Lovecraft Country – Saison 1
États-Unis : 2020
Titre original : –
Création : Misha Green
Acteurs : Jonathan Majors, Jurnee Smollett, Aunjanue Ellis
Éditeur : HBO
Durée : 10h environ
Genre : Série TV, Fantastique
Date de sortie DVD/BR : 17 février 2021
Dans l’Amérique raciste des années 1950, Atticus Black, un jeune homme de 25 ans, embarque avec son amie Letitia et son oncle George dans un road trip à la recherche de son père disparu. Sur la route, ils rencontrent des monstres fantastiques, ainsi que des monstres bien réels…
La saison
[4/5]
Si Lovecraft Country n’adapte pas littéralement parlant les écrits de H.P. Lovecraft, on ne pourra que saluer l’audace avec laquelle le show développé par Misha Green évoque l’œuvre du romancier de Providence. Basé sur le roman éponyme de Matt Ruff, Lovecraft Country juxtapose certains éléments de l’œuvre de Lovecraft, et les met en parallèle avec le racisme et la ségrégation du milieu du siècle aux États-Unis. Il s’agissait là d’une façon pour Matt Ruff de souligner que beaucoup parmi les histoires horrifiques créées par Lovecraft dans les années 20/30 abritaient des métaphores et allégories racistes plus ou moins directes. Lovecraft voyait en effet d’un très mauvais œil les autres races, les étrangers « envahissant » l’Amérique ou encore le métissage.
Ainsi, afin d’explorer la conjonction entre l’œuvre de H. P. Lovecraft et le racisme aux États-Unis à l’époque des lois Jim Crow, Matt Ruff avait fait le choix de diviser son roman Lovecraft Country en huit histoires connectées les unes aux autres par le biais des personnages. Les personnages mis en centre de l’intrigue de la série TV sont donc Atticus Freeman (Jonathan Majors), surnommé « Tic », jeune noir et vétéran revenu de la guerre de Corée, à la recherche de son père disparu au début de l’histoire. A ses côtés, on trouvera également Leti (Jurnee Smollett), amie d’enfance de Tic et photographe de talent.
Une des caractéristiques les plus notables de cette première saison de Lovecraft Country est sa densité : en l’espace des deux premiers épisodes, le show aura déjà enchainé les thématiques et les rebondissements à une vitesse tellement élevée qu’on pourra vraiment avoir l’impression d’avoir suivi une saison entière sous forme de « condensé », à la façon d’un reader’s digest. La série suit la mécanique du « pulp », comme l’indiquent d’ailleurs les propos d’Atticus dans le premier épisode : « I love pulp stories. I love that heroes get to go on adventures in other worlds, defy insurmountable odds, defeat the monster, save the day. Little Negro boys from the South Side of Chicago don’t notoriously get to do that. ».
A partir du troisième épisode donc, la quête initiatique sous forme de road movie s’arrête, et nos personnages retournent à Chicago. A partir de cet épisode, véritable charnière narrative dans la construction de la série, la structure du roman d’origine reprend ses droits. Et si bien sûr la trame liée à la société secrète des « Fils d’Adam » continuera à se développer en arrière-plan, Lovecraft Country se métamorphosera finalement en « anthologie » fantastique, donnant à découvrir au spectateur une intrigue fantastique très orientée « pulp magazine » à chaque épisode.
Ainsi, le troisième épisode verra Leti confrontée à une maison hantée. Le quatrième nous emmènera à la recherche d’artéfacts mystérieux dans une relecture du sérial d’aventures en mode Indiana Jones. Le cinquième épisode mettra en scène les aventures de Ruby, chanteuse noire ayant l’opportunité de prendre pour quelques heures l’apparence d’une femme blanche. Le sixième épisode nous transportera en Corée du Sud en 1949, et suivra la trajectoire d’une espèce de succube dévorant les hommes. Le septième épisode traitera de voyage dans le temps, tandis que le huitième (le plus flippant de la saison) mettra en scène une malédiction que l’on croirait tout droit sortie de The grudge. Les deux derniers épisodes de la première saison de Lovecraft Country mélangeront les thématiques en réunissant les différents personnages autour d’une cérémonie faisant écho aux événements s’étant déroulés durant les deux premiers épisodes.
Navigant sans réels temps morts entre des références « pulpeuses » et d’autres plus « Lovecraftiennes » donc en développant un discours très contemporain sur la place des noirs dans la société US, Lovecraft Country s’avère donc une entreprise audacieuse. Bien sûr, à cause de sa construction enchaînant les histoires différentes, tout n’y fonctionne pas forcément de manière uniforme : la structure même des épisodes pourra en effet s’avérer un poil répétitive, mais on ne pourra au final que saluer l’effort exceptionnel des créateurs du show ainsi que de HBO, le Network américain étant toujours prêt à prendre des risques afin de proposer au public des séries novatrices et originales.
Le coffret Blu-ray
[4,5/5]
Comme d’habitude avec HBO, le coffret 3 Blu-ray de Lovecraft Country – Saison 1 disponible en France depuis une petite semaine est tout simplement remarquable : la série affiche un piqué saisissant, un niveau de détails assez ahurissant, ainsi que des couleurs littéralement explosives et des contrastes au taquet. Côté son, seule la version originale est encodée en DTS-HD Master Audio 5.1, dans un mixage immersif, riche en effets d’ambiance s’avérant très réussis et même parfois assez étonnants (brouhaha, échos). Un poil en retrait, la version française uniquement mixée en Dolby Digital 5.1 s’avère également très efficace, mais fait naturellement montre d’un peu moins de finesse dans ses effets.
Niveau suppléments, le coffret dispose d’une poignée de bonus, tous concentrés sur le troisième disque du coffret. On y trouvera tout d’abord un intéressant making of (« Bâtir Lovecraft Country », 28 minutes), composé d’entretiens avec la créatrice de la série Misha Green, ainsi qu’avec les acteurs et l’équipe. Cet intéressant sujet nous donnera un aperçu de la production du show, à travers ses ambitions, les différences avec le roman ou encore les références historiques qui émaillent les épisodes. On continuera ensuite avec un focus un peu plus particulier sur les monstres et créatures vues dans la série, et de la manière dont elles rendent hommage à H.P. Lovecraft (« Lovecraft Country : un recueil des horreurs », 12 minutes). Enfin, on trouvera également un entretien avec Afua Richardson, dessinatrice de bande dessinée américaine (Marvel, DC), qui évoquera la création de la bande dessinée de Diana (« Orithyia Blue et l’imagination de Diana Freeman », 11 minutes).
On terminera enfin avec une série de courts entretiens avec les acteurs, qui évoqueront leurs personnages respectifs (« Au cœur de Lovecraft Country » : entretiens avec Aujanue Ellis, Abbey Lee, Courtney B. Vance, Jada Harris, Jonathan Majors, Jurnee Smollett, Michael Kenneth Williams et Wunmi Mosaku, 8 minutes), ainsi qu’avec quelques membres de l’équipe de production et responsables des effets visuels, qui évoqueront leur travail sur le show (« L’art de Lovecraft Country » : entretiens avec Afua Richardson, Eric Yamamoto, Carey Jones et JP Jones, 7 minutes).