Test Blu-ray : Luz – La Fleur du mal

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Luz – La Fleur du mal

Colombie : 2019
Titre original : Luz
Réalisation : Juan Diego Escobar Alzate
Scénario : Juan Diego Escobar Alzate
Acteurs : Conrado Osorio, Andrea Esquivel, Yuri Vargas
Éditeur : Le Chat qui fume
Durée : 1h44
Genre : Drame, Horreur
Date de sortie DVD/BR : 31 décembre 2022

De nos jours, dans un petit village isolé au milieu des montagnes colombiennes – Une communauté vit comme au Moyen-Âge sous le joug d’un prédicateur nommé El Señor, qui dirige la population d’une main de fer et retient prisonnier un enfant nommé Jesus, censé être le Nouveau Messie. Le comportement d’El Señor finit par semer le trouble et le chaos au sein des villageois, et notamment ses trois propres filles…

Le film

[4/5]

Si l’on considère qu’il s’agit d’un premier film, de surcroît venu de nulle-part, Luz : La fleur du mal fait vraiment partie de ces films capables de cueillir et de surprendre le spectateur. L’aspect le plus frappant du film du colombien Juan Diego Escobar Alzate réside sans doute dans sa facture visuelle, vraiment éblouissante : il s’agit en effet de l’un des films les plus magnifiquement photographiés qui soient. Le travail de Nicolás Caballero Arenas sur la photo du film tend à faire de chaque plan du film une véritable œuvre d’Art : les couleurs, les éclairages, la luminosité hyperréaliste, les plans panoramiques incroyables de ses magnifiques paysages de montagne sous un ciel turquoise, tout concourt à faire de Luz : La fleur du mal un film d’une beauté absolue. La folie à peine contenue de l’histoire du film est par ailleurs encore renforcée par un joli travail sur le son et la musique, avec en particulier la répétition du Quintette Stadler de Mozart et les sons entêtants de la boîte à musique des trois jeunes filles au cœur du film.

Luz : La fleur du mal suit donc trois jeunes femmes vivant dans un village de montagne colombien isolé, qui évoquera à de nombreuses reprises un paysage de western. Naïves et déconnectées des réalités du monde contemporain, elles vivent sous la coupe de leur père/beau-père, El Señor (Conrado Osorio), un prêcheur les étouffant et les manipulant par le biais d’une autorité morale extrêmement sévère et anachronique. L’aînée, Laila (Andrea Esquivel), tend à repousser l’obsession de son père pour Dieu au profit de la beauté de la nature et de la musique. La deuxième fille d’El Señor, Uma (Yuri Vargas), rêve de se marier, peut-être avec Adán (Jim Muñoz), l’employé du ranch voisin. Quant à la cadette, Zion (Sharon Guzman), elle croit aveuglément en El Señor, mais commencera lentement à douter au fur et à mesure que le film avance et que tout ce qu’elle sait – ou croyait savoir – s’effiloche autour d’elle.

Pur film d’atmosphère, Luz : La fleur du mal n’est pas du genre à proposer au spectateur une thèse claire et des enjeux cristallins. Pour autant, le premier long-métrage de Juan Diego Escobar Alzate s’avère un spectacle absolument hypnotique – un film dédié aux sens, à voir, à entendre et à ressentir, que l’on rapprochera d’un film tel que The Witch (Robert Eggers, 2016) ou des œuvres d’Alejandro Jodorowsky. En termes d’intrigue, on pourra également dresser quelques passerelles entre le scénario de Juan Diego Escobar Alzate pour Luz : La fleur du mal et celui de Robert Eggers pour The Witch, notamment dans l’exploration de la folie humaine, qui peut être exacerbée par une foi puritaine et incontrôlée.

Accrochant le spectateur par le biais de son ambiance et de ses images fascinantes, Luz : La fleur du mal évolue de fait assez lentement, mais développe une intrigue qui s’intensifie au fur et à mesure du récit, notamment après l’enlèvement du jeune villageois par El Señor : le prêcheur fou prétend donc que ce petit garçon est la réincarnation de Jésus – certains éléments de dialogue du film nous apprendront par ailleurs que ce petit blond au visage d’ange n’est pas le premier « Jésus » à avoir été enlevé El Señor. Passée cette séquence, Luz : La fleur du mal bascule dans l’horreur, et la petite communauté sera bientôt déchirée par une série d’événements calamiteux qui amèneront tout le monde à se demander si le garçon est vraiment le sauveur qu’il est censé être. Pour autant, l’approche de l’horreur de Juan Diego Escobar Alzate ne passe jamais par le surnaturel : la suggestion l’emporte sur les faits, et la folie humaine prend clairement le pas sur d’éventuelles forces démoniaques.

De fait, certains spectateurs pourront être rebutés par la lenteur de Luz : La fleur du mal. Certes, il s’agit bel et bien d’un film lent, sans beaucoup d’action, extrêmement sombre et pétri de symboles. Le plus évident d’entre eux est bien évidemment celui de la lumière – Luz signifie d’ailleurs « lumière » en espagnol – qui s’avère omniprésent au cœur du film, dans les jeux de couleurs et l’opposition entre lumière et l’obscurité bien sûr, mais aussi à travers la défunte mère des trois héroïnes, qui s’appelait également Luz. Les thématiques du film comprennent également la question de la religion, qui est une partie importante de Luz : La fleur du mal. Le culte pratiqué et prêché par El Señor n’est d’ailleurs pas clairement désigné : il s’agit d’un gloubi-boulga de croyances et de folklore, qui accouche au final d’une foi obsessionnelle et excessivement compliquée que personne à part lui ne peut réellement comprendre. Tout ce qui ne rentre pas dans ses « cases » prédéterminées est désigné comme l’œuvre de Satan, à l’image de ce magnétophone trouvé par Laila dans la forêt : plutôt que d’apprécier la beauté de la musique de Mozart, il l’appelle le Chant du Diable et refuse que ses filles l’écoutent.

Troublant, brutal, presque émouvant par moments, Luz : La fleur du mal s’impose cependant comme un spectacle étrangement hypnotique. Le film de Juan Diego Escobar Alzate n’est certes pas le genre de film didactique qui emmène le spectateur avec lui en le tenant par la main et en le guidant de façon claire à travers son récit ; au contraire, il s’agit d’une œuvre qui vous prend et vous plaque au sol, en vous donnant à voir des choses que vous serez libre de croire ou pas, et d’interpréter à votre manière. Luz : La fleur du mal n’apporte peut-être pas les réponses aux questions qu’il soulève, mais le film cherche davantage à explorer ces questions qu’à livrer un récit au sens traditionnel du terme. Et entre nous, ça ne fait pas du bien, parfois, d’être un peu secoué ?

Le Blu-ray

[4,5/5]

Programmé dans une poignée de festivals depuis 2019, Luz : La fleur du mal n’a malheureusement pas connu les joies d’une distribution dans les salles françaises. Il s’agit certes d’une grande injustice, mais finalement, le film de Juan Diego Escobar Alzate débarque sur support Blu-ray sous les couleurs du Chat qui fume (en collaboration avec Freaks On, une nouvelle plateforme de streaming dédiée aux films d’horreur), ce qui lui vaut aujourd’hui d’être particulièrement bien loti techniquement, et lui assurera forcément d’être découvert par un petit public de passionnés qui l’apprécieront à coup sûr à sa juste valeur. Cela vaut sans doute mieux au final que d’être projeté dans une salle d’Art et Essai où il aurait horrifié les petits vieux et sans doute provoqué une poignée d’arrêts cardiaques. Comme d’habitude avec Le Chat qui fume, le Blu-ray de Luz : La fleur du mal s’offre la forme d’un élégant Digipack trois volets, dont la conception graphique est à nouveau signée par le talentueux Frédéric Domont. L’ensemble est surmonté d’un joli fourreau cartonné aux couleurs du film, et il s’agit d’une édition limitée à 1000 exemplaires.

Du côté de la galette à proprement parler, c’est du très beau travail, autant du point de vue technique qu’éditorial. Préservant la granulation d’origine tout en nous proposant une image propre, stable et imposant sans peine des couleurs littéralement explosives, ce Blu-ray de Luz : La fleur du mal fait réellement honneur au support. La copie est de très bonne tenue, avec un grain cinéma respecté, et des contrastes finement travaillés. L’ensemble ne manque pas de piqué, et on ne repère aucun bidouillage numérique à l’horizon, bref, c’est du tout bon. Côté son, l’éditeur nous propose VO espagnole mixée en DTS-HD Master Audio 5.1, et ce mixage fait preuve d’un solide dynamisme, dont le spectateur profitera surtout durant les scènes en extérieur, et qui proposent de multiples détails sonores parfaitement rendus et spatialisés. L’ampleur acoustique est remarquable, avec une mention particulière pour la spatialisation et les bruitages des scènes les plus horrifiques tonitruantes et riches en détails sonores croustillants. On notera cela dit avoir rencontré un petit souci de lecture – probablement un cas isolé – sur le Blu-ray qui nous a été envoyé, et qui s’avère illisible entre la 18ème et la 23ème minute du film.

Dans la section suppléments, Le Chat qui fume nous gratifie tout d’abord d’un intéressant making of (57 minutes), tourné en mode camescope à l’ancienne. Les différents membres de l’équipe s’exprimeront face caméra et le spectateur sera amené à suivre l’évolution du tournage, tout en écoutant les différents intervenants évoquer les personnages ou l’histoire du film. On y découvrira également quelques moments volés sur le tournage, et notamment la préparation des maquillages. Le sujet suivant, tourné dans les mêmes conditions, sera consacré à la présentation du film au festival de Sitges (49 minutes). On y suivra donc à nouveau l’équipe du film, cette fois en pleine ambiance festive. On y découvrira naturellement la présentation du film, devant une salle comble de 1200 spectateurs. Mais ce n’est pas tout : l’éditeur nous propose en effet également de nous plonger dans la bande originale du film (47 minutes), et on terminera par un clip vidéo du groupe de death metal colombien The Scum (6 minutes) réalisé par Juan Diego Escobar Alzate et par la bande-annonce du film. Pour vous procurer cette édition limitée à 1000 exemplaires, rendez-vous sur le site de l’éditeur !

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