Razorback
Australie : 1984
Titre original : –
Réalisation : Russell Mulcahy
Scénario : Everett De Roche
Acteurs : Gregory Harrison, Arkie Whiteley, Bill Kerr
Éditeur : Carlotta Films
Durée : 1h35
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 30 janvier 1985
Date de sortie DVD/BR : 10 juillet 2019
Au fin fond du désert australien vit une créature indestructible capable de déchiqueter un homme en deux et de détruire une maison en quelques secondes. Plus de 400 kilos de défenses et de muscles avec pour unique objectif de terroriser la petite communauté isolée de Gamulla, une ville tout aussi violente et primitive que la bête qui la menace…
Le film
[5/5]
Au contraire d’un gars comme Peter Hyams, honnête artisan de la série B qui a toujours su privilégier l’efficacité aux artifices techniques et aux effets stroboscopiques, Russell Mulcahy n’est jamais vraiment parvenu à se trouver un style hors des clips « plus 80’s tu meurs » qui l’ont fait connaitre, et qu’il a mis en boite pour de fiers représentants de la décennie spandex fluo, tels que Duran Duran ou Billy Joel. D’où une carrière en dents de scie oscillant le plus souvent entre le mauvais et le très mauvais, allant d’un Highlander ô combien surestimé à une flopée de téléfilms qui feraient passer le cinéma d’Uwe Boll pour du Kubrick.
Mais la carrière de Russell Mulcahy comporte également quelques exceptions confirmant la règle, de petits trésors intouchables que l’on peut certes compter sur les doigts d’une main, mais qui lui permettront sans aucun doute de laisser une marque de son passage artistique sur cette Terre. Razorback en est un. Éblouissante pépite visuelle, dont l’esthétique ouvertement clippesque et exagérée allait créer autant d’amoureux que de détracteurs de ce qu’on appellerait presque instantanément le « style Mulcahy », Razorback est une plongée crasse et suintante au cœur du bush et de l’outback australiens – des régions désolées où rode un monstre assoiffé de sang, et peuplées de personnages dégueulasses, consanguins, inquiétants et dégénérés, qui confèrent au film une ambiance assez unique.
Derrière sa caméra, l’esthète australien parvient en effet à propager au spectateur l’atmosphère étouffante de chaleur et de vice qui baigne l’intrigue tout entière de Razorback. Le film jongle en effet avec des thématiques dures, telles que la culpabilité ou le désir mortifère de vengeance, tout en développant grâce à son sens de l’image et du cadrage biscornu un constant sentiment de malaise poisseux, inconfortable, mais aussi étrangement fascinant.
Coup d’essai, coup de maître, Razorback est incontestablement le chef d’œuvre de la carrière de Russell Mulcahy. C’est d’autant plus remarquable qu’il s’agissait là du tout premier long-métrage du cinéaste australien, qui pourra donner l’impression que ce dernier a voulu « tout donner », comme s’il n’était plus jamais sûr par la suite de tourner un deuxième film. Le résultat est sans appel, et aura de quoi filer des complexes à tous les aspirants-cinéastes du monde ; en l’espace de quelques minutes de film (disons, allez, cinq ?), Mulcahy multiplie déjà les plans d’anthologie, visuellement époustouflants, de ceux après lesquels on peut prendre sa retraite calme et serein, avec la satisfaction du travail bien fait.
Et si 35 ans nous séparent aujourd’hui de sa sortie dans les salles obscures, le film et son sanglier tueur n’ont pas pris la moindre ride. Mise en valeur par une mise en scène habile, jouant autant que de sa présence que de son absence à l’écran, sublimée par des effets spéciaux « animatroniques » indémodables, la créature fait toujours son petit effet lors des scènes où elle apparait : impressionnant, crédible et terrifiant, ce cochon-là risque bien de hanter vos cauchemars encore pendant longtemps…
Le Blu-ray
[4,5/5]
C’est donc aujourd’hui sous les couleurs de Carlotta Films que débarque enfin la première édition Haute Définition française de Razorback. Avant d’aborder la qualité du transfert en lui-même, tiré d’un master restauré 4K, on notera déjà le soin apporté par l’éditeur au packaging du « monstre », qui s’affiche dans un rutilant Steelbook présentant une illustration violemment cool très inspirée de celle qui servait de jaquette à l’édition australienne du film éditée par Umbrella Entertainment.
Côté Blu-ray, c’est du grand Art, le résultat est à la hauteur de nos attentes : l’image est débarrassée de toute tache ou poussière, d’une stabilité impeccable et définition et piqué sont littéralement excellents. Le transfert respecte par ailleurs à la lettre le grain argentique du film, qui a été préservé, et l’encodage ne nous réserve aucune mauvaise surprise. Superbe ! Côté son, les deux mixages (VF/VO) encodés en DTS-HD Master Audio 2.0 proposent des dialogues dynamiques et bien équilibrés. Et si ces deux mixages permettent déjà de bien profiter du film, le Blu-ray nous propose aussi un remixage en DTS-HD Master Audio 5.1 qui offre au film de Mulcahy un terrain de jeu acoustique bien plus intéressant et immersif, avec les canaux arrières et le caisson de basses qui enveloppent d’autant plus le récit dans une aura de mystère et de fantastique, même s’ils tendent par moments à mettre les dialogues légèrement en retrait.
Côté bonus, il vous faudra plusieurs longues heures pour venir à bout des nombreux suppléments qui sont proposées par Carlotta sur cette édition Blu-ray de Razorback. On commencera donc par revoir le film avec un commentaire audio de Russell Mulcahy et Shayne Armstrong : c’est donc accompagné d’un critique et grand admirateur du film que le réalisateur évoquera le tournage du film, ses choix formels et stylistiques ainsi que l’ambiance du film, des modifications qu’il a pu apporter sur le tournage, etc. Une véritable mine d’informations pour les amoureux du film, qui se régaleront également du long making of d’époque intitulé « Requins sur pattes » (1h14 !), qui retrace la genèse du film avec de nombreux entretiens avec divers membres de la distribution et de l’équipe (Russell Mulcahy, Hal McElroy, Ira Davies …), ainsi que des images du tournage, notamment de la préparation des effets spéciaux et des créatures aux côtés de Bob McCarron, le créateur du « monstre ».
On continuera avec une courte série de scènes coupées avec un commentaire audio optionnel de Russell Mulcahy (3 minutes), et surtout du « VHS Cut », soit une version uncut du film transférée depuis la VHS australienne. Un document d’archive intéressant, mais présenté en qualité VHS naturellement, en 4/3 et proposant un défilement PAL de 25 images / secondes. Anecdotique certes, mais intéressant que cette version permet de se rendre compte du bond qualitatif incroyable proposé par cette édition Blu-ray.
Pour terminer, outre les traditionnelles bandes-annonces, on trouvera également un sujet intitulé « Une certaine nature animale » (24 minutes), discussion entre critiques américains qui permettra à Alexandra Heller-Nicholas, Lee Gambin, Sally Christie et Emma Westwood de partager leurs impressions initiales sur Razorback et de tenter d’expliquer pourquoi le film est toujours un aussi solide divertissement 35 ans après sa sortie dans les salles obscures.