Test Blu-ray : Maigret

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Maigret

France, Belgique : 2022
Titre original : –
Réalisation : Patrice Leconte
Scénario : Patrice Leconte, Jérôme Tonnerre
Acteurs : Gérard Depardieu, Jade Labeste, Mélanie Bernier
Éditeur : M6 Vidéo
Durée : 1h28
Genre : Policier
Date de sortie cinéma : 23 février 2022
Date de sortie DVD/BR : 23 juin 2022

Maigret enquête sur la mort d’une jeune fille. Rien ne permet de l’identifier, personne ne semble l’avoir connue, ni se souvenir d’elle. Il rencontre une délinquante, qui ressemble étrangement à la victime, et réveille en lui le souvenir d’une autre disparition, plus ancienne et plus intime…

Le film

[4/5]

Si le personnage de Maigret avait déjà fait son apparition au cinéma, puis à la télévision, sous les traits de Jean Gabin, Jean Richard et Bruno Crémer, on n’avait plus vu le personnage du fameux commissaire créé par Georges Simenon dans les salles obscures depuis Maigret voit rouge en 1963. Cela faisait donc presque soixante ans que le personnage avait été relégué à la TV, et l’arrivée d’un nouveau film est donc une excellente nouvelle.

Réalisé par Patrice Leconte, et co-écrit avec Jérôme Tonnerre, ce Maigret cuvée 2022 est donc l’adaptation cinématographique du roman « Maigret et la jeune morte », naturellement signé Georges Simenon et publié en 1954. Ce roman avait déjà fait l’objet d’une adaptation TV, avec Jean Richard, mais jamais au cinéma. La reconstitution somptueuse, la photo sublime signée Yves Angelo et la classe / l’élégance de la mise en scène signée Patrice Leconte imposent néanmoins cette nouvelle version comme un véritable petit classique immédiat, entre autres porté par la prestation de Gérard Depardieu dans le rôle-titre.

Avec 541.000 entrées en période post-Covid, et à une époque où le personnage est souvent catalogué comme exclusivement réservé aux « Séniors », Maigret a réalisé une prestation plus qu’honorable dans les salles obscures. Et étant donné la qualité de ce premier opus, on espère sincèrement que le film de Patrice Leconte donnera l’envie aux producteurs de se lancer dans d’autres adaptations des enquêtes de Maigret…

Les qualités de ce Maigret avaient été largement évoquées – et avec quel talent – par notre rédac’ chef Pascal Le Duff au moment de la sortie du film dans les salles. Vous retrouverez ci-dessous un extrait de sa critique.

Un Maigret vieillissant

Plus de soixante ans après Jean Gabin, Gérard Depardieu se glisse avec souplesse dans le pardessus de ce mythe du 36 Quai des Orfèvres, né sous la plume de Georges Simenon en 1931. Ce grand consommateur de tabac est ici privé de son péché mignon, la pipe lui étant désormais fortement déconseillée par son médecin qui lui suggère de se reposer, voire de songer à la retraite.

En adaptant « Maigret et la jeune morte », Patrice Leconte fait le choix d’une vision crépusculaire du personnage, dépeint ici comme vieillissant et mélancolique, ce qui le rend assez émouvant. Des souvenirs intimes sombres remontent à la surface à la faveur de cette affaire, la victime la touchant plus que d’autres auparavant. Il est choqué de constater que la disparue n’a pas d’identité, ceux qui la côtoyaient ignorant son nom. Il devient pour lui plus important de découvrir qui elle était que de trouver celui qui a interrompu sa courte existence. Malgré la lassitude qui l’étreint, il reste professionnel. Cela ne l’empêche pas de mettre en danger une délinquante dont il se rapproche car elle semble partager quelques traits avec la défunte. S’il cherche d’abord à comprendre cette génération qui lui est étrangère, il finit par faire d’elle un appât.

Dernier joli rôle à André Wilms

On n’est pas chez Simenon par hasard : on retrouve sa charge habituelle sur la bourgeoisie et, comme souvent, ce sont les jeunes défavorisés qui morflent dans l’anonymat et les aristocrates qui passent à travers les gouttes, même en commettant leurs méfaits sans trop se cacher. L’histoire est située dans les années 50, mais Leconte évite la recréation d’époque figée, privilégiant une stylisation plus atemporelle en déambulant dans un Paris vidé de sa foule et dans des décors sobres. Le film est agréablement court, car il va droit à l’essentiel, sans se précipiter pour autant.

Patrice Leconte offre un dernier joli rôle à André Wilms (le père Le Quesnoy de La vie est un long fleuve tranquille) disparu très récemment. Lors d’un interrogatoire, il évoque avec émotion la mort d’un enfant, avec ces mots : « Quand on perd son enfant, on perd tout, il n’y a plus rien », ce en quoi Maigret se reconnaît. Ce qui passionne surtout Patrice Leconte dans son adaptation est l’âme de personnages secrets et tristes. Son approche psychologique ne se fait pas au détriment du suspense. Un excellent cru qui s’inscrit parmi les meilleures incursions de Simenon au cinéma.

Le Blu-ray

[4/5]

Côté Blu-ray, la galette de Maigret éditée par M6 Vidéo rend pleinement honneur à la sublime photo du film signée Yves Angelo, ainsi qu’au talent de formaliste de Patrice Leconte : le rendu visuel de ce nouveau Maigret est de toute beauté, le piqué est à couper le souffle et les couleurs explosent littéralement, malgré une désaturation évidente des couleurs les plus vives. La définition est au taquet, sans le moindre défaut apparent de compression, les niveaux de noir ainsi que la profondeur de champ sont remarquables… Un très beau travail technique. Côté son, la version française est proposée dans un mixage DTS-HD Master Audio 5.1 relativement sobre, nous proposant des ambiances finement distillées ; la musique mélancolique de Bruno Coulais profite d’une ampleur et d’une spatialisation toute particulière. On notera cela dit que M6 Vidéo n’oublie pas les cinéphiles qui visionnent leurs films à domicile sans utiliser de Home Cinema, puisque l’éditeur nous propose également un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 plus cohérent si vous visionnez Maigret sur un « simple » téléviseur.

Dans la section suppléments, on trouvera sous la dénomination « Enquête sur Maigret » un intéressant making of (32 minutes), qui s’avérera doublé d’une remise en perspective historique du personnage de Jules Maigret. On y écoutera donc avec le plus grand intérêt des entretiens croisés avec Patrice Leconte, Pierre Assouline, biographe de Georges Simenon, et John Simenon, fils de l’auteur. La psychologie de Maigret sera abordée, de même que son apparence physique, son nom, le succès des livres… Le travail d’adaptation effectué par Patrice Leconte et Jérôme Tonnerre sera également abordé, de même que le choix de Gérard Depardieu et les différents partis-pris esthétiques du film. On terminera enfin le tour des suppléments avec un sujet dédié à la « Promenade Simenon » à Liège (11 minutes), qui revient sur les pas de Georges Simenon avec la guide, Chantal Servais, qui nous démontrera à quel point l’environnement du romancier a pu inspirer une partie de son œuvre. On y apprendra entre autres d’où vient le nom de Maigret.

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