Test Blu-ray : Memento – Réédition 2023

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Memento

États-Unis : 2000
Titre original : –
Réalisation : Christopher Nolan
Scénario : Christopher Nolan, Jonathan Nolan
Acteurs : Guy Pearce, Carrie-Anne Moss, Joe Pantoliano
Éditeur : Metropolitan Vidéo
Durée : 1h53
Genre : Thriller
Date de sortie cinéma : 11 octobre 2000
Date de sortie DVD/BR : 22 juillet 2023

Victime d’une agression lors de laquelle sa femme a été tuée, Leonard souffre d’amnésie immédiate ne lui permettant pas de se rappeler ce qu’il a fait dans le quart d’heure précédent. Décidé à venger son épouse, il compulse de vieilles photographies qui lui livrent des bribes de son passé, note sur des fiches les informations qui lui reviennent en mémoire et parsème son corps de tatouages afin de garder un souvenir tangible de ce qu’il a vécu et compris au fil de son enquête…

Le Film

[4/5]

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La deuxième moitié des années 90 a vu l’apparition d’une flopée de films dont la particularité était de proposer au spectateur des scénarios retors, sinueux, ayant systématiquement une longueur d’avance narrative sur les personnages qu’ils nous donnaient à voir, et qui par conséquent prenaient un malin plaisir à prendre le public à revers. Ces scripts, qui ne tarderaient pas à être surnommés par la critique scripts « de petits malins », eurent ainsi leurs spécialistes tout autant que leurs sympathisants. Parmi eux, on pourrait citer des noms allant de Bryan Singer à David Fincher en passant par M. Night Shyamalan, Brad Anderson ou Christopher Nolan.

Qu’il s’agisse ou non de films à « twists », les scénarios de ces films avaient tiré les leçons de Citizen Kane, et utilisaient le montage afin de renverser la notion de narration traditionnelle, cachant sciemment des informations au spectateur pour finalement les lui révéler plus tard, afin d’éclairer tout ce qui avait précédé d’un jour nouveau. De fait, si sinueuses qu’elles puissent apparaitre de prime abord, les histoires de ces films n’étaient pas nécessairement absconses ou complexes, mais la façon dont elles étaient amenées au spectateur était brouillée, façon puzzle.

Avec sa narration à rebrousse-poil extrêmement morcelée, enchainant les séquences très courtes et remontant donc son fil narratif par à-coups assez brusques, presque syncopés, Memento s’avère probablement un des spécimens illustrant ce genre de la façon la plus spectaculaire qui soit. L’habileté virtuose (vaniteuse ?) développée par Christopher Nolan (scénario, réalisation) et Dody Dorn (montage) s’impose en effet – avec Fight Club sans doute – comme un des exemples les plus radicaux de ce déterminisme narratif.

Devoir de mémoire

Présenté en 2000 à la Mostra de Venise, Memento ne tarderait pas à devenir l’un des chouchous de la critique et du public, à un tel point que 23 ans après sa sortie, le film de Christopher Nolan s’offre encore une note de 8,4/10 sur le site de référence IMDb – calculée sur la base de plus d’1,3 millions de votants à travers le monde. Cette admiration sans borne devant le nihilisme forcené développé par l’intrigue du film se retrouve d’ailleurs jusque dans les colonnes de critique-film : notre chroniqueur Dylan Auguste avait en effet loué les qualités du film il y a quelques années, y voyant « un ovni, une pépite, un bijou » bénéficiant d’un montage « purement et simplement visionnaire ».

La principale qualité de Memento réside peut-être dans sa nature purement « cinématographique », et dans la façon dont le médium « cinéma » fait partie intégrante de ce qu’il nous raconte. Son montage se justifie en effet par la condition de son personnage principal, qui souffre d’amnésie antérograde : cet élément de l’intrigue sera la porte d’entrée du spectateur sur le film, et le forcera à se plonger dans la confusion mémorielle de son héros, Leonard (Guy Pearce). A partir de ce point de départ, Christopher Nolan – secondé au scénario par son frère Jonathan – s’amusera à développer une structure alambiquée, mêlant deux lignes temporelles alternées. Pour autant, Memento est également un peu plus didactique que ne le suggère sa réputation : Nolan n’abandonne pas le spectateur et choisit de le guider, de le prendre par la main, en alternant séquences en noir et blanc, qui suivent un déroulement chronologique, et séquences en couleurs, qui sont montées dans un ordre chronologique inversé.

Ce point d’ancrage permettra finalement au spectateur de glaner des informations importantes au fil des deux arcs narratifs parallèles de Memento sans jamais réellement se perdre dans le labyrinthe de la mémoire à court-terme de Leonard. Les deux intrigues fusionneront évidemment dans les dix dernières minutes du film, en délivrant des informations inédites, qui éclairent l’intrigue d’un pessimisme et d’une lucidité saisissants, et soulèvent une poignée de questions sans réponses. Il est en effet permis de se demander si, au cœur de cet immense jeu de dupes, les choix de Leonard ne l’ont pas finalement mené à devenir un pion dans le jeu d’échecs qu’il s’est lui-même construit. Sortez les copies, vous avez deux heures.

Le début e(s)t la fin

Si Memento se pose, durant une large partie du film, comme l’histoire d’un homme à la recherche de l’homme qui a tué sa femme et de sa propre identité, il est amusant de souligner à quel point Christopher Nolan se refuse à apporter des réponses à certaines questions soulevées par le récit. Au contraire, les éléments révélés dans le dernier acte du film poussent à la réflexion, ce qui, finalement, tend à conférer au film de Nolan une qualité rare : celle de pouvoir supporter plusieurs visionnements successifs sans réellement y perdre de son intérêt.

Revoir Memento en connaissant les tenants et les aboutissants de l’intrigue permet en effet de voir au-delà des effets de manche autoritaires opérés par Christopher Nolan. Les réponses attendues par le public se révéleront ainsi dans certains regards, tressaillements ou signes révélateurs, qui marquent la frontière réelle entre la vérité et la tromperie, entre l’ami et l’ennemi. À ce titre, le trio d’acteurs principaux du film – composé de Guy Pearce, Joe Pantoliano et Carrie-Anne Moss – livre des performances absolument exceptionnelles, chacun jouant dans une certaine mesure le même jeu de manipulation, même si la finalité de leurs actes n’est pas toujours claire.

Cette propension à fasciner le public en lui racontant son histoire à l’envers tout en commençant par la fin a permis à Memento de s’imposer comme un classique immédiat, et ouvrit à Christopher Nolan les portes d’Hollywood. Après un passage par Batman, il reviendrait à une histoire explorant les méandres de l’esprit avec le blockbuster Inception en 2010, qui mélangerait des éléments tirés de Memento à d’autres inspirés de la bande dessinée Le Rêve d’une vie (Don Rosa, 2002), et dans laquelle les frères Rapetou s’introduisent dans les rêves de Picsou pour lui voler la combinaison de son coffre.

Le Blu-ray

[4/5]

Anciennement disponible chez UGC, le Blu-ray de Memento réapparaît ces jours-ci sous les couleurs de Metropolitan Vidéo, qui recycle l’édition « 10ème anniversaire » et permet au film de Christopher Nolan de bénéficier de toute son expertise en matière d’encodage vidéo/audio. Et de fait, Memento bénéficie d’un très bel upgrade Haute-Définition : le master est stable, propre, le grain d’origine est préservé, les couleurs sont extraordinaires, la définition et le piqué sont précis… C’est du très beau travail. Du côté des pistes son, VF et VO s’offrent d’impressionnants mixages multi-canal DTS-HD Master Audio 5.1, aux dialogues clairs et aux ambiances bien préservées, ajoutant encore un peu d’ampleur à l’ensemble.

Du côté des suppléments, Metropolitan Vidéo reprend l’intégralité des bonus déjà disponibles sur l’édition de 2015 : un commentaire audio de Christopher Nolan, également disponible sur les deux fins alternatives (VOST). Le réalisateur y revient sur de nombreux éléments importants concernant le tournage et la construction du film. On continuera ensuite avec une rencontre entre Christopher Nolan et Guillermo del Toro pour le 10ème anniversaire du film (38 minutes), enregistrée en public dans une ambiance détendue et très riche en plaisanteries – une discussion à bâtons rompus entre deux personnalités majeures du Septième Art. On embrayera avec un entretien avec Christopher Nolan (23 minutes), enregistré lors de la sortie du film, qui contient quelques propos intéressants, et on terminera avec un court making of (25 minutes), qui se penche sur le tournage du film avec de nombreuses interviews des acteurs et de l’équipe, ainsi que des séquences en coulisses et un retour rapide sur les partis pris esthétiques les plus notables de Memento. On notera également la possibilité d’accéder au Script du film, en parallèle avec la lecture, en mode PiP (Picture in Picture) – un mode un peu oublié de nos jours mais toujours intéressant. On terminera enfin avec la traditionnelle bande-annonce.

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