Test Blu-ray : Plus beau que moi tu meurs

0
504

Plus beau que moi tu meurs

France : 1982
Titre original : –
Réalisation : Philippe Clair
Scénario : Bruno Tardon, Philippe Clair
Acteurs : Aldo Maccione, Philippe Clair, Raymond Pellegrin
Éditeur : Cinéfeel
Durée : 1h48
Genre : Comédie
Date de sortie cinéma : 10 novembre 1982
Date de sortie DVD/BR : 5 novembre 2024

Aldo et Marco sont jumeaux. Marco, curé de son état à toujours été un objet de fierté pour sa mère, tandis qu’Aldo a déjà passé six séjours en prison. Toujours en quete d’argent et de jolies filles, il se laisse happer par de folles opérations, souvent malhonnêtes, qui d’ailleurs échouent la plupart du temps. Un jour, il est obligé de fuir en Tunisie, habillé en curé et se faisant passer pour Marco. Il y retrouve Prosper, un ami d’enfance, qu’il entraine dans sa course aux millions et aux belles estivantes. Marco, délégué par la police parisienne, débarque en Tunisie pour limiter les dégats mais ne fait que les aggraver. Une fois de plus, Aldo devra disparaître un moment dans la nature et se faire oublier…

Le film

[3,5/5]

La comédie populaire française est un monstre bicéphale. D’un côté, nous avons les œuvres « respectables », écrites avec finesse et s’imposant auprès de la critique et du public comme autant de petits trésors pétillants et drôles. De l’autre, on a ce qu’on appelle aujourd’hui plus ou moins gentiment les « nanars » : ces comédies franchouillardes des années 70/80, qui ne sont guère plus diffusées à la télévision de nos jours, privant les jeunes générations de cinéphiles de la découverte de tous ces films avec Jean Lefebvre, Pierre Mondy, Paul Préboist, Darry Cowl, Pierre Tornade, Aldo Maccione, Henri Guybet, Michel Galabru, Luis Régo, Georges Beller ou les Charlots…

Bien sûr, la comédie populaire franchouillarde compte aussi ses classiques (les sagas consacrées à la Septième compagnie ou au Gendarme de St Tropez), ses films cultes, rarement vus, mais souvent cités (Mon curé chez les nudistes, Les Charlots contre Dracula), ses réalisateurs dévoués (Jean Girault, Philippe Clair, Max Pécas, Raoul André…). Mais ce genre largement conspué compte surtout beaucoup, beaucoup, beaucoup de films oubliés, tombés dans les limbes de la mémoire collective malgré des chiffres parfois impressionnants réalisés dans les salles obscures, et qui réapparaissent parfois grâce au travail acharné de certains éditeurs dans la réhabilitation du nanar français.

Plus beau que moi tu meurs fait indéniablement partie de ces films-là : après avoir enregistré rien de moins que 3,2 millions d’entrées dans les salles françaises en 1982, le film a été régulièrement diffusé à la télévision, au moins jusqu’à la disparition de La 5 en 1992, ce qui permit sans doute à nombre de cinéphiles d’environ quarante ans d’avoir eu le loisir de le découvrir enfants à la télé, et d’en parler le lendemain avec ses copains pendant la récré. Parce que mine de rien, l’humour simple et direct de Philippe Clair avait un impact certain sur les enfants de 7, 8 ans, et à titre personnel, je dois avouer m’être rendu compte en revoyant le film que certaines répliques de Plus beau que moi tu meurs m’avaient durablement marqué, pour des raisons X ou Y, au point de parfois les citer sans me souvenir qu’elles étaient tirées de ce film.

Sans faire une généralité d’un cas isolé, on peut donc supposer que si vous avez été biberonné au cinéma populaire dans la deuxième moitié des années 80, vous avez probablement vu et revu Plus beau que moi tu meurs, au point peut-être d’en user la bande VHS. Deuxième collaboration entre Philippe Clair et Aldo Maccione (après Tais-toi quand tu parles), ce film avait la particularité de nous proposer deux fois plus d’Aldo Maccione, puisque l’acteur italien y incarnait à l’écran à la fois Aldo et Marco, deux frères jumeaux aux personnalités diamétralement opposées : l’un est un séducteur / repris de justice, l’autre est curé. Voilà qui laissait augurer des quiproquos rocambolesques et hauts en couleurs !

En réalité, le scénario de Plus beau que moi tu meurs utilise bien peu le concept des deux frères que tout oppose, et suit essentiellement les aventures d’Aldo, de ses galères et coups de malchance parisiens jusqu’à sa fuite en Tunisie, où il rejoindra son ami d’enfance Prosper Bensoussan (incarné par Philippe Clair lui-même), et où Aldo entreprendra, pour on ne sait trop quelle raison, de séduire une femme riche. Pour les cinéphiles l’ayant découvert il y a quarante ans, tout autant que pour ceux étant acclimatés à la comédie française des années 80, le film de Philippe Clair sera à coup sûr considéré comme un objet cinématographique typique de son époque. On entend par là que la plupart des gags et situations mises en scène par le film feraient s’arracher les cheveux de la puissante Secte des Wokistes qui sévit sur X (ex-Twitter).

C’est un lieu commun que d’affirmer que tel ou tel film serait impossible à réaliser de nos jours, et il s’agit d’une considération finalement assez erronée dans le domaine de la comédie, dans le sens où la plupart des comédies françaises contemporaines pratiquent volontiers l’Art du « politiquement incorrect », en enchaînant les blagues douteuses et les préjugés racistes, voire homophobes. Il semble en effet encore aujourd’hui possible de se moquer des accents étrangers ou de jouer la « grande folle » à la Michel Serrault ou à la Gérard Vivès – par certains aspects, on peut donc encore tourner des films dans cet esprit potache d’antan. Pourtant, il serait aujourd’hui bien difficile de produire un film tel que Plus beau que moi tu meurs, en raison de la vision des femmes qu’il propose, les renvoyant souvent au rang d’objets sexuels. Quelques années après le scandale #Metoo, on imagine mal comment on pourrait reproduire à l’identique certains films tournés par Philippe Clair ou Max Pécas dans les années 80, qui multipliaient les plans « nichons » et donnaient à voir au spectateur énormément de nudité féminine totalement gratuite.

De fait, Plus beau que moi tu meurs est une sorte d’équivalent cinématographique de l’émission Cocoricocoboy de Stéphane Collaro, diffusée entre 1984 et 1987, qui proposait également au téléspectateur de se rincer l’œil tous les soirs devant la « Playmate » de l’émission et de son fameux strip-tease. Il s’agit bien sûr d’une vision un poil phallocrate du divertissement, mais elle correspond à l’état d’esprit d’une époque ; personne ne s’offusquait à l’époque de voir Aldo Maccione marquer au fer rouge des femmes en bikini comme s’il s’agissait de bétail. Pour autant, il faut aussi avouer qu’en dépit de la nudité abondante, Philippe Clair parvient à conserver une tonalité bon enfant, notamment parce que ses personnages sont extrêmement maladroits et souvent ridicules. On notera par ailleurs que Philippe Clair et Aldo Maccione ont réalisé une suite à Plus beau que moi tu meurs en 1987, intitulée Si tu vas à Rio tu meurs.

Le Blu-ray

[4/5]

Inédit en DVD et Blu-ray, Plus beau que moi tu meurs n’était jusqu’ici disponible qu’au format VHS. C’est donc avec un grand plaisir que l’on accueille aujourd’hui sa sortie en Haute-Définition, qui se fait sous les couleurs de Cinéfeel. Disponible depuis le 6 novembre, le film de Philippe Clair s’offre donc un inattendu lifting HD sur galette Blu-ray : le film a fait l’objet d’une belle restauration, et le master s’avère solide. L’image est d’une belle stabilité, le grain d’origine est scrupuleusement respecté, le piqué est d’une étonnante précision, les couleurs superbes et éclatantes. Du très beau travail ! Côté son, Plus beau que moi tu meurs est proposé dans un mixage DTS-HD Master Audio 2.0, propre et clair, restituant parfaitement les dialogues et la musique du film, et faisant preuve d’un équilibre remarquable.

Du côté des suppléments, outre la traditionnelle bande-annonce, on trouvera un documentaire dédié à la carrière de Philippe Clair (32 minutes) et intitulé Philippe Clair : Tais-toi quand il parle ! Ce passionnant sujet s’articule autour des propos de trois intervenants : Philippe Clair lui-même, son fils Estéban, et son biographe Gilles Botineau, grand spécialiste de la comédie populaire dite « franchouillarde ». Philippe Clair commencera, avec un certain humour, par revenir sur son arrivée en France, les difficultés qu’il avait à assumer son prénom « Prosper », et son parcours et sa formation de comédien, en revenant rapidement sur le choix de son pseudo Philippe Clair. Avant de se lancer dans le cinéma, il s’était lancé sur les planches et avait notamment monté La Parodie du Cid d’Edmond Brua, qui fut un véritable carton et attira l’attention des producteurs de cinéma. Très en avance sur son temps, son premier long-métrage Déclic et des claques (1965) ne fut pas un grand succès public, mais fut par la suite réhabilité et vu comme un précurseur de La Vérité si je mens ! (Thomas Gilou, 1997). C’est le succès de son deuxième long-métrage La Grande java qui lui permit de continuer à tourner avec régularité, le problème étant selon Gilles Botineau qu’à « chaque fois qu’il ne s’entend pas avec un acteur, le film est un carton, ce qui implique qu’il doit se réinventer en permanence ». Les anecdotes sont nombreuses et amusantes, notamment du côté d’Estéban, qui explique qu’il avait l’obligation de regarder les films de son père à la maison, évoque sa première apparition dans un de ses films au moment où il était dans le ventre de sa mère, avant de mordre Aldo Maccione dans Plus beau que moi tu meurs. Il analysera également l’évolution de la comédie française, et la disparition de la notion d’exotisme dans la comédie contemporaine.

Parallèlement aux sorties Blu-ray de La Grande java et Plus beau que moi tu meurs, l’éditeur Cinéfeel nous propose depuis le 5 novembre un coffret 7 DVD intitulé « Plus drôle que ça tu meurs !!! – 10 comédies cultes de Philippe Clair », comprenant Déclic et des claques (1965), La Grande Java (1971), Le Grand fanfaron (1976), Comment se faire réformer (1978), Les réformés se portent bien (1978), Ces flics étranges venus d’ailleurs (1979), Rodriguez au pays des merguez (1980), Tais-toi quand tu parles (1981), Plus beau que moi tu meurs (1982) et Par où t’es rentré on t’a pas vu sortir (1984). Nous aurons bien entendu l’occasion d’aborder ce coffret en détail dans un article dédié.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici