Mutations
États-Unis, Royaume-Uni : 1974
Titre original : The mutations / The freakmaker
Réalisation : Jack Cardiff
Scénario : Edward Mann, Robert D. Weinbach
Acteurs : Donald Pleasence, Tom Baker, Brad Harris
Éditeur : Rimini Éditions
Durée : 1h32
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 22 octobre 1975
Date de sortie DVD/BR : 26 octobre 2019
Chercheur en biologie, le professeur Nolter a développé des théories audacieuses, selon lesquelles il serait possible de donner vie à des créatures en mêlant les ADN de végétaux et ceux d’espèces animales. En secret, il mène d’horribles expériences. Souhaitant passer à la vitesse supérieure, il décide d’utiliser de l’ADN humain. Au même moment, un cirque arrive en ville…
Le film
[4/5]
Plus connu pour son travail de directeur photo sur les chefs d’œuvres de Michael Powell et Emeric Pressburger (Les chaussons rouges, Le narcisse noir…) que pour son travail en tant que metteur en scène, Jack Cardiff a néanmoins signé, derrière la caméra, quelques films très intéressants. S’il a surtout marqué les mémoires avec Le dernier train du Katanga (1968), l’heure de la redécouverte a sonné concernant son dernier film en tant que réalisateur : Mutations, sorti en 1975 en France – en province uniquement – sous le titre Mutations : Le monstre dénaturé. Qu’on se le dise, Mutations est un film bicéphale, un monstre à deux têtes : une œuvre méconnue et schizophrène qui mérite vraiment toute notre attention.
Attachant exercice de style, sur la corde raide entre les séquences les plus puissantes et d’autres nettement plus grotesques – voire même ridicules – Mutations se base sur une intrigue de « savant fou » très symptomatique de l’horreur européenne des années 70, héritée des grandes années de la Hammer autant que des dérives typiques du cinéma bis et d’exploitation de l’époque. Pourtant, Mutations parviendra sans peine à s’imposer comme une œuvre absolument unique en son genre, dérangeante et d’une bizarrerie à toute épreuve. Car en parallèle de cette intrigue au cœur de laquelle notre Frankenstein de service, incarné par un Donald Pleasance tout en retenue, tente de créer un être mi-humain, mi-végétal, le film de Jack Cardiff développe une sous-intrigue tournant autour d’une fête foraine itinérante et de ses monstres, de son « freakshow » ayant la particularité d’être interprété par de véritables monstres de foire, à la façon du magnifique Freaks – La monstrueuse parade de Tod Browning.
Longue, complaisante, fascinante et repoussante à la fois, la séquence centrale de Mutations donne donc à voir au spectateur un défilé de monstres tout ce qu’il y a de plus réel, qui, comme chez Browning en 1932, se révéleront au final bien plus « humains » que les autres personnages du film, et qui donnent au film de Jack Cardiff un cachet et une personnalité tout à fait singuliers. A côté de cela, dès que le film quitte les freaks pour s’attarder sur les exactions de notre savant fou, le spectateur retrouvera le sourire, et pourra même franchement s’esclaffer à la découverte, par exemple, de la dangereuse plante carnivore visible dans le laboratoire du professeur Pleasance, ou encore en découvrant l’espèce d’homme-artichaut qu’il parvient finalement à créer dans la dernière bobine de cette sympathique série B : un personnage évoquant finalement d’avantage le « Léguman » de la série Téléchat de Roland Topor que la créature de cauchemar que les auteurs du film ont probablement voulu créer.
Pourtant, en dépit de ces éléments grotesques, ou peut-être en partie également grâce à eux, Mutations fonctionne finalement plutôt bien, soufflant constamment le chaud et le froid mais obtenant au final quasi-instantanément le statut de curiosité absolument incontournable.
Le Blu-ray
[5/5]
Pour sa troisième livraison horrifique de l’année après Happy birthday to me et Le bal de l’horreur, Rimini Éditions fait le choix de délaisser le slasher avec Mutations, film fantastique quasi-inconnu chez nous mais qui, vous l’aurez compris, a su nous convaincre en affichant un sacré tempérament. D’ailleurs – cocorico – le film est pour l’instant une exclusivité mondiale en Blu-ray, même si Diabolik et Vidcrest (la boite du co-scénariste et producteur du film Robert D. Weinbach) ont récemment annoncé un partenariat pour sortie du film en HD sur le territoire américain.
Côté Blu-ray, Rimini nous propose un quasi-sans faute technique avec un film imposant un grain épais mais proposant tout de même un beau piqué et des couleurs au top. Si le film était projeté dans les salles au format 1.85, le master qui nous est proposé est en « full frame ». Attention cela dit : il ne s’agit pas du tout d’un recadrage mais d’un « démattage », c’est à dire que le film est proposé sans ses bandes noires, et propose donc au final plus d’informations à l’image que l’édition DVD américaine. Le démattage peut d’ailleurs être repéré sur les « stockshots » de plans sur des végétaux par exemple, pas forcément étalonnés comme les autres, ou encore durant la séquence de la présentation du « rayon végétal » par Donald Pleasance à ses étudiants, qui laisse apparaître à l’écran le micro perche au-dessus du personnage (vers 29 minutes et des brouettes de film). Côté son, les deux mixages ne posent pas le moindre souci, VF et VO étant proposées en DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine, de très bonne facture. La version française est un peu désuète mais sympathique ; on notera que la VF a été perdue sur les 13 premières minutes de film, et sera automatiquement proposée en VOST.
Dans la section suppléments, on trouvera, en plus de la traditionnelle bande-annonce, un module intitulé Comment créer un monstre (2005, 25 minutes), making of rétrospectif contenant des interventions de Jack Cardiff, de l’acteur Brad Harris et du co-scénariste et producteur Robert D. Weinbach. Si ce dernier semble très satisfait du film, le réalisateur Jack Cardiff quant à lui cultive quelques regrets sur l’aspect peu réaliste des effets spéciaux. Les anecdotes sont nombreuses, souvent intéressantes, et l’ensemble est plutôt bien rythmé. Last but not least, l’éditeur nous propose également un livret de 20 pages consacré au film, et naturellement écrit par Marc Toullec, décidément très demandé par les éditeurs français ces derniers mois. L’ensemble est très informatif et richement illustré : le film et son originalité n’en méritaient pas moins.