Millénium – Ce qui ne me tue pas
États-Unis, Suède, Royaume-Uni, Allemagne : 2018
Titre original : The girl in the spider’s web
Réalisation : Fede Alvarez
Scénario : Jay Basu, Fede Alvarez, Steven Knight
Acteurs : Claire Foy, Sverrir Gudnason, Sylvia Hoeks
Éditeur : Sony Pictures
Durée : 1h57
Genre : Thriller
Date de sortie cinéma : 14 novembre 2018
Date de sortie DVD/BR : 14 mars 2019
Frans Balder, éminent chercheur suédois en intelligence artificielle fait appel à Lisbeth Salander afin de récupérer un logiciel qu’il a créé et permettant de prendre le contrôle d’armes nucléaires. Mais la NSA ainsi qu’un groupe de terroristes mené par Jan Holster sont également sur la piste du logiciel. Traquée, Lisbeth va faire appel à son ami le journaliste Mikael Blomkvist qu’elle n’a pas vu depuis trois ans…
Le film
[3,5/5]
Pour ceux qui l’ignoreraient, l’auteur de la trilogie Millénium originale, Stieg Larsson, n’a jamais eu la chance de connaître l’immense succès et l’engouement suscité par ses premiers romans à travers le monde. Raz-de-marée de ventes, notamment en France où l’a saga s’est écoulée à un million et demi d’exemplaires (75 millions d’exemplaires à l’international), les trois premiers volumes de la saga ont constitué, entre 2005 et 2007, un véritable phénomène littéraire, à côté duquel il était littéralement impossible de passer. En 2015, onze ans après la mort de Larsson, David Lagercrantz reprend le flambeau avec « Ce qui ne me tue pas », quatrième volume de la saga Millénium. Des appels au boycott sont lancés un peu partout à travers le monde, notamment par la compagne de Stieg Larsson, ayant partagé sa vie pendant 32 années (« On a une maison d’édition qui a besoin d’argent et un écrivain qui n’a rien d’autre à écrire que de copier les autres » a-t-elle déclaré à l’AFP en mars 2015), mais Lagercrantz a signé pour une trilogie : « La fille qui rendait coup pour coup » a été publié en 2017 et le troisième volume devrait sortir cette année.
Comme son titre l’indique, Millénium : Ce qui ne me tue pas est l’adaptation du premier volume de la « nouvelle » trilogie, celle signée de la plume de David Lagercrantz. Cosigné Jay Basu, Fede Alvarez et Steven Knight, le scénario remaniera largement l’intrigue imaginée par le romancier afin de remettre au centre du récit le personnage de Lisbeth Salander, qui en devient le point névralgique. Tout est réorganisé afin de tourner autour d’elle, qu’il s’agisse de l’intrigue située dans le présent ou de l’arc narratif revenant sur sa sœur jumelle Camilla. Dans le film de Fede Alvarez, le personnage de Lisbeth est repris par Claire Foy, troisième interprète en l’espace de dix ans pour un même personnage, mais cette dernière comme les précédentes (Noomi Rapace et Rooney Mara) s’avère tout à fait convaincante dans le rôle de la « hackeuse » aux multiples fêlures. Autour de Claire Foy en revanche, le casting devient presque « invisible » : aucune tête d’affiche, aucune personnalité suffisamment forte pour créer à l’écran une dynamique de duo – le rôle pourtant important de Mikael Blomkvist est confié au jeune Sverrir Gudnason, qui ne parvient jamais à imprimer le film de sa présence, et le rôle de Camilla est confié à Sylvia Hoeks, aperçue dans Blade runner 2049. Claire Foy / Lisbeth Salander est donc seule aux commandes, au cœur d’une intrigue qui nous permettra de découvrir quelques bribes de son passé et fera largement intervenir ses dons en baston, en stratégie et en informatique, le tout étant naturellement entrecoupé de grosses scènes d’action, quelque part entre James Bond et Jason Bourne. Et après tout, puisque Bourne est à la retraite, pourquoi ne pas tenter de prendre sa place ?
De fait, les intrigues du roman et du film n’ont au final plus grand chose à voir l’une avec l’autre, le film se contentant de recycler quelques éléments épars de l’histoire, quelques personnages, ou disons plutôt quelques prénoms/fonctions, dans le sens où August, Ed Needham, Plague ou même Camilla n’ont absolument plus rien à voir avec leurs équivalents de papier. Mais au final, et que l’on ait lu, apprécié, détesté ou boycotté le bouquin qu’il adapte, Millénium : Ce qui ne me tue pas fonctionne, et fonctionne même plutôt très bien, même s’il n’a absolument plus rien à voir avec le thriller très noir qu’a créé Stieg Larsson au début du vingt-et-unième siècle. On assiste ici à la transformation de la franchise Millénium en un blockbuster d’action – une totale et absolue réinvention, à la sauce comic-books et films d’action parano. Plus fort encore, le très doué Fede Alvarez parvient à donner à l’ensemble une classe visuelle absolue, grâce entre autres à sa collaboration de longue date avec le directeur photo Pedro Luque : à eux deux, ils nous proposent à nouveau de découvrir des compositions de cadres absolument démentes, superbes, mémorables. Les scènes d’action sont nombreuses, très différentes les unes des autres, et dans l’ensemble assez lisibles (tout juste pourra-t-on tiquer sur celle se déroulant dans les toilettes « gazées » vers la fin du film, un poil trop bordélique), et enfin, le film joue souvent sur l’opposition binaire entre Lisbeth et Camilla, l’une brune et habillée en noir, l’autre blonde et habillée en rouge. Et paradoxalement, si cette opposition pourrait certes paraître vaguement ridicule, l’effet fonctionne plutôt bien ici, parce que le film développe tout du long une ambiance héritée du comic-book, au cœur de laquelle le réalisme n’a pas réellement sa place. Fede Alvarez l’a d’ailleurs bien compris, et il suffit de regarder les lieux surréalistes dans lesquels les auteurs du film décident de placer leurs différentes scènes d’action pour comprendre que l’idée est plus de livrer un grand spectacle visuel qu’un thriller sombre et dérangeant. Le pari est tenu, mais malheureusement, le film s’est soldé par un échec assez cuisant au box-office international. On ne sait réellement si le manque d’engouement du public est du à la résurrection un peu trop tardive d’une franchise oubliée (les modes passent décidément à une vitesse phénoménale), au manque de têtes d’affiche au casting ou au radical changement de tonalité opéré sur la saga, mais le fait est que Millénium : Ce qui ne me tue pas s’est planté en beauté : moins de 15 millions de dollars enregistrés au box-office américain, et en France, le film n’a réuni que 154.000 spectateurs sur un circuit pourtant très confortable de 331 salles…
Le Blu-ray
[4,5/5]
Côté Blu-ray, nouveau sans faute pour l’éditeur Sony Pictures avec cette édition époustouflante de Millénium : Ce qui ne me tue pas. Le master affiche en effet un niveau de précision impressionnant, un piqué de folie, des couleurs littéralement éclatantes, des noirs profonds et des contrastes très habilement gérés (détail important quand on sait que le film se déroule essentiellement de nuit et dans des paysages enneigés). Le transfert est vraiment de toute beauté, proposant qui plus est des textures et une profondeur de champ vraiment saisissants, l’encodage ne nous réserve aucune mauvaise surprise, bref : c’est une galette Haute-Définition remarquable, très soignée. Du côté des enceintes, l’éditeur ne fait pas mentir son excellente réputation en matière de Blu-ray et nous propose deux mixages DTS-HD Master Audio 5.1 ultra-dynamiques et enveloppants, faisant également la part belle à la sublime bande originale du film (signée Roque Baños, collaborateur habituel de Fede Alvarez), autant qu’aux nombreux effets acoustiques, pleins de pep’s et par moments vraiment épatants, qui confèrent à ces deux mixages une ampleur et originalité tout simplement extraordinaires.
Du côté des suppléments, on trouvera tout d’abord un commentaire audio du réalisateur Fede Alvarez et du scénariste Jay Basu, qui reviennent sur le film dans son intégralité de façon assez vivante, et évitent globalement les redondances avec le reste des bonus : un certain nombre des informations et des idées qu’ils partagent en visionnant le long-métrage ne sont en effet pas évoquées dans les autres suppléments. On continuera ensuite avec une quinzaine de minutes de scènes coupées ou alternatives, la plus intéressante d’entre-elles revenant sur la façon dont Lisbeth obtenait, à l’origine, l’adresse de Balder. Ces dernières sont proposées avec les commentaires optionnels de Fede Alvarez et Jay Basu. On aura ensuite droit à plusieurs featurettes : celle consacrée à Claire Foy et à sa préparation pour le rôle de Lisbeth Salander s’avère d’ailleurs assez amusante, l’actrice étant assez naturelle, et les anecdotes révélées par les autres acteurs plutôt croustillantes. Une autre featurette reviendra sur quelques-unes des plus impressionnantes cascades du film, et la dernière s’intéressera aux sœurs Salander. Enfin, le module « L’univers du film » nous proposera un making of d’un peu plus de 15 minutes, avec un retour sur le film de David Fincher, et la volonté de Fede Alvarez de rester fidèle aux personnages, à l’ambiance visuelle et à la tonalité de l’image, etc, etc. Plutôt promotionnel bien sûr, mais intéressant.