L’île mystérieuse
Royaume-Uni : 1961
Titre original : Mysterious island
Réalisation : Cy Endfield
Scénario : John Prebble, Daniel B. Ullman, Crane Wilbur
Acteurs : Michael Craig, Joan Greenwood, Michael Callan
Éditeur : Sidonis Calysta
Durée : 1h37
Genre : Fantastique
Date de sortie cinéma : 10 janvier 1962
Date de sortie DVD/BR : 18 février 2019
Pendant la guerre de Sécession, lors du siège de Richmond, le capitaine Cyrus Harding, prisonnier des Confédérés, réussit une spectaculaire évasion en ballon en compagnie de deux soldats, Herbert Brown et Neb, et du journaliste Gideon Spilett. Mais le ballon est piloté par un soldat rebelle…
Le film
[4,5/5]
Roi des effets spéciaux et de la stop-motion des années 50 jusqu’aux années 70, Ray Harryhausen a totalement « vampirisé » les films sur lesquels il a travaillé, au point que plus de cinquante ans après la sortie au cinéma des grandes aventures de Sinbad, de Gulliver ou des adaptations de Jules Verne, on ne retient aujourd’hui quasiment plus que son seul nom, qui relègue aux oubliettes les cinéastes avec qui il a travaillé au fil des années. C’est tout particulièrement vrai dans le cas de Cy Enfield, réalisateur de L’île mystérieuse (1961), dont le nom n’aura pas profondément imprimé la mémoire des cinéphiles, si ce n’est bien sûr pour cette collaboration avec Ray Harryhausen, une adaptation de Jules Verne qui s’avérera propice à toutes les exubérances visuelles.
Le film enchaine donc les véritables prouesses formelles, qui remontent à un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre – une époque bénie, bien avant le tout en CGI, bien avant même la révolution de La guerre des étoiles, où les techniques d’effets spéciaux reposaient sur une vision et des méthodes « humaines », et n’étaient pas du ressort exclusif d’une poignée de techniciens concentrés devant un écran d’ordinateur. Et on admettra volontiers à quel point la redécouverte de L’île mystérieuse ramènera immédiatement le spectateur en enfance, l’emportant avec lui dès le trajet des personnages en ballon, puis lui proposant de vibrer au rythme de leurs incroyables batailles contre des animaux gigantesques : un crabe, une pieuvre, une abeille, une espèce de poulet préhistorique… Le tout s’imposant de plus grâce à de superbes matte-paintings, décors grandioses, à la fois naïfs et majestueux.
L’île mystérieuse sera donc une formidable madeleine de Proust, dont la pureté narrative, la caractérisation délicieusement surannée des personnages et la splendeur visuelle feront occasionnellement monter les larmes aux yeux des spectateurs les plus sensibles. Le film bien sûr ne sera pas à réserver aux cyniques et autres jeunes spectateurs ne jurant que par la modernité, qui trouveront forcément à redire, qualifieront les effets spéciaux de datés, voire de « nuls », et hausseront les sourcils devant certains aspects du film, qui avec le recul et étant donné les dérives de la société actuelle, pourra paraitre soit raciste – à cause du personnage de Neb, qui plus est doublé dans la VF avec un fort accent africain – soit volontiers misogyne – avec ses deux personnages féminins, Lady Mary (Joan Greenwood) et Elena Fairchild (Beth Rogan), qui n’apportent certes rien de plus au film qu’un atout « charme », surtout dans le cas de Beth Rogan, qui se trimbale la plupart du temps dans une robe très, très courte qui lui vaudra même un avertissement dans la section « guide parental » du très sérieux site IMDb : « L’un des personnages féminins portant une robe très courte, sa culotte est affichée à plusieurs reprises au cours de la seconde moitié du film ».
Mais vous l’aurez compris : ce ne sont pas les personnages « humains » qui font la valeur de L’île mystérieuse, mais bel et bien les magnifiques créations de Ray Harryhausen, qui nous offrent les plus belles scènes du film. Bien sûr, malgré le merveilleux spectacle que nous procurent ces scènes, le film n’est pas non plus tout à fait exempt de défauts : avec l’apparition de Némo (Herbert Lom), le rythme du métrage s’essouffle un peu, les dialogues commencent vaguement à s’éterniser et à alourdir l’ensemble, mais heureusement, cela ne dure pas réellement, le volcan mettant un terme à l’aventure. Ainsi, le dernier quart d’heure, malgré de belles séquences de destruction, sera un peu le « maillon faible » de L’île mystérieuse, peut-être parce que la magie et le mystère se voient rompus par des considérations humanistes compassées énoncées par une voix off caverneuse. Mais ces reproches seront finalement assez mineurs au cœur de ce qui reste encore aujourd’hui comme l’un des films les plus bluffants et amusants sur lesquels a pu bosser Ray Harryhausen, développant ici toute la « magie » et l’inventivité dont il était capable pour emmener le spectateur dans un autre monde. Naïf et ô combien charmant, L’île mystérieuse s’impose donc comme un superbe livre d’images, coloré et fantaisiste, à la photo et aux décors littéralement sublimes : une merveille que l’on ne se lassera jamais de voir et de revoir.
Le Blu-ray
[5/5]
On vous l’avait promis, vous l’attendiez avec une impatience fébrile, mais rassurez-vous : le voici, le test Blu-ray de L’île mystérieuse édité par Sidonis Calysta ! On vous comprend cela dit, sans le sens où le film de Cy Enfield mérite clairement d’être revu dans les meilleures conditions possible, et qu’un visionnage en Haute Définition s’impose de ce fait de lui-même. Et côté image, le boulot de remasterisation effectué par Sidonis Calysta est en tout point remarquable : plutôt que d’opter pour un ravalement de façade agressif, l’éditeur a opté au contraire pour une préservation maniaque du grain argentique. Ce qui n’empêche en aucun cas d’afficher une définition précise, un beau piqué et des couleurs éclatantes. L’image est donc au final d’une précision étonnante, les noirs sont profonds et les scènes nocturnes affichent une belle pêche. Côté son, la VO est proposée dans un remixage DTS-HD Master Audio 5.1, mais le boulot a été fait avec une belle intelligence : la spatialisation se fera remarquer sur les séquences d’affrontements avec les monstres, tandis que le reste de la bande-son restera essentiellement frontal. Les puristes autant que les cinéphiles non-anglophones se rabattront en revanche sur les excellentes pistes audio encodées en DTS-HD Master Audio 2.0, d’une belle tenue, nous proposant un rendu clair et équilibré ; l’éditeur nous propose évidemment le doublage français d’origine, tout à fait désuet et charmant dans son genre.
Dans la section suppléments, on trouvera, comme sur l’équivalent DVD de cette sortie très attendue des cinéphiles français, une featurette d’un peu moins de dix minutes et nous proposant un entretien avec Ray Harryhausen, ainsi que quelques photos de tournage et storyboards. Le mythique concepteur d’effets spéciaux y reviendra sur la création des monstres géants du film. La traditionnelle galerie photos et la bande-annonce d’époque sont également présentes, mais cette version Blu-ray nous propose en outre un supplément de taille absent du DVD : un documentaire de 55 minutes consacré à Ray Harryhausen, intitulé « Les chroniques de Harryhausen », et réalisé en 1997 par le célèbre historien du cinéma Richard Schickel. Et d’une façon assez étonnante, ce riche documentaire complète parfaitement celui, plus récent, disponible sur le Blu-ray de Jason et les argonautes (lire notre article). La narration est assurée par l’indéboulonnable Leonard « Spock » Nimoy, et le doc nous propose des entretiens passionnants avec Harryhausen lui-même, mais également avec Ray Bradbury, Dennis Muren, Charles H. Schneer, George Lucas ou encore avec Henry Selick, qui sortait à l’époque tout juste du tournage de James et la pêche géante, film qui était à sa manière un hommage tout entier dédié à ce grand « magicien » des effets spéciaux. Le tout est naturellement entrecoupé d’extraits de ses films les plus célèbres, mais également de courts-métrages rares, avec des images parfois inédites. Un très beau documentaire !