Test Blu-ray : L’ombre d’Emily

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L’ombre d’Emily

 
États-Unis : 2018
Titre original : A simple favor
Réalisation : Paul Feig
Scénario : Jessica Sharzer
Acteurs : Anna Kendrick, Blake Lively, Henry Golding
Éditeur : Metropolitan Vidéo
Durée : 1h57
Genre : Thriller
Date de sortie cinéma : 26 septembre 2018
Date de sortie DVD/BR : 6 février 2019

 

Warfield, Connecticut. Stephanie Smothers, mère au foyer, fait la rencontre d’Emily Nelson, la mère d’un camarade de classe de son fils. Les deux femmes sont très différentes : Emily est mariée, travaille en ville, jure, boit et dispose d’une grande confiance en elle ; néanmoins, elles deviennent rapidement amies. Un jour, Stephanie reçoit un appel d’Emily qui lui demande de récupérer son fils à l’école. Mais la soirée passe, puis un jour, puis un autre et aucun signe d’Emily. Une enquête de police est ouverte, mais Stephanie ne peut s’empêcher de mener l’enquête en parallèle : elle va alors commencer à découvrir les nombreux et sombres secrets de sa meilleure amie…

 

Stephanie (Anna Kendrick, left), Emily (Blake Lively, right), and Sean (Henry Golding) in A SIMPLE FAVOR. Photo credit : Peter Iovino.

 

Le film

[4/5]

Révélé en 2011 avec Mes meilleures amies, Paul Feig a par la suite rapidement enchainé les comédies potaches (Les flingueuses, Spy, S.O.S. fantômes), servant la soupe avec plus ou moins de succès à Melissa McCarthy et autres talents comiques féminins au tournant des années 2010. En ayant connaissance de ce parcours de cinéaste, il était bien difficile d’imaginer la tonalité que prendrait L’ombre d’Emily, thriller adapté de « Disparue », le premier roman de Darcey Bell. Et contre toute attente, le film de Paul Feig se révèle une réussite, évoluant en funambule entre les genres, et nous proposant au final à la fois une comédie efficace ET surtout un thriller très solide.

Bien sûr, le film n’est pas exempt de défauts, notamment dans son dernier acte qui, à force de rebondissements incessants et de plus en plus tirés par les cheveux, finira par verser dans le grotesque et fera un peu retomber le soufflé. Cependant, pendant sa première heure et demie (soit durant la quasi-totalité du film, soyons honnêtes), L’ombre d’Emily s’avère vraiment un polar de première bourre, développant une ambiance trouble et tendue et évoluant par petites touches, qu’il s’agisse de l’enquête obsessionnelle menée par le personnage d’Anna Kendrick, ou même dans les passages plus légers ou humoristiques, qui s’avèrent souvent assez efficaces sans jamais faire basculer l’intrigue dans la farce ou la parodie.

Le travail d’équilibriste mené par Paul Feig pour doser ses effets est vraiment remarquable, d’autant qu’il n’est pas franchement un adepte de l’humour noir, qui fait grincer des dents, et que l’on retrouve par exemple souvent dans le cinéma des frères Coen, également adeptes du grand écart entre rires et frissons. Ici, on retrouve par certains côtés l’humour potache qui animait ses comédies précédentes, mais ce dernier ne dévie jamais le récit de sa trajectoire, qui s’avère d’ailleurs d’une noirceur et d’une complexité surprenantes, multipliant les fausses pistes et les sous-intrigues.

L’ombre d’Emily affiche par ailleurs une certaine élégance formelle, de même qu’une bande-son étonnante pour un film américain, puisqu’essentiellement composée de tubes français des années 60 (Jean-Pierre Keller, France Gall, Jacques Dutronc, Françoise Hardy…), voire même plus modernes (Zaz, Orelsan). Mais le film de Paul Feig fonctionne également, tout comme ses films précédents d’ailleurs, en partie grâce à l’alchimie qu’affichent ses actrices à l’écran. D’un côté, on trouvera donc Blake Lively qui se régale à nous offrir une composition de Femme Fatale par excellence – dans le sens le plus « traditionnel » du terme, puisqu’elle sème littéralement la mort autour d’elle – et s’amuse visiblement beaucoup avec ce rôle de garce, inquiétante, castratrice et manipulatrice. Et surtout, face à elle, le film permet ENFIN à Anna Kendrick de dépasser l’archétype qu’elle campe dans tous ses films depuis quasiment dix ans, et de révéler à un public qui n’y croyait plus qu’elle est une excellente actrice, capable de déployer un jeu plein de nuances et de subtilités, explorant tout un registre d’émotions inédit, tout en étant capable d’en rajouter dans les scènes comiques, au cœur desquelles elle excelle littéralement.

Gros succès au box-office américain (94 millions de dollars de recettes), L’ombre d’Emily a en revanche eu d’avantage de difficultés à rencontrer son public en France, ne parvenant à réunir qu’environ 180.000 curieux dans les salles obscures. C’est dommage, d’autant que le film devrait à priori réconcilier les français les plus réfractaires à son œuvre avec le cinéma de Paul Feig – on espère que la sortie du film en vidéo permettra au public de l’hexagone d’apprécier à sa juste valeur ce polar transgenre plus que fréquentable.

 

Blake Lively as “Emily” in A SIMPLE FAVOR. Photo by Peter Iovino.

 

Le Blu-ray

[4,5/5]

Le Blu-ray de L’ombre d’Emily édité par Metropolitan Vidéo fait une nouvelle fois honneur à l’excellence du support Haute Définition. Le transfert du film est en effet bluffant de précision, avec un piqué et un niveau de détail assez époustouflants ; les couleurs sont éclatantes et naturelles, que cela soit durant les scènes diurnes ou durant les quelques scènes nocturnes. Qu’on évoque les plans d’ensemble ou de détail, tout est absolument parfait : contrastes et niveaux de noirs sont impressionnants de profondeur, et le transfert semble exempt de toute trace de bruit, fourmillements, banding ou tout autre écueil numérique. Un nouveau sans-faute à mettre au crédit de l’éditeur. Côté son, comme d’habitude avec Metro, la VO est proposée dans un mixage DTS-HD Master Audio 7.1 de haute volée, tandis que la VF devra se contenter d’un « simple » DTS-HD Master Audio 5.1. Qu’à cela ne tienne : les deux mixages rivalisent d’effets d’ambiance, durant les scènes de tension comme durant les scènes plus légères. Les dialogues sont par ailleurs toujours clairs, et le caisson de basses fait le taf afin de renforcer l’impact des scènes musicales. La version française est excellente, mais on privilégiera tout de même la version originale, plus convaincante pour de simples raisons artistiques – ainsi que pour l’occurrence régulière de l’expression « brother fucker » dans les dialogues.

Du côté des suppléments, Metropolitan Vidéo nous propose une sacrée plâtrée de bonus, représentant plusieurs heures de visionnage si vous voulez en venir à bout. Les non-anglophones passeront rapidement en revanche sur les trois commentaires audio, malheureusement dépourvus du moindre sous-titre français. Le premier donnera la parole à Paul Feig en solo, le deuxième le verra accompagné d’Anna Kendrick, Blake Lively ainsi que de Jean Smart et Bashir Salahuddin, qui incarnent respectivement la mère du personnage de Blake Lively et l’inspecteur de police pugnace ; enfin, le troisième commentaire sera assuré par Paul Feig, Jessica Sharzer (scénariste), Jessie Henderson (productrice), John Schwartzman (directeur photo), Renee Ehrlich Kalfus (costumière).

On continuera ensuite avec un making of assez complet de L’ombre d’Emily, d’une durée d’environ une heure, et qui se présentera sous la forme de plusieurs featurettes contenant de nombreux entretiens avec l’équipe du film. Les sujets thématiques reviendront pêle-mêle sur le scénario, la personnalité des acteurs (« Martinis sur pierre tombale »), le production design et la photo (« L’esthétique du film »), le « ménage à trois » prenant place au cœur de l’intrigue (« Le triangle amoureux ») ou encore le sens de la mode un peu « rétro » du réalisateur (« Le style selon Paul »). De courtes featurettes reviendront également sur le personnage de Dennis Nylon (incarné par Rupert Friend) et sur les enfants du film, Ian Ho et Joshua Satine. Enfin, le module « Récit d’un réalisateur raffiné » donnera l’occasion au cinéaste de livrer un amusant journal de tournage : il guidera ainsi le spectateur sur le plateau du film, tout en lui offrant une sélection de moments capturés dans les coulisses, souvent assez drôles.

Mais ce n’est pas tout : on aurait même tendance à dire que le meilleur reste à venir, puisqu’on aura ensuite l’occasion de se plonger dans une série de scènes coupées, toutes anecdotiques à l’exception d’une impressionnante scène de flash mob, qui devait originellement servir de générique de fin, mais qui fut finalement écartée du montage final suite aux projections-tests. Visuellement superbe, cette longue danse intégrant de nombreux personnages du film aura même droit à son propre making of séparé, ainsi qu’à une introduction par Paul Feig. Cela dit, si intéressante soit-elle, on comprend les raisons qui ont poussé le réalisateur à finalement la retirer du film : cette scène ouvertement absurde aurait fait basculer le ton du film du côté de la parodie, ce qui n’était probablement pas le but recherché. Enfin, on terminera avec un court bêtisier, ainsi qu’avec les traditionnelles bandes-annonces éditeur. Une sacrée richesse éditoriale pour un film à découvrir !

 

Anna Kendrick as “Stephanie” in A SIMPLE FAVOR. Photo by Peter Iovino.

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