Test Blu-ray : Neuf invités pour un crime

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Neuf invités pour un crime

Italie : 1977
Titre original : Nove ospiti per un delitto
Réalisation : Ferdinando Baldi
Scénario : Fabio Pittorru
Acteurs : Sofia Dionisio, Massimo Foschi, Dana Ghia
Éditeur : Le Chat qui fume
Genre : Horreur
Durée : 1h32
Date de sortie DVD/BR : 30 juin 2024

Au début des années 1980, dans la province de l’Aquila en Italie – La famille Aguilar, demeurant dans un château fort surplombant une colline, est en deuil. Maria, la mère de famille, vient de succomber à une mystérieuse maladie, au grand désespoir de son mari Antonio, de sa fille Miria et de son beau-frère Ignazio, muet et paraplégique. Très vite, d’étranges événements surviennent dans la demeure, affectant aussi bien la famille que les autres habitants des lieux : Isidro, le domestique, et Sol, une religieuse. Il semblerait que le corps de Maria ait été possédé par une force qui n’en a pas encore fini. Et, en effet, les événements qui vont suivre sont indéniables : Satan l’habite !

Le film

[3,5/5]

Surtout connu pour ses contributions au Western Spaghetti (Texas Adios, Blindman…), Ferdinando Baldi s’est également laissé tenter par le Giallo, tout d’abord avec Una vita lunga un giorno en 1973, puis avec Neuf invités pour un crime, sorti au début de l’année 1977 en Italie. Pour ce qui est de la sortie en France, c’est un peu plus flou, même si le site de référence EncycloCiné estime qu’il a probablement été distribué en province avant 1985 ; l’existence d’une affiche française peut du moins laisser supposer que le film a été exploité dans l’hexagone à un moment ou à un autre.

Avec ses neuf personnages se réunissant sur une petite île isolée et se faisant assassiner les uns après les autres, Neuf invités pour un crime évoque naturellement les « Dix Petits Nègres » d’Agatha Christie et, par extension, le formidable L’île de l’épouvante de Mario Bava. D’une façon assez amusante, avec presque cinquante ans de recul, le fait que le film de Ferdinando Baldi fasse s’entretuer les membres d’une même famille autour de sombres histoires de coucheries pourra également faire penser à une version sanglante des Petits mouchoirs, d’autant plus que les paysages rocheux de cette petite île italienne peuvent rappeler le Cap-Ferret.

Neuf invités pour un crime commence avec une scène de « trauma originel » : un jeune couple fait l’amour sur la plage, un groupe d’hommes armés débarque et abat le jeune homme. Vingt ans plus tard, le vieux patriarche Uberto (Arthur Kennedy) emmène sa famille pour un week-end sur une île isolée : sa sœur Elizabeth (Dana Ghia), son épouse Giulia (Caroline Laurence), son fils aîné Michele (Massimo Foschi) et son épouse Carla (Sofia Dionisio), son autre fils Lorenzo (John Richardson), accompagné de sa femme Greta (Rita Silva), et sa fille Patrizia, accompagnée de son mari Walter (Venantino Venantini). Considérée comme une alcoolique, Patrizia (Loretta Persichetti) est en fait perturbée par un puissant don de voyance. Sur le bateau qui les emmène sur l’île, elle évoque le sang et la mort qui les attendent ; sa tante Elizabeth est persuadée que ces visions funèbres sont liées au fait que son amant a été assassiné sur la plage il y a des années.

Une fois ce petit groupe de personnages arrivés sur l’île, l’intrigue de Neuf invités pour un crime nous révélera petit à petit les chassés-croisés adultère de la famille : Michele trompe Carla avec Giulia, la femme de son père. Lassée de l’impuissance sexuelle de son mari, Greta profite du séjour pour coucher avec Walter. Pendant ce temps, un tueur vêtu d’une combinaison de plongée commence sa sinistre croisade, en assassinant les deux membres d’équipage qui attendaient tranquillement la fin du weekend et en se débarrassant de leur bateau. Livrés à eux-mêmes et coincés sur l’île, les personnages vont être, l’un après l’autre, victimes du mystérieux meurtrier. Mais qui est-il, bon sang ? S’agit-il d’une épouse ou d’un mari cocu(e), assouvissant sa vengeance dans le sang ? S’agit-il de l’amant d’Elizabeth, revenu d’outre-tombe pour se venger des responsables de sa mort ? Ou s’agit-il de Gros-Bob, cet ermite un peu mystique vivant dans une grotte en contrebas ? (non, je déconne pour Gros-Bob, il ne fait pas partie de cette histoire).

Le problème avec cette intrigue se posant comme une variation sur« Dix Petits Nègres », c’est que le roman d’Agatha Christie, en bon modèle de whodunit, avait déjà pas mal été recyclé dans le domaine du Giallo. De plus, Neuf invités pour un crime débarque sur les écrans italiens en 1977, soit à une époque où les maestros du genre (pour la forme, on pourra citer Dario Argento, Mario Bava, Sergio Martino…) avaient presque déjà tous déserté le genre pour passer à autre chose. Le Giallo à l’époque devenait un genre déclinant, et pour s’assurer de continuer à engranger des entrées dans les salles, il fallait insister soit sur la violence, soit sur la nudité gratuite. Ferdinando Baldi en prend son parti, multipliant dans la première moitié de son film les scènes de nu de la manière la plus racoleuse qui soit, quitte à en paraître par moments franchement absurde.

Cela dit, tout laisse à penser que Ferdinando Baldi cache un message derrière ce déluge de stupre et de débauche et tout cet érotisme gratuit et complaisant : il s’agit d’une façon détournée et assez habile de souligner que finalement, Neuf invités pour un crime met en évidence toute la décadence de la société italienne des 70’s, et comme souvent dans le giallo, la perversité, les déviances et les infédilités seront punies de mort : la morale catholique est sauve. Cette insistance a également en un sens presque une portée politique : le film invite en effet le public à se délecter des morts atroces de tous ces riches égoïstes et méprisables. « Les bourgeois, c’est comme les cochons » chantait Jacques Brel en 1962, et en effet, tous les personnages du film de Baldi sont des crétins pleurnichards et/ou des porcs machistes et misogynes qui passent leur temps à se plaindre et à s’invectiver les uns les autres : tous ces personnages sont tellement antipathiques qu’on en vient à avoir hâte de que le tueur mette fin à leurs souffrances – ainsi qu’à celles des spectateurs.

Par ailleurs, on notera que la photo de Sergio Rubini est très soignée, et que dans la deuxième moitié de son film, une fois que les membres de la famille commencent à mourir les uns après les autres, la tension monte considérablement. Ferdinando Baldi s’échine à mettre en scène des meurtres avec beaucoup de style : on aura ainsi droit à une noyade, une chute d’une falaise, une strangulation, un incendie et à un harpon dans le cou, pour n’en citer que quelques-uns, et c’est une chose que Neuf invités pour un crime fait assurément avec style. De plus, le scénario de Fabio Pittorru (L’Appel de la chair, La Dame rouge tua sept fois) est relativement solide et le mystère amusant à suivre, et la révélation finale s’inscrit tout à fait dans la lignée de ce que nous évoquions un peu plus haut. Un film à découvrir !

Le Blu-ray

[4/5]

Pour notre plus grand plaisir, une poignée d’éditeurs français continuent d’explorer les recoins les plus sombres du genre Giallo, et en débusquent par moments une poignée d’inédits que l’on n’osait plus espérer voir débarquer un jour en Haute-Définition : c’est naturellement cette passion qui anime Le Chat qui fume depuis toujours, et l’éditeur nous propose aujourd’hui de découvrir Neuf invités pour un crime au format Blu-ray.

A ce que l’on en sache, le film de Ferdinando Baldi était jusqu’ici totalement inédit en France, que cela soit en DVD et même en VHS. Comme tous les films édités par le Chat, ce giallo tardif a bénéficié d’un traitement éditorial de faveur. Le film est présenté dans un boîtier plastique de type Scanavo, qui lui assure un tarif imbattable. Comme d’habitude cependant, le packaging a été ô combien soigné, puisqu’il bénéficie d’une maquette et d’une composition graphique toujours signée Frédéric Domont.

Côté Blu-ray, le rendu « old school » de Neuf invités pour un crime s’avère tout à fait excellent. Encodée avec soin, la photo signée Sergio Rubini (Brigade volante) retrouve son éclat, avec un excellent niveau de détail et des contrastes ciselés évitant les noirs bouchés. L’image est parfaitement stable, et ne semble avoir subi aucun filtrage numérique : le film conserve un grain argentique très agréable, respectueux du matériel d’origine. Le résultat est donc solide, en dépit d’un master parfois abimé. Côté son, le mixage italien DTS-HD Master Audio 2.0 impose un rendu acoustique clair, net et relativement ouvert. Les dialogues sont parfaitement intelligibles, la musique perce sans difficulté ni saturation, et l’ensemble est très propre. Du très beau travail.

Du côté des suppléments, on trouvera, en plus de la traditionnelle bande-annonce, un intéressant entretien avec Massimo Foschi (26 minutes). L’acteur, qui a connu son heure de gloire en cette même année 1977 grâce au Dernier monde cannibale de Ruggero Deodato, reviendra sur sa rencontre avec Ferdinando Baldi, puis sur le tournage en Sardaigne, sur ses partenaires à l’écran, ainsi que sur le mélange de sexe et d’horreur proposé par le film. Pour vous procurer cette édition Blu-ray de Neuf invités pour un crime, rendez-vous sur le site de l’éditeur Le Chat qui fume !

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