Ne vous retournez pas
Royaume-Uni, Italie : 1973
Titre original : Don’t look now
Réalisateur : Nicolas Roeg
Scénario : Allan Scott, Chris Bruyant
Acteurs : Julie Christie, Donald Sutherland, Hilary Mason
Éditeur : Potemkine Films
Durée : 1h50
Genre : Drame, Thriller
Date de sortie cinéma : 18 septembre 1974
Date de sortie DVD/BR : 6 octobre 2015
Quelques mois après la mort accidentelle de leur fille, Laura et John Baxter se rendent à Venise. Mais la ville, ténébreuse et menaçante, devient le théâtre d’événements sordides…
Le film
[3/5]
Plus de quarante ans après son tournage, l’aura très particulière et tenace autour de Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg semble aussi surestimée que le mélange des genres tenté par le film semble improbable. A la croisée des chemins entre les cinémas d’Hitchcock, de Visconti et… d’Argento, le film de 1973 parait aujourd’hui bien en deçà des filmographies des trois cinéastes qu’il convoque de façon détournée, mais demeure tout de même une intéressante plongée dans les affres de la psychanalyse, qui, à l’image d’autres films adaptés des œuvres de Daphné Du Maurier, n’a probablement pas fini d’user les cerveaux et de faire couler de l’encre.
[ATTENTION : SPOILERS]
Comme son titre original Don’t look now l’indique clairement, Ne vous retournez pas a pour thème central la « vision », dans tous les sens du terme. Le film met en effet en scène deux personnages de médiums, dont la clairvoyance ne se répercute pas dans le réel puisque le personnage incarné par Hilary Mason est aveugle, et que celui interprété par Donald Sutherland « refuse » de voir, de croire à ses visions – ce qui mènera dans un premier temps sa fille à un destin tragique, puis dans un second temps le conduira lui-même à sa perte.
Les interprétations quant au refus par trop cartésien de Sutherland de croire à ses visions prémonitoires vont bon train dans la sphère cinéphilico-analytique depuis une quarantaine d’années, les psychanalystes de comptoir se touchant à qui mieux mieux sur diverses théories plus ou moins fumeuses. Le personnage du « père » est clairement désigné comme le responsable de la mort de sa fille, non seulement par la mise en scène de Nicolas Roeg mais également par les propos de sa femme, qui déclare que c’est LUI qui lui a permis de jouer près de l’étang ; aussi convient-il de se poser la question : pourquoi a-t-il laissé sa fille aller à grandes enjambées vers son destin funeste ? L’explication la plus rationnelle est sans doute que le père entretenait une forte jalousie vis-à-vis de sa fille Christine, qui occupait trop de place au niveau affectif auprès de son épouse, et les empêchait de mener une véritable vie de couple. La présence de leur fille réduisait sa femme au simple statut de « mère » et non de « femme », lui ôtant par là même toute dimension sexuelle. La femme en question, Laura, ayant perdu sa place de mère, elle perd les pédales, son équilibre – dans son analyse du film disponible dans les suppléments du Blu-ray, Jean-Baptiste Thoret évoque d’ailleurs un détail intéressant : la possibilité d’une nouvelle grossesse en fin de métrage, puisque durant l’enterrement de son mari, Laura arbore un léger sourire. La réponse à cette question de la grossesse, nous l’aurons peut-être dans le très attendu Ne vous retournez pas 2, que prépare actuellement Michael Bay avec Will Smith et Melissa McCarthy.
Le Blu-ray
[3,5/5]
Débarquant en Blu-ray sous les couleurs de Potemkine, le film de Nicolas Roeg ne bénéficie pas des beaux atours du master 4K sorti par Criterion en début d’année ; l’éditeur se sera rabattu sur le master détenu par Optimum / StudioCanal, qui l’avait déjà proposé en Blu-ray en 2011 au Royaume-Uni. Affichant des teintes froides et un niveau de détail satisfaisant malgré un manque certain de piqué (textures, cheveux, moustaches), l’image porte les traces d’un léger usage des fonctions DNR et Edge-Enhancement, un peu de bruit vidéo se mêlant au grain accentué dans les arrière-plans et autres aplats. Côté son, l’éditeur nous propose deux pistes audio en DTS-HD Master Audio 2.0, propres, sans souffle, proposant une immersion plus que correcte au cœur de cet étrange film.
Le seul supplément proposé par Potemkine sur Ne vous retournez pas consiste en une analyse du film par Jean-Baptiste Thoret, d’une durée de presque une demie-heure. Il y revient sur les thématiques développées par le film, ainsi que sur ses influences et la place qu’il occupe dans la carrière de Nicolas Roeg. On notera également que la section « crédits » cite les noms des 123 généreux contributeurs ayant permis, via un site de financement participatif, le montage financier des éditions Blu-ray de Ne vous retournez pas et Enquête sur une passion.