Test Blu-ray : L’œil du labyrinthe

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L’œil du labyrinthe

Italie, Allemagne : 1972
Titre original : L’Occhio nel labirinto
Réalisation : Mario Caiano
Scénario : Mario Caiano, Antonio Saguera, Horst Hächler
Acteurs : Rosemary Dexter, Adolfo Celi, Horst Frank
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h35
Genre : Thriller, Giallo
Date de sortie cinéma : 28 juin 1974
Date de sortie BR/DVD : 5 avril 2022

La jeune et jolie Julie suit une thérapie auprès de Luca, son psychiatre qui est aussi son amant. Une nuit, elle rêve qu’il se fait assassiner dans d’étranges conditions. Voulant lui faire le récit de son rêve, elle se rend chez Luca, qui demeure introuvable. A l’aide de l’agenda de son amant, elle se met à sa recherche, et va atterrir, après deux agressions, dans une villa luxueuse, parmi des gens troubles et excentriques…

Le film

[4/5]

Les voies de l’édition vidéo sont impénétrables. S’il nous faut parfois attendre des mois avant de pouvoir se repaître de petits délices « Bis » transalpins en Blu-ray ou DVD, en ce début avril, il semble que les éditeurs français se soient donnés le mot, et aient décidé de combler de joie les amateurs de thriller italien. Ainsi, grâce aux efforts conjoints de Sidonis Calysta, Le Chat qui fume et Artus Films, on est aujourd’hui en mesure d’ouvrir notre « Semaine du Giallo » : tous les matins jusqu’à vendredi, vous trouverez le test Blu-ray d’un nouveau représentant du Giallo, genre très prolifique en Italie tout au long des années 70.

Dans le cas où vous seriez totalement étranger au genre, la page de vulgarisation Wikipédia consacrée au Giallo nous explique qu’il s’agit d’un « genre de film d’exploitation italien à la frontière du cinéma policier, du cinéma d’horreur et de l’érotisme (…) Les films de ce type sont caractérisés par de grandes scènes de meurtres excessivement sanglantes, un jeu de caméra très stylisé et une musique inhabituelle (…). Ces films mettent en avant la violence sadique et brutale, l’érotisme. La forme primitive de ce cinéma est l’image d’une femme, seule chez elle et qui a peur ».

On ajoutera à cela que mis à part une volonté régulière de mettre en scène une bourgeoisie décadente commettant des actes criminels en toute impunité, le Giallo se tient globalement à distance des prises de position politiques nettes et engagées des films italiens de la même époque, et qu’il développe souvent des atmosphères baroques et morbides, qui traduisent peut-être le poids de cette bonne vieille culpabilité catholique.

Semaine du Giallo, Jour #4 – L’œil du labyrinthe

Si beaucoup des amoureux du genre Giallo vouent un amour sans borne à Mario Bava et Dario Argento, toi-même tu sais qu’énormément de réalisateurs intéressants ont apporté leur contribution au genre tout au long des années 70. Une brique après l’autre, ces films ont permis au Giallo de s’enrichir assez considérablement, jusqu’à devenir l’un des genres les plus populaires auprès des amateurs de cinéma fantastique. Place donc aujourd’hui à un Giallo signé Mario Caiano, intitulé L’œil du labyrinthe, le deuxième à voir été exhumé ce mois-ci par Artus Films.

Nos lecteurs les plus fidèles connaissent forcément Mario Caiano : fier artisan du cinéma Bis, il s’est illustré dans tous les genres du cinéma populaire italien à partir des années 60. Péplum, western spaghetti, poliziottesco, espionnage, épouvante, nazisploitation… S’il n’était pas un formaliste de génie, Caiano était un habile mercenaire du cinéma de genre, et sa générosité – doublée d’une certaine frontalité – lui a permis de signer, au fil des années, une œuvre solide qui se voit parfaitement représentée par L’œil du labyrinthe, sa seule incursion dans le domaine du Giallo.

Enfin, disons que le plus commode pour nous est sans doute de classer le film dans la catégorie du Giallo, à laquelle il se rattache en effet en partie. Cependant, tous les ingrédients ayant fait la marque et la réputation du genre ne sont pas présents dans L’œil du labyrinthe, qui emprunte en réalité beaucoup de ses mécanismes au cinéma de machination pseudo-Freudien inspiré des films d’Alfred Hitchcock. En effet, point de tueur ganté de noir dans le film de Mario Caiano, mais un récit plus complexe et psychologique qu’il n’y parait, au cœur duquel la folie et les fantômes d’un passé trouble ne semblent jamais très loin. Une intrigue « à la Daphné Du Maurier » ou « à la Boileau-Narcejac », riche en thématiques tirant sur la psychanalyse ou relevant de pathologies psychiatriques, avec secrets de famille, complots crapuleux, apparitions spectrales et twists à tous les étages…

Le scénario du film, qui se déroule sur un rythme étrange, multiplie les rebondissements surréalistes, ce qui tend à faire régulièrement basculer L’œil du labyrinthe dans l’onirisme et la bizarrerie la plus totale. La photo du film renforce le côté presque irréel du film, de même que la musique, vraiment excellente, signée Roberto Nicolosi. Au début de l’histoire, l’héroïne, Julie (Rosemary Dexter) se réveille d’un cauchemar dans lequel son petit ami Luca (Horst Frank) est poignardé par un agresseur mystérieux dans une espèce de structure souterraine en ruines, dont le potentiel géométrique est pleinement exploité par le directeur de la photo Giovanno Ciarlo. En visitant l’institution où Luca travaillait comme psychologue, Julie suivra une série d’indices qui la conduiront à un gangster lubrique et vieillissant, Frank (Adolfo Celi, fraichement débarqué de son rôle d’Emilio Largo dans Opération Tonnerre), qui l’oriente vers une villa en bord de mer où Gerda (Alida Valli) dirige une troupe d’inadaptés de la société qui vivent en communauté tout en se détestant cordialement les uns des autres. Les invités, qui nient d’abord toute connaissance de Luca, commenceront peu à peu à révéler qu’ils le connaissent… Du côté du casting, on notera également la présence de Sybil Danning (Hurlements 2).

Au fur et à mesure que son intrigue évolue, L’œil du labyrinthe commencera à tisser une intrigue complexe de machination au cœur de laquelle Julie semble être qu’un pion, qui plus est manipulé de longue date par une poignée de personnages machiavéliques. La révélation finale du film, dont, rassurez-vous, on ne vous révélera rien ici, est assez surprenante, et même pour tout dire assez déroutante. Pour autant, le moins que l’on puisse dire, c’est que L’œil du labyrinthe fonctionne, même dans certains de ses emprunts formels, notamment à L’Oiseau au plumage de cristal de Dario Argento.

Le coffret Blu-ray + DVD

[4,5/5]

Initiée à la rentrée 2021 avec L’Appel de la chair et La Dame rouge tua sept fois, la collection « Giallo » d’Artus Films est ce mois-ci alimentée par deux nouveaux représentants du genre, La Mort caresse à minuit et L’œil du labyrinthe. S’imposant comme de véritables références en terme de qualité de transfert et de suppléments, les titres de la collection se suivent et ne se ressemblent pas, prouvant à ceux qui en douteraient encore la richesse infinie de ces films que l’on appelle les Gialli. Comme d’habitude avec Artus, L’œil du labyrinthe s’affiche de plus dans une superbe édition Combo Blu-ray + DVD prenant la forme d’un Digipack deux volets surmonté d’un fourreau cartonné : un bel objet s’intégrant bien entendu dans la charte graphique de la collection.

Côté image, l’éditeur français nous propose sur le Blu-ray de L’œil du labyrinthe une copie remasterisée de toute beauté, respectueuse du grain d’origine, mais sachant également imposer un beau piqué et des contrastes solides. La restauration a fait place nette des poussières et autres points blancs, et le résultat s’avère même au-delà de nos espérances. Côté son, VF et VO nous sont proposées en LPCM Audio 2.0 (mono d’origine), et toutes deux s’avèrent parfaitement claires, nettes et sans bavures. Du très beau travail technique, pour un film qui s’avère une sacrée curiosité, à découvrir.

Dans la section suppléments, en plus des traditionnelles bandes-annonces de la Collection Giallo, l’éditeur nous propose une présentation du film par Emmanuel Le Gagne (24 minutes). Il commencera naturellement par évoquer la riche carrière de Mario Caiano dans le Bis, énumérant les films avec concupiscence, pour ensuite aborder le casting de L’œil du labyrinthe : Rosemary Dexter, Adolfo Celi, Horst Frank… Il soulignera ensuite la singularité du film dans la carrière du cinéaste, notamment en ce qui concerne la mise en scène et la musique, qui renforcent l’aspect onirique du film et qui prouve que Mario Caiano pouvait aussi s’avérer un excellent formaliste. De façon très intéressante, il dresse également un parallèle entre L’œil du labyrinthe et le film Un couteau dans le cœur (Yann Gonzalez, 2018). Pour vous procurer cette édition Blu-ray + DVD, rendez-vous sur le site de l’éditeur !

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