Little Odessa
États-Unis : 1994
Titre original : –
Réalisation : James Gray
Scénario : James Gray
Acteurs : Tim Roth, Edward Furlong, Moira Kelly
Éditeur : Metropolitan Vidéo
Durée : 1h38
Genre : Drame, Thriller
Date de sortie cinéma : 4 janvier 1995
Date de sortie DVD/BR : 3 janvier 2023
Tueur à gages, Joshua Shapira accepte une mission qui le ramène à Little Odessa, le quartier de son enfance. Des retrouvailles douloureuses : son père refuse de parler à ce fils assassin, et sa mère est en train de mourir d’une tumeur. Reuben, son jeune frère qui rêve de quitter le quartier, le revoit en cachette. Bientôt, la rumeur de son départ se répand…
Le film
[5/5]
Presque trente ans après sa sortie, Little Odessa semble être presque totalement retombé dans l’oubli. On vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, mais au milieu des années 90, quand le premier film de James Gray – alors âgé de seulement 24 ans – a débarqué dans les salles de cinéma, il constituait le sommet de la « Hype » cinématographique, et s’est rapidement imposé comme le film qui semblait mettre d’accord toute la critique française. Pourtant, avec seulement un million de dollars de recettes aux États-Unis et 187.000 entrées enregistrées en France, l’étonnant premier long-métrage du scénariste / réalisateur s’est révélé un flop commercial absolu, et même aujourd’hui, 29 ans après son exploitation au cinéma, la France est le premier pays au monde à proposer Little Odessa au format Blu-ray. D’ailleurs, d’une manière générale, le cinéma indépendant US des années 90 est encore très mal représenté au format Haute-Définition. On pense à des cinéastes tels qu’Atom Egoyan, Hal Hartley, John Dahl, Tom DiCillo, Gregg Araki, Gus Van Sant…
Malgré ce que l’on pourrait penser, Little Odessa n’est pas à proprement parler un film de gangsters à la Martin Scorsese. Même s’il met en scène un tueur à gage et une poignée de mafieux sans jamais quitter les limites d’un quartier spécifique de Brooklyn, l’ambition de James Gray n’est pas d’explorer les arcanes de la mafia russe, mais plutôt de souligner sa présence et son pouvoir au cœur de la communauté russe vivant à Little Odessa. C’est une façon pour le cinéaste de souligner que cette organisation criminelle fait partie du paysage, ce qui implique forcément un prix à payer en termes de vies humaines, et que la facture est tantôt réglée par les coupables, et tantôt par les innocents. La Mafia russe peut donc finalement être considérée comme un élément de background dramatique, qui permettra à James Gray de dresser avec Little Odessa le portrait à fleur de peau d’une familiale dysfonctionnelle.
Et même avec trente balais de décalage, Little Odessa demeure un film complexe, riche en thèmes puissants, en personnages fascinants et, surtout, en scènes littéralement écrasantes en termes d’émotion. Même quand ils sont dans le même cadre, les différents membres de la famille Shapira semblent seuls, comme s’ils s’étaient chacun forgé leur enfer personnel. Au cours du film, les occasions de rédemption et d’amour se succèdent pour les différents personnages, mais toutes sont violemment rejetées. A force d’exécuter les contrats en tant que tueur à gages, Josh (Tim Roth) semble par exemple en avoir perdu toute capacité à ressentir des émotions. Il est ainsi incapable de répondre à l’amour que lui offrent son frère Reuben (Edward Furlong) et sa petite amie Alla (Moira Kelly). Il ne parvient pas non plus à se laisser aller à pleurer quand il se retrouve face à sa mère mourante (Vanessa Redgrave) à l’occasion d’une scène absolument bouleversante. Seul son père (Maximilian Schell) saura créer chez lui un semblant d’émotion humaine, mais la colère que ressent Josh provoquera chez lui une réaction presque pavlovienne, symptomatique de la façon dont il résout les problèmes depuis qu’il a fui le quartier de Little Odessa.
Pesant au-dessus de Little Odessa comme une chape de plomb, il y a en effet l’image du « père », centrale pour les personnages de Josh et Reuben. Mais le personnage incarné par Maximilian Schell est d’une rare complexité : il s’agit d’un homme tourmenté, apitoyé sur lui-même, qui semble avoir perdu toute autorité sur son foyer ainsi que sur sa vie. Représentant des traditions et des valeurs que ses enfants ne partagent plus, il déteste Josh autant qu’il se déteste lui-même. Comme les autres personnages du film, il semble développer au fil des séquences une tristesse et une culpabilité perpétuelle.
Le Blu-ray
[4,5/5]
Comme on l’a déjà évoqué un peu plus haut, c’est un beau cadeau que Metropolitan Vidéo fait au consommateur français avec cette édition Haute-Définition de Little Odessa, qui s’avère être la toute première édition Blu-ray du film dans le monde entier. Cocorico ! Et côté Blu-ray, le film bénéficie d’ailleurs d’un joli upgrade Haute-Définition. Le film a visiblement été restauré, et le Blu-ray nous propose aujourd’hui un piqué certes un poil doux, mais beaucoup plus précis que son équivalent DVD, tout en conservant la granulation d’origine, et une stabilité exemplaire. La belle photo de Tom Richmond s’en trouve en magnifiée, la profondeur de champ est remarquable, et les contrastes ont été particulièrement soignés : les noirs sont profonds sans être bouchés, les blancs ne sont pas « cramés » ; bref, l’éditeur a fait tout son possible pour nous permettre de (re)découvrir Little Odessa dans les meilleures conditions possibles. Du côté des enceintes, la VF d’époque ainsi que la VO anglaise nous sont proposées en DTS-HD Master Audio 5.1. Les dialogues sont clairs, les ambiances et la musique parfaitement bien préservées, et le tout ne souffre pas de souffle disgracieux. On notera cependant une nette domination de la version originale sur sa petite sœur française, pour de simples raisons artistiques – même si la VF d’époque nous permet d’entendre quelques voix bien connues des amateurs (Philippe Vincent, Damien Boisseau…).
Du côté des suppléments, on trouvera un entretien exclusif avec James Gray (27 minutes). Le scénariste / réalisateur se remémorera sa confiance sur le tournage du film, puis la prise de conscience que son œuvre présentait des défauts « catastrophiques ». Il reviendra sur l’écriture du scénario, inspirée de sa jeunesse à Little Odessa, sur sa rencontre avec les acteurs et ce que ces derniers ont apporté au film. Il évoquera également ses ambitions en termes d’image, et avouera que le tournage hivernal de Little Odessa a eu un impact certain sur l’aspect visuel de son film. On notera par ailleurs que cette édition Blu-ray estampillée Metropolitan Vidéo de Little Odessa nous est proposée dans un très joli Digipack trois volets au design épuré, voire même minimaliste. La partie intérieure contient une très pertinente critique du film, signée par l’excellent Nicolas Rioult.