Picpus
France, Allemagne : 1943
Titre original : –
Réalisation : Richard Pottier
Scénario : Jean-Paul Le Chanois
Acteurs : Albert Préjean, Juliette Faber, Jean Tissier
Éditeur : Gaumont
Durée : 1h30
Genre : Policier
Date de sortie cinéma : 12 février 1943
Date de sortie DVD/BR : 11 novembre 2020
Madame Dumont vient d’emménager rue de Picpus, elle trouve un cadavre dans son armoire. Le seul témoin du meurtre est aveugle. Il est tué, ainsi que Madame Dumont et un directeur d’agence de détectives véreux. Les vacances du commissaire Maigret qui se reposait à la campagne sont écourtées, il se lance dans l’enquête…
Le film
[3/5]
A l’origine, il y a Georges Simenon bien sûr, et sa nouvelle « Signé Picpus », prépubliée dans le quotidien Paris-Soir, entre décembre 1941 et janvier 1942. Picpus est la première adaptation de ce court récit devenu un classique des enquêtes du commissaire Maigret. Par la suite, cette histoire sera à nouveau adaptée, à quatre reprises, pour la télévision : au Royaume-Uni, en Italie, et par deux fois en France, le rôle du commissaire Maigret y étant tenu alternativement par Jean Richard (en 1968) puis par l’excellent Bruno Crémer (en 2003).
Autant d’ailleurs être clair d’entrée de jeu : l’attachement que l’on pourra ressentir vis-à-vis des différentes adaptations des enquêtes de Maigret sera souvent fortement lié à la personnalité de l’acteur qui incarnait le fameux commissaire à l’écran. Dans Picpus, il s’agit d’Albert Préjean, qui tiendra le rôle de Maigret en tout à trois reprises sous l’occupation, dans Picpus donc, puis dans Cécile est morte et Les caves du Majestic, tous deux sortis en 1944. Surtout connu pour sa carrière dans le Music Hall, Préjean est un chanteur célèbre des années 30 – il est notamment l’interprète de chansons telles que « Comme de bien entendu » ou « Dans la vie faut pas s’en faire ». Il cultive donc auprès du public de l’époque une image de nonchalance fantaisiste, pleine de bonne humeur, qui colle assez peu au personnage de Maigret à vrai dire. Pour autant, sa prestation obtiendra à priori tout de même l’aval de George Simenon, crédité au générique de Picpus en tant que « consultant ».
Proposant une adaptation très libre de l’enquête imaginée par Simenon, Picpus développe assez laborieusement son intrigue, qui demeure assez longtemps obscure, voire incompréhensible. Le tout est cependant rythmé par un certain humour, notamment véhiculé par les dialogues signés Jean-Paul Le Chanois. On notera également que le film est techniquement très solide, proposant même – fait rarissime en 1943 – une amusante séquence en split screen, donnant au spectateur l’occasion de visualiser ce dont parle un des personnages à l’écran. Pour le reste, et si l’on parvient à faire abstraction de la personnalité nouvelle de ce Maigret de cinéma, volontiers arrogant et bagarreur, on ne pourra que se régaler du défilé de seconds-rôles pleins de charme que nous propose Picpus : Noël Roquevert, Antoine Balpêtré, Jean Tissier… Tous excellents.
Le Blu-ray
[4/5]
Peu à peu, le cinéma populaire français produit pendant l’occupation sort un peu de l’ombre, et aujourd’hui, grâce à Gaumont, Picpus sort au format Blu-ray au sein de la collection « Blu-ray Découverte » de l’éditeur, parfois également appelée « Gaumont Découverte en Blu-ray ». Le film a bénéficié d’une restauration en 2019 et affiche aujourd’hui une forme insolente malgré les années. Bien entendu, le format est respecté, et le film de Richard Pottier retrouve littéralement une nouvelle jeunesse. L’image est d’une belle stabilité, le grain d’origine est scrupuleusement respecté, le piqué est d’une étonnante précision. Le noir et blanc est particulièrement bien géré et les contrastes pointus accentuent l’impression de profondeur de l’ensemble ; seuls les plans « à effets » (fondus enchainés, mentions écrites…) marquent naturellement, et comme d’habitude, les effets du temps – néanmoins, ils constituent des points de comparaison qui rendent le travail de restauration d’autant plus perceptible et remarquable. Côté son, le film est proposé dans un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 propre et parfaitement clair, restituant parfaitement les dialogues et la musique du film.
Du côté des suppléments, on trouvera une présentation du film par Didier Griselain (24 minutes), spécialiste du cinéma français 1930-1960. Il reviendra donc sur le contexte de production du film, sur le parcours de Richard Pottier et Albert Préjean pendant la guerre, ainsi que sur la façon dont les auteurs du film ont adapté la personnalité du personnage de Maigret à la personnalité réelle d’Albert Préjean. Tous les aspects du film ou presque sont passés en revue de façon passionnante. On terminera enfin avec un sujet dédié à la restauration du film, présenté sur le mode toujours payant du « avant / après ».