Nymphomaniac – Director’s cut
Danemark, Allemagne, France, Belgique, Royaume-Uni : 2013
Titre original : Nymphomaniac
Réalisateur : Lars von Trier
Scénario : Lars von Trier
Acteurs : Charlotte Gainsbourg, Shia Labeouf, Uma Thurman, Stellan Skarsgard, Christian Slater
Éditeur : Potemkine Films
Durée : 5h25
Genre : Drame, Érotique
Date de sortie DVD/BR : 6 janvier 2015
Nymphomaniac est la folle et poétique histoire du parcours érotique d’une femme, de sa naissance jusqu’à l’âge de 50 ans, racontée par le personnage principal, Joe, qui s’est autodiagnostiquée nymphomane. Par une froide soirée d’hiver, le vieux et charmant célibataire Seligman découvre Joe dans une ruelle, rouée de coups. Après l’avoir ramenée chez lui, il soigne ses blessures et l’interroge sur sa vie. Seligman écoute intensément Joe lui raconter en huit chapitres successifs le récit de sa vie aux multiples ramifications et facettes, riche en associations et en incidents de parcours…
Le film
La voila donc, la fameuse version porno de 5h30 de Nymphomaniac, que tous les amateurs de cinéma extrême attendaient comme le messie. Arrivant plusieurs mois après l’exploitation en salles de la version censurée, cette version porno director’s cut, interdite aux moins de 18 ans, repousse donc comme prévu les limites de la bienséance. Lars Von Trier le provocateur décide en effet de briser les tabous en abordant frontalement, avec audace et non sans un certain humour, des scènes de sexe carrément débridées. Mais n’imaginons pas que ce Nymphomaniac version porno longue soit uniquement un produit pour lubriques dégénérés dont la vente devrait être réservée aux sex-shops : ce serait bien mal connaître le cinéaste danois, qui aime à provoquer des émotions fortes chez le spectateur, quitte à le pousser dans ses derniers retranchements ou le rendre très mal à l’aise. En cela, les ajouts faits par la version porno non censurée du film ne consistent pas uniquement en l’insertion de scènes de sexe crues : nous aurons également droit à d’avantage de malaise et de choc, avec une scène d’avortement pas piquée des hannetons qui pourra sans doute provoquer un rejet clair et net de la part de certains spectateurs, à la façon d’une autre bête à buzz, le gerbant Serbian film.
Et rendons tout de même à César ce qui lui appartient : il faut admettre qu’avec cette version porno intégrale, Nymphomaniac gagne également clairement en cohérence et en clarté quant à son message, délivré il est vrai de façon pas toujours très subtile – mais cela n’a rien de très surprenant, n’oublions pas que c’est de l’auteur de Melancholia que l’on parle. Au final, que l’on adhère ou pas à son film (ou à son cinéma en général), cette nouvelle œuvre de Lars Von Trier mérite, comme la plupart du temps avec lui, que le spectateur prenne la peine de se plonger au cœur de cette descente aux enfers d’une accro au sexe, à la photo littéralement sublime et à la mise en scène purement et simplement vertigineuse.
Le Blu-ray
[4,5/5]
Annoncé il y a quelques mois puis repoussé, le « director’s cut » de Nymphomaniac vient donc tout juste d’arriver dans les bacs sous les couleurs de Potemkine Films. Mine de rien, c’est un pari risqué de la part de l’éditeur, puisqu’il y a de fortes chances qu’à cause de sa nature sulfureuse, la distribution de ce beau double Blu-ray se révèle fortement restreinte. C’est d’ailleurs bien dommage, car Potemkine nous offre un Blu-ray de grande classe : le master est naturellement au format 2.35 respecté, sur deux disques séparés, mais malheureusement en 1080i (25 fps). Si la compression était un poil visible sur le Blu-ray de la version salles, du fait de sa longueur compressée sur un seul disque, sur cette nouvelle édition, tout s’arrange : le piqué est précis, le léger grain argentique est plus ou moins préservé selon les séquences (le film a été tourné sur divers supports et formats), et les contrastes affichent une belle pêche. Globalement, tout est fait pour rendre hommage au travail du directeur photo Manuel Alberto Claro (déjà auteur de celle de Melancholia), et contribuer au rendu fascinant, dérangeant et radical du métrage. Côté son, la VO est proposée dans un DTS-HD Master Audio 5.1 à la spatialisation discrète mais bien réelle.
Dans la section suppléments, on retrouvera dans un premier temps les bonus déjà disponibles sur la galette précédente. Tout d’abord, quatre entretiens avec des membres du casting nous permettent d’entendre s’exprimer la jeune Stacy Martin, qui avoue sa réticence vis-à-vis des scènes porno : elle quittait le plateau quand le tournage des scènes X commençait. A l’inverse, Shia LaBeouf aurait quant à lui carrément envoyé la photo de son… hum… membre viril à la production avant le tournage, ainsi que quelques « sextapes ». On ignore bien sûr si le comédien, volontiers adepte de la provocation gratuite, ne plaisante pas lorsqu’il déclare cela ; cela dit, il le fait avec le plus grand sérieux du monde. Charlotte Gainsbourg et Stellan Skarsgård, plus proches du cinéaste, se montrent plus sérieux et intimistes (presque intimes). Egalement présente sur le Blu-ray sorti en juin 2014, une interview du réalisateur Jørgen Leth, qui a co-réalisé avec Lars Von Trier le film Five obstructions : ce dernier y évoque notamment le rapport qu’entretient le maestro ès provoc et déclarations douteuses avec ses comédiens, et se demande ouvertement le tournant que prendra sa carrière de cinéaste après Nymphomaniac, qu’il considère comme un film « testament ».
Seul supplément inédit de la galette, le module de Philippe Royer, intitulé « Plus c’est long, plus c’est bon ? » est une très riche analyse se basant sur une comparaison entre la version courte et la version longue du film. Littéralement captivant, Royer revient sur les ajouts et leur impact sur le déroulement et la force intrinsèque du film, le tour de force du journaliste étant que sa brillante intervention tourne finalement très peu autour du sexe, mais revient et approfondit les thèmes et « idées » abordés par le film. Brillant et complet.