Psiconautas
Espagne, Japon : 2015
Titre original : Psiconautas, los niños olvidados
Réalisation : Pedro Rivero, Alberto Vázquez
Scénario : Pedro Rivero, Alberto Vázquez
Acteurs (VO) : Andrea Alzuri, Eva Ojanguren, Josu Cubero
Éditeur : Eurozoom
Durée : 1h16
Genre : Animation, Fantastique
Date de sortie cinéma : 24 mai 2017
Date de sortie DVD/BR : 26 juin 2018
Sur une île ravagée par un désastre écologique, deux adolescents ont décidé de fuir leur entourage et leur quotidien : l’étrange Birdboy en se coupant du monde et en affrontant ses démons intérieurs, la téméraire Dinky en préparant un voyage dangereux, avec l’espoir secret que Birdboy l’accompagne…
Le film
[5/5]
Un peu plus d’un an après une exploitation dans un circuit relativement restreint de salles françaises, Psiconautas débarque enfin en vidéo, à la fois sur support Blu-ray et DVD. Grâces soient donc rendues à Eurozoom, distributeur et éditeur indépendant ayant suffisamment confiance dans les qualités extraordinaires du film d’animation d’Alberto Vasquez et Pedro Rivero pour offrir à cet immense chef d’œuvre de l’animation contemporaine une deuxième vie dans votre salon.
Fable philosophique aux accents volontiers malsains et effrayants, constamment sur le fil entre le récit initiatique de type « coming of age » et le cauchemar éveillé, Psiconautas évolue au cœur d’un genre qui n’appartient quasiment qu’à lui, tout en convoquant les plus grands noms classiques en termes de bizarrerie navigant à la lisière des territoires de l’enfance, faisant le grand écart entre un univers pictural proche du conte et un ton versant régulièrement dans la noirceur la plus totale. Pendant le film, on pense à Lewis Carroll bien sûr, mais également à Art Spiegelman ou à Maurice Sendak, même si la création d’Alberto Vasquez s’avère suffisamment singulière et unique pour ne jamais singer ses modèles.
En deux mots comme en cent, Psiconautas est une véritable merveille de film d’animation, poétique, macabre et vraiment incontournable. Lors de la sortie du film en salles l’année dernière, notre rédacteur en chef Pascal Le Duff en avait d’ailleurs largement évoqué les qualités :
« Quelques adolescents rêvent de quitter une île ravagée après un désastre écologique. L’audacieuse Dinky espère convaincre le tourmenté Birdboy de s’enfuir avec elle.
Alberto Vázquez adapte sa bande dessinée avec Pedro Rivero pour un film d’animation post-apocalyptique, destiné avant tout à un public adulte. Le propos politique et psychologique est radical dans cette observation sans fard d’une humanité compromise, malgré de rares personnages positifs assez troubles. Dans cette fable fascinante, la tentation du mal est puissante et il est difficile, mais pas impossible, de résister. De la lumière perce parfois de ces ténèbres, mais peut-on réellement parler d’espoir dans ce contexte ?
Une œuvre sublime, riche en émotions contradictoires, les styles esthétiques variés accompagnant cette complexité. Les couleurs douces et les traits rassurants jurent fortement avec des éléments plus chargés qui reflètent une atmosphère angoissante et tragique. Un humour très noir offre quelques plages de respiration, notamment avec ces objets doués de parole et de conscience (dont un réveil stressé) dotés d’une âme et d’une raison dont leurs possesseurs semblent dépourvus. »
Le Blu-ray
[4,5/5]
Trop peu connu en France malgré ses quelques années d’existence, l’éditeur Eurozoom est, petit à petit, en train de se composer un catalogue vidéo tout simplement exceptionnel, essentiellement composé de petites pépites issues du cinéma d’animation international. Psiconautas a donc rejoint les rangs de l’éditeur à la fin du mois dernier, se retrouvant de fait aux côtés de Belladonna, Budori – L’étrange voyage ou encore Animerama (Les 1001 nuits + Cléopatra) qui vient tout juste de sortir… Autant de titres indispensables, qui doivent (ou devraient si ce n’est pas déjà le cas) orner les rayons de vos étagères Blu-ray / DVD.
Avec le Blu-ray de Psiconautas, les petits gars (et les filles) d’Eurozoom confirment tout le bien que l’on pensait déjà d’eux, en devenant un des très rares éditeurs français à « oser » sortir un film d’animation aussi révolutionnaire que par moments quasi-expérimental. Côté galette Haute Définition, le master est littéralement flamboyant, et permettra de s’imposer auprès des spectateurs le découvrant comme une authentique claque visuelle : le piqué est d’une précision absolue, la définition est sans accroc, les couleurs en envoient plein les mirettes des spectateurs (une véritable explosion de couleurs chatoyantes !), et les noirs s’avèrent denses et profonds : le rendu est sec, tranchant et violemment beau, voire même carrément sublime. Un sans-faute absolu ! Côté son en revanche, si le film ne bénéficie pas d’un mixage HD, il s’impose néanmoins dans un solide Dolby Digital 5.1 qui fait le boulot sans en faire trop, mais les scènes en extérieur ainsi que le dantesque final du film s’avéreront particulièrement réussis et parfaitement immersifs. On notera que le film est proposé en VO espagnole only, avec des sous-titres français. Du beau travail.
Côté suppléments, Eurozoom fait également très fort en nous proposant deux courts-métrages signés Alberto Vasquez, en HD et VOST : Birdboy (2011, 12 minutes), qui fait office de « prequel » à Psiconautas, puisqu’il raconte les événements s’étant produits sur l’île avant le début du film ; ce petit film est accompagné du génial et hilarant Decorado (2016, 10 minutes), un gros délire en noir et blanc aussi drôle qu’inquiétant. Ces courts-métrages ont tous deux remporté le Goya du meilleur court métrage d’animation, en 2012 et en 2017. On trouvera ensuite un passionnant entretien avec Alberto Vasquez et Pedro Rivero (12 minutes), qui reviennent sans langue de bois sur la genèse et la conception du film. C’est très intéressant, mais on regrette cela dit que les sous-titres comportent autant de fautes d’orthographe. On notera enfin la présence d’un dossier pédagogique sur le film, un outil indispensable si jamais vous êtes prof et que vous avez l’intention de projeter le film à vos élèves – attention néanmoins, en raison de son ambiance pessimiste et de ses passages très noirs, on aurait tendance à déconseiller Psiconautas aux moins de douze ans…