Long weekend
Australie : 1978
Titre original : –
Réalisation : Colin Eggleston
Scénario : Everett De Roche
Acteurs : John Hargreaves, Briony Behets, Mike McEwen
Éditeur : Le chat qui fume
Durée : 1h37
Genre : Fantastique, Horreur
Date de sortie cinéma : 30 juillet 1980
Date de sortie DVD/BR : 20 novembre 2020
Dans la périphérie de Melbourne. Afin de redonner une chance à leur couple en crise, Peter propose à son épouse Marcia, dépressive à la suite d’un avortement, de passer le week-end au bord de la mer, dans un endroit retiré de la civilisation. Elle accepte à contrecœur et tous deux parviennent, non sans difficulté, à destination. Mais l’un comme l’autre sont plus préoccupés à régler leurs comptes qu’à respecter la nature environnante, ne se doutant pas que celle-ci peut se rebeller, voire se montrer impitoyable…
Le film
[4,5/5]
Un fleuron méconnu de la Ozploitation
Le cinéma d’exploitation australien – ou « Ozploitation » – est un sous-genre qui peine vraiment à percer et à être reconnu. Cependant, bien avant le fameux documentaire Not quite Hollywood : The wild, untold story of Ozploitation ! (2008), le cinéma populaire australien avait déjà bénéficié d’un coup de projecteur tout particulier en France, sous l’impulsion du magazine Mad Movies.
En effet, à partir de 2002, la revue dédiée au cinéma fantastique s’était vue accompagnée d’un DVD dans les kiosques, et des films australiens un peu oubliés et jusqu’alors inédits en DVD avaient de ce fait pu être redécouverts par un large public. On pense par exemple à Patrick (Richard Franklin, 1978), Soif de sang (Rod Hardy, 1979), Harlequin (Simon Wincer, 1980), Le Survivant d’un monde parallèle (David Hemmings, 1981), Les Traqués de l’an 2000 (Brian Trenchard-Smith, 1982) ou encore Razorback (Russell Mulcahy, 1984). Plusieurs de ces films ont depuis vu le jour au format Blu-ray.
Cependant, le cultissime Long weekend, un des plus grands absents de la liste des films australiens sortis par l’intermédiaire de Mad Movies, restait à ce jour toujours tristement inédit chez nous, que cela soit en DVD ou en Blu-ray. Cette omission aussi tragique qu’incompréhensible, est aujourd’hui réparée, grâce au talent des équipes du Chat qui fume, que l’on remercie avec la plus déférente sincérité.
Constituant littéralement un des fleurons de la « Ozploitation », Long weekend est un film dont la réputation flatteuse a largement traversé les océans depuis sa sortie en salles, mais qui était resté invisible depuis sa sortie en VHS dans les années 80 jusqu’à sa reprise dans une maigre poignée de salles françaises à l’automne 2019, sous les couleurs de Solaris Distribution. Les plus jeunes et les moins parisiens parmi nos lecteurs n’avaient donc à priori jamais eu l’occasion de voir Long weekend, même si paradoxalement son remake, réalisé par Jamie Blanks en 2008, était quant à lui disponible en vidéo depuis 2010.
Un script clair comme de l’eau Deroche
Plus de quarante ans après sa sortie, Long weekend impose toujours autant sa classe, en partie grâce à son interprétation sur le fil du rasoir et à sa mise en scène atmosphérique des plus efficaces, signée Colin Eggleston. Cependant, on ne pourra s’empêcher de considérer que la réussite de Long weekend est en grande partie à mettre au crédit du scénario du film, écrit par Everett De Roche. Ce nom, vous le connaissez forcément si vous êtes un amateur de cinéma fantastique : Everett De Roche avait en effet la mainmise sur le genre à l’époque en Australie, puisqu’outre celui de Long weekend, il signerait également les scénarii de Patrick, Harlequin, Déviation mortelle, Link ou encore Razorback… Autrement dit la fine fleur de ce qui se faisait de ce côté du globe dans les années 80 !
Les histoires imaginées par Everett De Roche plongent le spectateur au cœur d’un fantastique d’un autre temps, essentiellement basé sur les personnages et leurs différentes interactions au cœur d’un univers très réaliste, qui se fissurera petit à petit jusqu’à basculer complètement. Les films adaptés de ses récits s’imposent donc logiquement comme de fiers représentants d’un fantastique refusant le grand spectacle, et résolument tournés vers une approche du genre très sérieuse et premier degré.
Ainsi, l’autre preuve de la modernité et de l’efficacité du script d’Everett De Roche se retrouvera dans le fait que le remake de 2008 – qui ne recueillit les faveurs ni de la presse ni du public – se basera essentiellement sur le même script, ne modernisant finalement que les éléments de décor et les effets spéciaux, sans jamais trahir le déroulement des événements imaginé par De Roche trente ans auparavant. Quitte à choquer, on affirme d’ailleurs sans rougir que ce Long weekend signé Jamie Blanks (un des plus importants artisans du cinéma de genre australien de nos jours) est bel et bien un remake aussi anachronique que réussi, préservant l’essence du scénario d’origine. La principale différence entre les deux films vient de la maestria technique déployée par les deux cinéastes (Eggleston d’un côté, Blanks de l’autre), à trente ans d’intervalle, afin de faire monter la tension et d’illustrer le récit imaginé par De Roche.
La nature, cette garce
Suivant un couple en crise parti, pour un weekend, s’adonner aux joies du camping sauvage en pleine nature, Long weekend prend donc son temps pour présenter ses personnages au spectateur, de façon naturaliste, préférant les non-dits à l’exposition claire des raisons du malaise entre les deux protagonistes principaux. La tension monte, puis se relâche, par intermittence entre elle (Briony Behets) et lui (John Hargreaves). Sur leur trajet, mais également à leur arrivée dans un cadre idyllique de plage isolée où ils s’installent, ils semblent, en bons citadins de la fin des années 70, traiter leur environnement avec le plus grand mépris. Clope jetée dans l’herbe provoquant un début d’incendie, kangourou écrasé sur la route, arbre coupé pour le plaisir, détritus laissés à l’abandon en pleine nature, coups de fusil, insecticide…
Par d’imperceptibles étapes, Colin Eggleston parvient à faire monter une réelle tension dans l’air. Au rythme d’inserts démontrant les ravages de cette « civilisation » détruisant tout sur son passage, et avec un véritable travail sur le son (en reprenant notamment le glaçant cri du Dugong en leitmotiv sonore), l’atmosphère de Long weekend se charge petit à petit d’une aura de mystère de plus en plus oppressante. Et comme le couple de personnages principaux semble tout faire afin de s’attirer l’hostilité des lieux qu’ils traversent, la Nature paraît au fil du récit bien déterminée à prendre une sourde revanche sur la civilisation…
Globalement bien rythmé et assez passionnant malgré son refus tout net du moindre recours à des effets spectaculaires, Long weekend se dirige sciemment vers un cinéma 100% atmosphérique. Et pour peu qu’on abandonne toute prise et qu’on se laisse porter par le récit et les événements intervenant au fil du récit sur une patine volontairement très réaliste, l’expérience que nous propose le film se révèle absolument fascinante. Mais si dans le fond Long weekend tient presque du « brûlot » écologique dans la morale qu’il véhicule, le film de Colin Eggleston n’en oublie en effet jamais d’être un film de genre extrêmement efficace, à la mise en scène vraiment remarquable.
En effet, le cinéaste parvient sans peine à installer un sentiment étouffant d’« inquiétante étrangeté » au cœur de son film, qui laisse volontairement dans l’ombre certains éléments de la narration (les causes réelles du délitement du couple, la question du couple devant les rejoindre, la situation de la plage par rapport à l’étrange arbre marqué d’une flèche…) pour se concentrer sur autant de séquences apparemment anodines qui ne font en réalité qu’augmenter au fur et à mesure la pression, le duo d’acteurs principaux montant également crescendo dans la folie au fil du récit, au fur et à mesure de leurs mésaventures au cœur de ce huis-clos à ciel ouvert.
Un sujet casse-gueule
Il est vraiment difficile d’évoquer Long weekend sans spoiler outre mesure le spectateur qui voudrait se préserver les surprises qu’offre le récit d’Everett De Roche. On peut néanmoins affirmer qu’il s’agit d’une histoire tournée vers l’écologie, même si cette dernière n’a rien du pensum prétentieux que certains cinéastes – moins subtils que Colin Eggleston – auraient pu signer à partir du même postulat de départ. Pour autant, il s’agit clairement d’un récit casse-gueule, dans le sens où il met en scène une menace non pas « invisible », mais difficilement discernable dirons-nous.
Ainsi, une fois dévoilée la nature réelle de la sourde menace qui pèse sur la tête des personnages de Long weekend, il parait très possible que le film fasse « pschitt » auprès des spectateurs les plus cyniques ou les moins immergés au cœur du film. On se souvient par exemple de l’accueil catastrophique réservé au Phénomènes de M. Night Shyamalan en 2008, sur un sujet comparable. A notre époque, il semble que le spectateur de cinéma ait souvent abandonné l’idée de se laisser porter par une narration trop éloignée de son univers proche, en refusant notamment toute suspension d’incrédulité dès que la « menace » se fait invisible. Ainsi, on frissonnera sans retenue à la vision de monstres fantasmagoriques, mais on ricanera de l’idée d’une menace véhiculée par le vent ou une bardée d’atomes.
A ces spectateurs-là, on a envie de dire : « Mais tais-toi donc, dugong ! », et on l’affirmera avec d’autant plus que force que Long weekend est en tous points maîtrisé : réalisation au top, photo absolument superbe (ces paysages sauvages d’Australie, mazette !), musique oppressante comme il faut… Du beau boulot pour un film à (re)découvrir au plus vite.
Le Blu-ray
[5/5]
Après Fair game, sorti au format Haute-Définition en France il y a un peu plus d’un an, Long weekend est le deuxième film affilié au riche mouvement de la Ozploitation à voir le jour en Blu-ray sous les couleurs du Chat qui fume. Comme d’habitude avec l’éditeur, le film de Colin Eggleston débarque dans l’hexagone dans un coffret extrêmement soigné, s’imposant d’entrée de jeu comme un superbe objet de collection. Le packaging est de toute beauté, avec un digipack 3 volets s’insérant dans un fourreau aux couleurs du film. Le design et la composition graphique de cette édition sont signés par le talentueux Frédéric Domont, et le tirage est limité à 1000 exemplaires. Autant de raisons qui font que, avant même l’insertion du Blu-ray dans le lecteur ad hoc, on est vraiment heureux de tenir dans les mains une édition « Collector » confectionnée avec le plus grand soin du monde par une équipe d’amoureux du cinéma de genre.
Le Blu-ray de Long weekend édité par Le chat qui fume nous propose qui plus est une expérience home cinéma on ne peut plus recommandable : l’image est assez superbe, même si la granulation est plus accentuée lors des passages les plus sombres, et rend dans l’ensemble parfaitement hommage à la sublime photo du film, signée Vincent Monton. La définition est précise, les couleurs très saturées sont respectées à la lettre, de même que la granulation argentique d’origine. Côté son, l’éditeur nous propose bien sûr la version originale, mais a également été repêcher la version française d’époque, notamment doublée par Philippe Ogouz, voix française de Martin Sheen, Ken le survivant et Patrick Duffy. Les deux versions sont proposées dans des mixages DTS-HD Master Audio 2.0, et s’avèrent toutes deux parfaitement propres et équilibrées. On ne peut donc qu’applaudir l’éditeur pour ce très beau travail technique.
Et puisqu’on avait sous la main une copie de la VHS éditée par Fil à Film dans les années 80, juste pour le fun et pour que vous puissiez juger du bond qualitatif incroyable proposé par cette édition Blu-ray, on vous joint ci-dessous deux captures comparatives.
Ces visuels édifiants nous montrent à quel point l’édition vidéo en France revient de loin…
Dans la section suppléments, on trouvera tout d’abord une intéressante présentation du film par Éric Peretti (12 minutes). Il y reviendra sur le parcours d’Everett De Roche, sur le casting et le film en lui-même, en terminant avec le succès du film à l’international. Le programmateur du festival Hallucinations Collectives de Lyon y ira également de ses conjectures concernant l’échec public et critique du film en Australie – les raisons qu’il évoque sont cohérentes et plausibles. On enchaînera avec un entretien avec le producteur Richard Brennan (24 minutes), réalisé par Le chat qui fume spécialement pour cette édition. Le producteur y reviendra sur son parcours, sa rencontre et son amitié avec Bruce Beresford, son expérience de la réalisation et la façon dont il s’est finalement tourné vers la production. Il reviendra donc sur la production de Long weekend : budget, tournage, acteurs, tout est passé en revue de façon agréable et complète. Tentant d’analyser l’échec public du film en Australie, il nous proposera une théorie finalement assez similaire à celle d’Éric Peretti.
On continuera ensuite avec des entretiens avec l’actrice Briony Behets, le scénariste Everett De Roche et le chef opérateur Vincent Monton (18 minutes). Il s’agit de rushes ou de « versions longues » d’entretiens issus du tournage du film documentaire Not quite Hollywood (2008) qu’on évoquait en tout début de papier : c’est tout à fait passionnant, et cela couvrira de nombreux aspects thématiques du film, avec en prime quelques anecdotes de tournage. On appréciera tout particulièrement d’entendre le scénariste Everett de Roche, disparu en 2014. On pourra également se plonger dans un portrait de Colin Eggleston par ses proches, nous proposant des anecdotes de l’actrice Briony Behets, accompagnée de ses fils Toby Eggleston et Sam Reed (en deux parties, 26 minutes en tout). On terminera le tour des entretiens avec une interview audio de l’acteur John Hargreaves (5 minutes), enregistrée en 1995 (l’acteur est mort du Sida en 1996). Si l’entretien n’est clairement pas centré sur Long weekend, ses propos sont globalement intéressants.
L’éditeur nous a ensuite réservé une table ronde consacrée au film de Colin Eggleston, intitulée « La nature les a reconnus coupables : conversation autour du thème de l’horreur écologique » (24 minutes). Le sujet est animé par Lee Gamblin et mettant en vedette Sally Christie, Alexandra Heller-Nicholas et Emma Westwood. Ils replaceront Long weekend dans son contexte de production, et discuteront la façon dont le film joue sur les peurs de l’époque (destruction de la couche d’ozone…) tout autant que la façon dont il s’intègre dans l’histoire de l’Australie. On terminera enfin avec une bande-annonce ainsi qu’avec une fin alternative (2 minutes) qui, pour être tout à fait honnête, ressemble énormément à celle que nous connaissons déjà. Comme d’habitude, vous pouvez commander cette édition indispensable sur le site de l’éditeur Le chat qui fume.