Outrages
États-Unis : 1989
Titre original : Casualties of War
Réalisation : Brian De Palma
Scénario : David Rabe
Acteurs : Michael J. Fox, Sean Penn, Don Harvey
Éditeur : Sony Pictures
Durée : 1h54
Genre : Guerre, Drame
Date de sortie cinéma : 10 janvier 1990
Date de sortie DVD/BR : 8 janvier 2025
En 1966 au Vietnam, un jeune soldat s’oppose à un sergent brutal et borné. Une opposition qui devient dégoût et haine quand l’escouade enlève une jeune fille et la viole…
Le film
[4/5]
L’intrigue d’Outrages est inspirée d’une histoire vraie, survenue en novembre 1966 dans la province de Bình Định pendant la guerre du Vietnam : il s’agit de l’enlèvement, du viol collectif et du meurtre d’une jeune vietnamienne par un groupe de soldats américains. Ce sordide fait divers fut révélé par Daniel Lang dans un article du New Yorker paru en 1969 ; ce dernier lui consacrerait par la suite un livre intitulé « Incident de la colline 192 ». En 1970, le cinéaste allemand Michael Verhoeven avait déjà réalisé un film sur le sujet, O.k., qui fut à l’époque de sa sortie considéré comme un pamphlet anti-américain. En 1972, Elia Kazan s’attarderait également sur le sujet, d’une façon un peu détournée, avec Les visiteurs, qui mettait en scène deux soldats ayant été condamnés à deux ans de prison pour avoir violé et tué une jeune Vietnamienne retrouvant, au pays, celui qui les avait dénoncés.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que derrière la maestria technique et visuelle déployée par Brian De Palma, Outrages soulève des questions troublantes sur la façon dont l’éthique et même l’humanité en général se retrouvent gravement compromises en situation de guerre. Le scénario de David Rabe, vétéran du Vietnam, ne cherche pas à trouver des excuses au comportement de ses personnages, dont les choix et les actions sont passées au crible sans manichéisme. Le bourbier moral dans lequel ils sont empêtrés fait naturellement écho à une situation vietnamienne en train de s’enliser totalement.
Au cœur d’Outrages, il y a donc le duo Michael J. Fox / Sean Penn, qui, de loin, semble représenter l’éternelle dichotomie entre le Bien et le Mal, mais qui, quand on se rapproche un peu, paraît en réalité beaucoup complexe que cela. Rien n’est ni tout noir, ni tout blanc, et la ligne ténue qui sépare le bien du mal est pleine de contrastes, surtout en ce qui concerne le personnage de Tony Meserve (Sean Penn), qui malgré sa nature d’ordure s’impose aussi presque comme une « figure paternelle » pour Eriksson (Michael J. Fox) et les autres membres de son escouade. Ainsi, Meserve est aussi un héros qui, sur le champ de bataille, s’est avéré prêt à faire n’importe quoi pour sauver la vie de ses camarades. On pense bien sûr à la séquence d’ouverture du film, extraordinairement chorégraphiée, au cœur de laquelle De Palma met en scène Meserve tirant d’affaire un Eriksson complètement coincé dans un tunnel souterrain peuplé de Viet Congs.
Dans le même état d’esprit, on ne peut pas reprocher à Meserve de ne pas être un mec ouvert, comme en témoigne la relation étroite qu’il entretient avec le caporal Brown (Erik King), son meilleur ami. C’est la mort de ce dernier qui va faire basculer le personnage de Sean Penn dans la haine et la folie – sentiments entretenus par le sentiment indéfectible de se situer du côté du « Bien ». Il est à l’image de ces milliers de soldats dont la guerre a peu à peu réduit à néant la boussole morale, sans même qu’ils s’en rendent compte. Le scénario d’Outrages met ainsi en évidence l’influence de la guerre sur les actes barbares de ce petit groupe de soldats. La guerre du Viêt Nam était en effet un rouleau-compresseur, une broyeuse qui écrasait physiquement et mentalement les soldats livrés à eux mêmes au cœur de la jungle et passait leurs âmes à la moulinette. Plus les soldats restaient au front, plus ils perdaient la raison.
Si le message d’Outrages n’est certes pas original, il a en revanche le mérite d’être clair : la guerre fait ressortir le pire de l’être humain. Brian De Palma construit son récit en prenant bien soin de souligner le nombre de victimes « collatérales » des conflits armés. Ce qui est dommage en revanche, c’est sa tendance à s’écarter du réalisme cru développé durant la première demi-heure du film – pourtant mis en scène à grands renforts de plans « impossibles » visuellement très impressionnants – au fur et à mesure que le récit avance. La dernière partie d’Outrages n’évitera ainsi ni le pathos, ni la tendance au mélo tire-larmes… Qu’à cela ne tienne : il s’agit tout de même d’un sacré beau morceau de péloche !
Le Blu-ray
[4/5]
Sorti au format DVD en 2002 pour sa version « cinéma », puis en 2006 pour sa version « Director’s Cut », Outrages avait beaucoup tardé avant de finalement trouver la voie d’une sortie en Haute-Définition : il sortirait finalement fin 2021 sous les couleurs du regretté éditeur Wild Side Vidéo (ah, heu, attendez, on me fait signe que Wild Side existe encore bel et bien), dans un coffret aujourd’hui épuisé et s’échangeant à prix d’or sur le marché de l’occasion. On notera que le film de Brian De Palma ne nous était alors proposé que dans sa version « Director’s Cut », d’une durée de 1h59. La version « Cinéma » du film était de fait toujours inédite en France en Haute-Définition : ce n’est plus le cas aujourd’hui, puisque le nouveau Blu-ray d’Outrages édité par Sony Pictures ne nous propose quant à lui que de revoir le film de Brian De Palma dans sa version « cinéma », d’une durée de 1h54.
Côté galette Blu-ray, Outrages nous est présenté dans un master solide, ne présentant pas de souci particulier : les couleurs sont éclatantes et saturées, la définition ne pose pas le moindre problème et le niveau de détail ne faiblit jamais malgré un grain argentique assez bien préservé – c’est du beau travail. Côté son, la VO nous est proposée dans un mixage DTS-HD Master Audio 5.1 au rendu sonore clair, net, bien spatialisé, privilégiant la plupart du temps les ambiances à un dynamisme trop agressif acoustiquement parlant, mais sachant également nous proposer du gros son sur les séquences les plus musclées du film. Petit retour en arrière du côté de la VF en revanche, simplement mixée en Dolby Digital 5.1, mais les amateurs apprécieront sans doute le rendu de la version française d’origine, qui nous donne à entendre certaines voix bien connues des fans de VF estampillées 80’s.
Au rayon des bonus, on retrouvera quelques intéressants suppléments hérités du DVD d’Outrages déjà édité par Sony Pictures en 2002 : on commencera avec le passionnant making of signé Laurent Bouzereau (31 minutes), qui sera l’occasion de ré-entendre le réalisateur Brian De Palma expliquer comment il a réussi à ne pas être envoyé au Vietnam. Il reviendra également sur le casting du film (John C. Reilly, Thuy Thu Le…), se remémorera l’entraînement très poussé de ses acteurs ainsi que le tournage en Thaïlande. Il évoquera également la fin du film. On poursuivra avec un entretien avec Michael J. Fox (19 minutes) au cœur duquel il reviendra sur sa préparation ainsi que sur ses relations avec Brian De Palma et Sean Penn sur le tournage. L’acteur évoquera également les dilemmes moraux auxquels son personnage – tout autant que les vrais soldats ayant été envoyés au Vietnam – ont été confrontés.