Test Blu-ray : Paris Secret + Paris Top Secret

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Paris Secret (Édouard Logereau, 1965) et Paris Top Secret (Pierre Roustang, 1969) sont deux représentants français d’un genre un peu retombé dans l’oubli de nos jours : le « Mondo ». Le genre est né en 1962 avec le film Mondo Cane de Gualtiero Jacopetti, Paolo Cavara et Franco Prosperi. Notre rédacteur en chef Pascal Le Duff avait abordé ce film pour le moins singulier dans nos colonnes il y a quelques années ; on le citera donc ci-dessous, lui laissant la parole le temps d’un paragraphe.

« Ce film semi-documentaire possède une forme inédite : un assemblage de scènes présentées comme prises sur le vif mais plusieurs ont en réalité été retournées selon le bon vouloir des réalisateurs pour asséner un propos un poil douteux, vaguement réactionnaire. Le but était surtout de titiller les bas instincts du spectateur en quête de sensations fortes, à renfort de scènes d’une violence extrême ou dénudées, présentées comme sociologiques ou ethnographiques, au sein de populations dites sauvages, de préférence en Afrique. Le succès aidant, un sous-genre, le Mondo, est né et connaîtra de multiples exemples qui, avec plus ou moins de bonheur, exploiteront les misères du monde pour soi-disant les dénoncer. »

Paris Secret

France : 1965
Réalisation : Edouard Logereau
Scénario : Edouard Logereau, Claude Brulé, Pierre Roustang
Acteurs : Romain Bouteille, Henri Garcin
Éditeur : Gaumont
Durée : 1h28
Genre : Documentaire
Date de sortie cinéma : 17 mai 1965
Date de sortie DVD/BR : 20 septembre 2023
Date de sortie Blu-ray : 25 novembre 2015

Une visite du Paris insolite et invisible à travers 25 séquences choc : concours de drague, prostitution et cabarets, fêtes foraines, catch, égouts, tatouage…

Paris Top Secret

France : 1965
Titre original : –
Réalisation : Pierre Roustang
Scénario : Pierre Roustang
Acteurs : Philippe Bouvard, Jérôme Savary, Szabo
Éditeur : Gaumont
Durée : 1h16
Genre : Documentaire
Date de sortie cinéma : 19 novembre 1969
Date de sortie DVD/BR : 20 septembre 2023

À travers plusieurs sujets, découvrez une compilation des aspects immoraux et du profil trouble de Paris. Une plongée sans concession dans les bas-fonds de la capitale…

Les films

[4/5]

Tournés à quelques années d’intervalle, Paris Secret et Paris Top Secret se veulent donc une exploration par l’exemple des aspects les plus insolites et méconnus de la capitale française – la raison d’être du film est donc « sociologisante », et se veut relativement sérieuse, en dépit des commentaires en voix off énoncés par Romain Bouteille et Henri Garcin (Paris Secret) et Philippe Bouvard (Paris Top Secret). S’il est permis d’émettre de sérieux doutes quant à leur portée sociologique, d’une façon assez amusante, et à la manière de certains films de la Hammer Films tournés avant et après 1968, la comparaison entre les deux films permet en revanche de mesurer l’ampleur de l’évolution du cinéma français en termes de mœurs, de sexualité et plus largement de relâchement de la censure entre 1965 et 1969.

Car si Paris Secret se pose encore comme un film relativement « prude », presque timoré d’un point de vue visuel, dans le cas de Paris Top Secret, on nage en revanche dans le putassier le plus complet, le film enchaînant les séquences pseudo-informatives dont le seul but semble en réalité être de montrer le plus possible de femmes nues à l’écran en un minimum de temps, le tout commenté de façon outrancièrement misogyne par Philippe Bouvard. On ne va pas se voiler la face cependant : si Paris Secret – et à plus forte mesure encore Paris Top Secret – auraient certainement de quoi provoquer une attaque cardiaque chez n’importe quel(le) féministes contemporain(e), ces deux films n’en restent pas moins les témoins assez réjouissants d’une époque où il semblait possible de montrer et de dire absolument tout et n’importe quoi.

Surtout n’importe quoi d’ailleurs, dans le cas de Paris Secret et Paris Top Secret. Car la frontière est ténue entre le réel et l’imaginaire au cœur de ces films, qui alternent sans complexe les séquences prises sur le vif et celles montées de toutes pièces. Ainsi, une scène de Paris Secret nous montre une jeune fille de dix-sept en train de se faire tatouer une Tour Eiffel et une rose sur la fesse. Durant la séquence suivante, le tatouage est prélevé par exérèse. Le contrat passé entre la production et l’actrice débutante – pour une rémunération de 500 francs – évoquait un simple « détatouage », alors que le tatouage fut ôté au moyen d’une véritable opération chirurgicale, qui laissa à l’actrice une importante cicatrice et l’obligea à subir une interruption totale de travail de plusieurs semaines. Elle assigna la production à annuler le contrat, et reçut 30.000 francs de dommages et intérêts. La cour ordonna de plus à la production de supprimer la scène du film et de rendre le morceau de peau prélevé par chirurgie à sa propriétaire.

Dans le même esprit, la dernière séquence de Paris Top Secret, qui évoque les « épouses du Diable », semble tout aussi fantaisiste – on la croirait directement sortie d’un film de Jess Franco, et cette impression est encore renforcée par le fait qu’elle se déroule au cœur d’une maison troglodytique à l’architecture très singulière, que l’on a souvent eu l’opportunité de voir au cinéma depuis la fin des années 60, et notamment récemment dans Lucky (Olivier Van Hoofstadt, 2020).

Pourtant, malgré – ou peut-être grâce à – tous leurs défauts, on ne peut s’empêcher de ressentir une certaine fascination à la découverte de Paris Secret et Paris Top Secret, qui constituent à leur manière des jalons, des repères temporels qui nous permettent de constater le chemin parcouru en soixante ans en ce qui concerne certaines questions de mœurs, mais aussi sur la question du racisme ordinaire ou de la misogynie, qui sont accentués avec une telle candeur ici que cela peut parfois nous paraître énorme et outrancier. Parce que ça l’est !

Le Blu-ray

[5/5]

C’est Gaumont qui nous propose aujourd’hui donc de découvrir Paris Secret et Paris Top Secret, les deux « Mondos » à la française, au format Blu-ray. On notera que le Blu-ray est doté, sur son premier tirage, d’une jaquette réversible avec une illustration exclusive réalisée par Marc Petit au recto et une création aux couleurs de Gaumont Découverte Blu-ray au verso (voir visuels en début d’article).

Les deux films, invisibles depuis de nombreuses années, ont été sauvés de la destruction – et de l’oubli – par Gaumont, qui les a soigneusement restaurés et nous les propose donc aujourd’hui au format respecté et encodés en 1080p. Côté image, les deux films – très courts –  sont stockés sur un seul et même Blu-ray, mais la facture technique est excellente, même si les scènes nocturnes affichent occasionnellement de légers fourmillements. Le grain argentique a globalement été scrupuleusement préservé, la définition est accrue et les couleurs sont solides. Les deux films semblent donc avoir bénéficié d’une restauration efficace et bénéficient d’un joli upgrade Haute-Définition. En deux mots comme en cent, le boulot a été fait -et bien fait- pour que nous puissions découvrir ces deux mondos dans les meilleures conditions possibles. Du côté des enceintes, les films nous sont proposés en DTS-HD Master Audio 2.0, en mono d’origine évidemment. Les mixages sont tout à fait satisfaisants, clairs et équilibrés.

Dans la section suppléments, on aura l’opportunité d’entendre une présentation des films par Sylvain Perret, responsable éditorial de chez Gaumont (6 minutes), qui s’avère visiblement très friand de cinéma d’exploitation et très fier de nous proposer de découvrir Paris Secret et Paris Top Secret dans de belles versions restaurées. On aura également droit à une intéressante conversation entre Sylvain Perret et Maxime Lachaud, co-auteur de « Reflets dans un œil mort : Mondo movies et films de cannibales » (32 minutes). Une édition indispensable pour tout amateur de curiosités carrément déviantes !

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