Miracle mile / Appel d’urgence
États-Unis : 1988
Titre original : –
Réalisation : Steve De Jarnatt
Scénario : Steve De Jarnatt
Acteurs : Anthony Edwards, Mare Winningham, John Agar
Éditeur : Blaq Out
Durée : 1h27
Genre : Fantastique
Date de sortie cinéma : 31 janvier 1990
Date de sortie DVD/BR : 13 novembre 2017
Los Angeles, 4h05 du matin. Après un rendez-vous raté avec la femme de sa vie, Harry décroche le téléphone d’une cabine qui ne cesse de sonner. Une voix lui apprend que des missiles nucléaires vont s’abattre sur Los Angeles dans 1 heure et 10 minutes. Une folle course contre la montre va s’enclencher…
Le film
[4/5]
Miracle mile fait partie d’un courant du cinéma fantastique que l’on pourrait appeler le fantastique « romantique ». Ce sous-genre, au cœur duquel l’histoire d’amour a autant –voire plus– d’importance que les éléments fantastiques se produisant dans son intrigue, est à vrai dire assez peu représenté, mais a connu quelques heures de gloire durant les années 80/90 : on pense notamment à Starman (John Carpenter, 1984), à Always (Steven Spielberg, 1989), à Ghost (Jerry Zucker, 1990), ou encore à Truly, madly, deeply (Anthony Minghella, 1990). Parmi les films plus récents, on pourrait également classer Phénomènes (M. Night Shyamalan, 2008) dans cette catégorie. Des films développant une sensibilité particulière, à fleur de peau, qui leur valent souvent d’être plutôt méprisés du public habituel de ce genre de films. Ainsi, lors de sa présentation au Festival international du film fantastique d’Avoriaz 1990, Miracle mile a subi quolibets et moqueries, au point d’en devenir la « tête de turc » du festival cette année-là. Cependant, quelques critiques plus éclairés que d’autres louent dès sa sortie les qualités du film : Roger Ebert aux États-Unis, mais également Marc Toullec et Didier Allouch en France pour le magazine Mad Movies, revue qui classera d’ailleurs dans son centième numéro le film dans sa liste des « 100 meilleurs films fantastiques » tournés entre 1972 et 1996.
S’il aborde de front la thématique de la « fin du monde », Miracle mile se révèle rapidement l’antithèse du blockbuster-type américain. Prenant le temps de poser ses personnages (leur rencontre, leurs flâneries), le film de Steve De Jarnatt met bout à bout une suite d’événements mineurs, huile ses rouages à la perfection, déclenchant un engrenage narratif implacable. Un mégot jeté par la fenêtre, un faux numéro, l’annonce inéluctable que la fin du monde est proche, et l’effet boule de neige prend place, montant crescendo au fil que les bobines s’égrènent. Prenant le contrepied total du schéma du « héros » traditionnel, le personnage incarné par Anthony Edwards (dix ans avant Urgences) ne pensera pas à convaincre ses contemporains de l’approche de la fin du monde. Après un essai infructueux, il se rendra à l’évidence : personne ne croit à son histoire. Dès lors, il ne pensera plus qu’à une seule chose : retrouver sa chère et tendre, afin de rejoindre un hélicoptère qui se révélera leur seule issue vers un salut hypothétique. Egoïste, individualiste, le héros de Miracle mile ? Non, simplement amoureux. A quoi rimerait la vie sans cette moitié inespérée, sur qui il est tombé par hasard lors d’une visite au musée ? Harry, le héros du film, n’a rien du sauveur providentiel : c’est juste un mec normal, désireux de sauver ses fesses et de filer le parfait amour avec Julie, quitte à écraser au passage la gueule de quelques autres.
Fuir donc ; tel est le crédo de Miracle mile : s’éloigner pour survivre, le plus loin et le plus vite possible. Et quand la fuite devient impossible, les sentiments reprennent le dessus ; le final du film, désespéré et romantique, le montrera clairement – de même que son dernier tiers, qui voit les choses dégénérer et les rues de Los Angeles s’embraser, émeutes après émeutes. Et tandis que Harry court à travers la faune nocturne et bigarrée de la nuit de Los Angeles afin de retrouver sa belle, les habitants de la cité des anges laissent quant à eux parler leurs plus bas instincts, retournent à leurs sentiments les plus primitifs – la dernière bobine, purement et simplement apocalyptique, est en ce sens remarquable, et va à l’encontre de toutes les valeurs moralisatrices que nous assènent généralement les films traitant de sujets similaires. En filigrane, Miracle mile pose une question au spectateur : que feriez-vous si vous n’aviez plus que soixante minutes à vivre ?
Le Blu-ray
[5/5]
Éditeur indépendant faisant indéniablement partie des plus intéressants en France en termes de qualité et d’audace, Blaq Out a lancé il y a un peu plus d’un an une collection appelée « Blaq Market », destinée à réunir des œuvres inclassables et déroutantes, signées par des cinéastes singuliers aux thèmes et à l’identité formelle très affirmés. « Blaq Market » est donc une collection qui a su captiver non seulement un public amateur de cinéma de genre au sens très large du terme mais aussi tout cinéphile avide de découverte(s)…
La première vague de la collection « Blaq Market » (décembre 2015) réunissait L’enfant miroir (Philip Ridley, 1990) et Der Samurai (Till Kleinert, 2014).
La deuxième vague de la collection « Blaq Market » réunissait Ruined heart (Khavn de la Cruz, 2014) et Aaaaaaaah! (Steve Oram, 2015)
La troisième vague de la collection « Blaq Market » réunissait Tetsuo 3 : The bullet man (Shinya Tsukamoto, 2009) + Fires on the plain (Shinya Tsukamoto, 2014), ainsi que R100 (Hitoshi Matsumoto, 2013).
Et la quatrième vague de la collection « Blaq Market » est d’ores et déjà lancée : après We are the flesh, la pépite complètement barrée que nous avons chroniqué à la mi-octobre, c’est aujourd’hui au tour du cultissime Appel d’urgence / Miracle mile (Steve De Jarnatt, 1988) de compléter les rangs de la série, et sera également accompagné de Knightriders (George A. Romero, 1981), dont la sortie est calée au 1er décembre.
Une nouvelle fois, nous ne sommes pas déçus : Blaq Out nous propose pour Miracle mile un master Blu-ray assez sublime, respectueux de la granulation argentique d’origine, encodé en 1080p et proposant un piqué d’une belle précision ainsi que des contrastes et couleurs au taquet malgré des séquences très chargées en fumées et en couleurs vives, pas forcément évidentes à gérer à l’encodage. En deux mots, tout est parfait, c’est un travail tout simplement magnifique, et une véritable redécouverte pour les amoureux du film, qui désespéraient de le voir un jour débarquer sur support Blu-ray en France. Niveau son, l’éditeur se révèle également fidèle à ses habitudes, en ne nous offrant un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 en version originale très respectueux du rendu acoustique original, renforçant l’idée d’urgence et de malaise largement véhiculée par la deuxième moitié du film. Le film est également proposé dans une VF mixée en DTS-HD Master Audio 2.0, mais nettement plus abimée : si l’éditeur s’en excuse par un carton en début de métrage, il est vrai que cette dernière comporte des passages très étouffés et est globalement mixée très bas. Cela dit, les cinéphiles ayant découvert le film début 90 dans les salles obscures seront sans doute heureux de retrouver cette version française ayant hanté leurs souvenirs. Dernière originalité, Blaq Out nous propose également une piste musicale isolée, faisant honneur à la musique de Tangerine Dream pour le film.
Sorti en Blu-ray aux États-Unis en 2015 sous les couleurs du prestigieux éditeur Kino Lorber, la galette américaine ne comportait ni la VF ni la piste musicale isolée ; c’est également avec ses suppléments très riches que Blaq Out fera en quelques la nique aux américains. Car du côté des suppléments, l’éditeur nous a réservé quelques surprises de taille. Les possesseurs de l’édition Kino Lorber retrouveront quelques suppléments en commun : un entretien avec Anthony Edwards et Mare Winningham, pendant lequel les deux acteurs principaux évoquent leurs souvenirs du film, une série de scènes coupées et/ou alternatives, présentées sous la forme d’un journal de bord du tournage, et venant des archives de Steve De Jarnatt (qualité VHS), la curieuse fin alternative du film, qui en rajoutait encore dans l’aspect romantique du récit, et enfin et surtout un sujet intitulé « retrouvailles avec le casting du film », au cœur duquel de nombreux seconds-rôles du film, ainsi que Steve De Jarnatt et le directeur photo Theo Van de Sande, se retrouvent dans le décor du Johnie’s Coffee Shop Restaurant, le célèbre « diner » du film, malheureusement fermé depuis (mais reclassé en monument historique). Ce sujet sera l’occasion de retrouver quelques « tronches » connues du cinéma américain, de Denise Crosby (la mère du gamin mort-vivant de Simetierre), à Kurt Fuller (Karl dans la série That’s my Bush !), Brian Thompson (principalement connu pour son rôle récurrent d’extra-terrestre dans la série X-Files) et surtout Jenette Goldstein (Vasquez dans Aliens le retour, également vue en belle-mère de John Connor dans Terminator 2).
On poursuivra ensuite avec une courte featurette superposant des images du tournage de la scène du diner et ses storyboards, pour poursuivre avec un entretien inédit avec le réalisateur Steve De Jarnatt, qui revient sur la production de Miracle mile, longue et contrariée (huit ans de galères diverses avant de parvenir à tourner le film). Il nous montre également quelques « concept arts » signés de l’illustrateur Paul Chadwick, connu pour la formidable série de comics Concrete. On se penchera ensuite sur la conception de la musique du film avec un entretien avec Paul Haslinger, pilier du groupe Tangerine Dream entre 1986 et 1990, qui revient sur son parcours en tant que compositeur pour le cinéma et évoque la place toute particulière du film de Steve De Jarnatt dans son cœur.
Last but not least : Blaq Out crée littéralement l’événement en proposant pour la première fois les deux courts-métrages de Steve De Jarnatt, Eat the sun (1975) et Tarzana (1978), qui lui ont ouvert les portes d’Hollywood. Jusqu’ici bloqués pour des problèmes de droit, ces deux courts demeuraient purement et simplement invisibles. A eux deux, ces deux courts films procureront au spectateur une petite heure de bonheur supplémentaire. On les réservera cela dit aux anglophones confirmés : le déblocage tardif des deux courts a en effet empêché Blaq Out de les proposer au spectateur dotés de sous-titres français. Qu’à cela ne tienne, ça vous fera un peu réviser ! Enfin, on terminera avec la traditionnelle bande-annonce du film, accompagnée de la très rythmée bande-annonce de la collection Blaq Market.
On notera également qu’à l’image des autres titres de la collection, Miracle mile s’offre une sublime jaquette réversible avec les affiches d’époque.