Maigret et l’affaire Saint-Fiacre
France, Italie : 1959
Réalisation : Jean Delannoy
Scénario : Rodolphe-Maurice Arlaud, Michel Audiard, Jean Delannoy
Acteurs : Jean Gabin, Michel Auclair, Valentine Tessier
Éditeur : Coin de mire Cinéma
Durée : 1h41
Genre : Policier
Date de sortie cinéma : 2 septembre 1959
Date de sortie DVD/BR : 4 septembre 2020
Le commissaire Maigret reçoit chez lui la visite d’une amie, la Comtesse de Saint-Fiacre qu’il n’avait pas vue depuis quarante ans. Elle vient lui montrer une lettre anonyme qui lui annonce sa propre mort, laquelle aurait lieu le lendemain. Maigret l’accompagne le soir même en son château. Il éprouve une sensation pesante dans cette bâtisse délabrée. Le lendemain matin, on découvre la Comtesse morte. Le médecin conclut à un décès naturel mais Maigret déclare : non c’est bien un crime…
Le film
[4/5]
Malgré le succès de Maigret tend un piège en 1958, ni Jean Delannoy, ni Jean Gabin n’envisageaient de tourner un deuxième Maigret, mais l’insistance des producteurs aura finalement raison de leurs réticences. Décision fut donc prise d’adapter un roman un peu plus ancien de Georges Simenon, « L’affaire Saint-Fiacre », qui deviendrait sur grand écran Maigret et l’affaire Saint-Fiacre et sortirait à l’automne 1959.
La fine équipe présente au scénario du premier film, et composée de Rodolphe-Maurice Arlaud, Jean Delannoy et Michel Audiard, reprit donc du service afin d’adapter une enquête beaucoup plus lente et prenant place dans un milieu rural, qui s’oppose de façon très claire avec la ville à l’atmosphère étouffante de Maigret tend un piège. Une des particularités de Maigret et l’affaire Saint-Fiacre est également de construire son intrigue policière autour d’un crime sans « arme du crime » : le mode opératoire du tueur se base en effet sur la diffusion d’une fausse nouvelle publiée par un journal régional, qui provoquera un arrêt du cœur chez la victime.
Ainsi, si les co-auteurs du scénario de Maigret tend un piège avaient pris le parti de remodeler l’intrigue imaginée par Simenon dans le but d’en faire une réponse française au Film Noir, l’intention est ici fort différente, avec une enquête suivant son petit bonhomme de chemin dans le milieu de la petite aristocratie française. Une aristocratie par ailleurs en fâcheuse posture, désargentée, mais dont le prestige attise encore toutes les ambitions et les jalousies. Ainsi, parmi les suspects potentiels, on trouvera le curé de campagne, le petit médecin de famille, le régisseur fidèle mais également les arrivistes aux dents longues, du secrétaire personnel au banquier. Au milieu de tous ces personnages, il y a bien sûr Maigret, qui arpente les rues du village de Saint-Fiacre et les couloirs du château.
Pourtant, de subtiles modifications ont à nouveau été apportées au roman de Georges Simenon pour rapprocher Maigret et l’affaire Saint-Fiacre d’un autre auteur très populaire dans le genre du policier à « énigmes » : Agatha Christie. Outre le fait que le mystère sur l’identité du coupable soit maintenu jusque dans les dernières minutes du film, au-delà du fait que les suspects se croisant dans le château soient de différentes classes sociales, c’est surtout dans la façon dont Rodolphe-Maurice Arlaud, Jean Delannoy et Michel Audiard modifient le dernier acte du récit que l’on remarquera cette volonté de piétiner sur les plate-bandes de la reine du crime.
La dernière séquence réunit en effet l’ensemble des suspects à l’occasion d’une révélation extrêmement théâtrale et rythmée par les bons mots de Michel Audiard, qui fusent littéralement du tac au tac. Impossible d’oublier l’humour noir dont le grand Audiard fait preuve au détour de quelques dialogues vraiment savoureux :
– « J’avais acheté un chalet pour faire du ski avec une jeune personne »
– « Et vous avez failli tuer votre mère pour ça ! »
– « Ce n’était pas prévu, ce qui prouve les dangers du ski, même par correspondance…»
A l’issue de cette réunion organisée autour d’une grande table, l’identité du tueur sera révélée, et il faut dire qu’on avait le choix, Maigret et l’affaire Saint-Fiacre nous proposant une belle palette d’ordures et de médiocres, rivalisant d’envie, d’orgueil, de lâcheté et de cupidité. Tous les secrets seront mis à table lors du repas final, où tous et chacun seront mis en cause : « La culpabilité d’un seul n’exclut pas la responsabilité de tout le monde ». A la façon du Crime de l’Orient Express, les auteurs du film font dériver le meurtre de la châtelaine vers le meurtre collectif, et ce même si personne n’a réellement porté de coup.
D’autres petites différences entre le livre et le film existent également, et vont toujours dans le sens d’un récit « à la Agatha Christie ». Par exemple, les trois co-scénaristes de Maigret et l’affaire Saint-Fiacre choisissent de recentrer le récit imaginé par Georges Simenon sur l’enquête, alors même que le roman n’accordait finalement que peu d’importance à cette dernière, préférant suivre un Jules Maigret mélancolique, absorbé par ses souvenirs d’enfance – le commissaire laisserait finalement même à un autre le soin de découvrir le coupable. Le film quant à lui replace le personnage de Maigret dans celui de l’enquêteur hors pair, capable de juger de la culpabilité ou de l’innocence d’un homme en l’espace de quelques secondes. Un Maigret fin psychologue, capable de sonder la nature de l’âme humaine entre une bonne pipe et un verre de prune. « Un homme, un vrai », me souffle-t-on à l’oreille…
Par ailleurs, et contrairement au Maigret des romans, qui cherche à comprendre sans jamais juger, le Maigret de Jean Gabin se pose quant à lui en garant de certaines valeurs morales, d’un esprit bien français en quelque sorte – il ira même jusqu’à forcer le coupable désigné à « demander pardon » au cadavre de la chatelaine, lors d’une séquence aussi impressionnante que mélodramatique.
Mais tout comme pour les films adaptés d’Agatha Christie, ce qui fait également la réussite de Maigret et l’affaire Saint-Fiacre, c’est son casting sans faille, qui permet à Jean Delannoy de proposer une belle brochette de têtes connues. Michel Auclair est sans doute le plus flamboyant d’entre tous dans le rôle du fils indigne adepte de l’humour cinglant. A ses côtés, on se régalera des prestations de Michel Vitold en curé au comportement étrange, de Jacques Marin en chauffeur irascible, de Robert Hirsch en gigolo romantique, de Paul Frankeur en médecin de campagne ou encore de Jacques Morel en avocat bavard. Tous sont absolument remarquables et contribuent à faire de Maigret et l’affaire Saint-Fiacre un film peut-être pas aussi enthousiasmant que son modèle, mais tout aussi bien rythmé et intéressant.
La collection « La séance »
Voilà bientôt deux ans que Coin de mire Cinéma propose avec régularité au public de se replonger dans de véritables classiques du cinéma populaire français, tous disponibles au cœur de sa riche collection « La séance ». En l’espace de ces deux années de passion, le soin maniaque apporté par l’éditeur à sa sélection de films du patrimoine français a clairement porté ses fruits. Ainsi, Coin de mire est parvenu à se faire une place de tout premier ordre dans le cœur des cinéphiles français. L’éditeur s’impose en effet comme une véritable référence en termes de qualité de transfert et de suppléments, les titres de la collection se suivent et ne se ressemblent pas, prouvant à ceux qui en douteraient encore la richesse infinie du catalogue hexagonal en matière de cinéma populaire. Une telle initiative est forcément à soutenir, surtout à une époque où le marché de la vidéo « physique » se réduit comme peau de chagrin d’année en année.
Chaque titre de la collection « La séance » édité par Coin de mire s’affiche donc dans une superbe édition Combo Blu-ray + DVD + Livret prenant la forme d’un Mediabook au design soigné et à la finition maniaque. Chaque coffret Digibook prestige est numéroté et limité à 3.000 exemplaires. Un livret inédit comportant de nombreux documents d’archive est cousu au boîtier. Les coffrets comprennent également la reproduction de 10 photos d’exploitation sur papier glacé (format 12×15 cm), glissés dans deux étuis cartonnés aux côtés de la reproduction de l’affiche originale (format 21×29 cm). Chaque nouveau titre de la collection « La séance » s’intègre de plus dans la charte graphique de la collection depuis ses débuts à l’automne 2018 : fond noir, composition d’une nouvelle affiche à partir des photos Noir et Blanc, lettres dorées. Le packaging et le soin apporté aux finitions de ces éditions en font de véritables références en termes de qualité. Chaque coffret Digibook prestige estampillé « La séance » s’impose donc comme un superbe objet de collection que vous serez fier de voir trôner sur vos étagères.
L’autre originalité de cette collection est de proposer au cinéphile une « séance » de cinéma complète, avec les actualités Pathé de la semaine de la sortie du film, les publicités d’époque (qu’on appelait encore « réclames ») qui seront bien sûr suivies du film, restauré en Haute-Définition, 2K ou 4K selon les cas. Dans le cas de Maigret et l’affaire Saint-Fiacre, il s’agit d’une restauration 2K réalisée par TF1 Studio avec la participation du CNC.
La cinquième vague de la collection « La séance » débarquera le 4 septembre. Les six nouveaux films intégrant la collection la portent aujourd’hui à un total de 31 titres. Les six films annoncés sur cette nouvelle vague ont de quoi mettre l’eau à la bouche des cinéphiles, puisqu’il s’agit de Les évadés (Jean-Paul Le Chanois, 1955), Maigret tend un piège (Jean Delannoy, 1958), Maxime (Henri Verneuil, 1958), Maigret et l’affaire Saint-Fiacre (Jean Delannoy, 1959), Le diable et les 10 commandements (Julien Duvivier, 1962) et Maigret voit rouge (Gilles Grangier, 1963). Pour connaître et commander les joyaux issus de cette magnifique collection, on vous invite à vous rendre au plus vite sur le site de l’éditeur.
Le coffret Digibook prestige
[5/5]
Aussi inattendue que réjouissante, la réapparition en Haute-Définition des trois Maigret tournés par Jean Gabin s’est faite sous les couleurs de Coin de Mire Cinéma, qui plus est dans des coffrets « luxe » estampillés La séance auxquels nous a habitué l’éditeur depuis presque deux ans. Maigret et l’affaire Saint-Fiacre débarque donc dans un sublime Digibook contenant le Blu-ray du film, un DVD ainsi qu’un livret, des photos en tirage argentique et une reproduction de l’affiche. Les collectionneurs sont aux anges, d’autant que comme à son habitude, l’éditeur français a non seulement soigné la qualité de son transfert Haute Définition, mais également veillé au grain en ce qui concerne la qualité des suppléments, qui auront vite fait de faire de ce coffret une nouvelle édition « définitive » à mettre à l’actif de Coin de Mire Cinéma. Comme d’habitude avec l’éditeur, ce premier pressage est limité à 3000 exemplaires.
Côté image, la copie est quasi-irréprochable : la restauration a été faite avec soin, et le Blu-ray (naturellement encodé en 1080p) s’impose sans peine comme tout à fait respectueux du noir et blanc d’origine, tout en proposant un piqué et un niveau de détail assez bluffants. Les contrastes ne sont jamais pris à revers, et le master ne souffre jamais de noirs « bouchés ». La restauration a fait place nette des taches et autres traces d’usure dues au temps, l’éditeur a tenu éloignée la tentation d’avoir recours au réducteur de bruit (préservant de façon maniaque la solide granulation argentique d’origine). Bref, l’ensemble est véritablement excellent et semble avoir fait l’objet d’une attention toute particulière : une vraie « redécouverte ». La piste audio n’est pas en reste, puisque le film de Jean Delannoy s’impose dans un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 (mono d’origine), parfaitement clair et sans souffle.
Mais comme on le disait un peu plus haut, Coin de Mire Cinéma ne perd pas ses bonnes habitudes et nous propose, en plus de cette présentation du film littéralement impeccable, des suppléments passionnants prenant la forme de la traditionnelle « séance de cinéma » complète, composée des informations Pathé, d’une bande-annonce et d’une page de publicités d’époque. On commencera donc avec les Actualités Pathé de la 36ème semaine de l’année 1959 (9 minutes). Le journal s’ouvre sur une spectaculaire compétition de ski nautique sur le lac Léman, pour continuer avec la canicule (déjà) à Hambourg et une poignée d’enfants s’amusant avec des jets d’eau. On continuera ensuite avec le marathon de la Manche, un typhon au Japon et le parachutage d’une Simca P60 à Hassi Messaoud. Le général de Gaulle est en visite à Oran, Eisenhower en Europe. On terminera avec une page « mode » filmée sur la Seine en mode 100% kitsch.
Après la bande-annonce du Baron de l’écluse, on se plongera ensuite dans une longue page de publicités – ou plutôt de « réclames » – de cette année 1959 (9 minutes) : les glaces Miko, les bonbons Mint’Ho de Krema à l’asile de fous, les lames de rasoir Gibbs, le prêt à porter Sous le signe de Paris (« C’est tellement mieux »), l’innovation Nescafé de Nestlé, le Boom Hec 1959, le pressing Rapid Neuf, le dentifrice Colgate au Gardol qui « vous protège toute la journée contre la carie et la mauvaise haleine », les bustes Peter Pan, « Un stylo, c’est le plus beau des cadeaux » chez Toulouse Stylos. On terminera le tour des suppléments de cette superbe édition avec la bande-annonce du film.