ait la bonne idée de le sortir conjointement à Freeway 2, toujours écrit et réalisé par Matthew Bright en 1999, qui s’avère – et c’est suffisamment rare pour être souligné – un film complètement fou et par bien des aspects meilleur que le film original.

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