Test Blu-ray : Les Voitures qui ont mangé Paris

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Le cinéma d’exploitation australien – ou « Ozploitation » – est un sous-genre qui peine vraiment à percer et à être reconnu. Cependant, bien avant le fameux documentaire Not quite Hollywood : The wild, untold story of Ozploitation ! (2008), le cinéma populaire australien avait déjà bénéficié d’un coup de projecteur tout particulier en France, en tous cas en ce qui concerne le cinéma dit « de genre » (fantastique, horreur, science-fiction).

En effet, à partir de 2002, le magazine Mad Movies s’était vu accompagné d’un DVD dans les kiosques, et des films australiens un peu oubliés avaient de ce fait pu être redécouverts par un large public. On pense par exemple à Patrick (Richard Franklin, 1978), Soif de sang (Rod Hardy, 1979), Harlequin (Simon Wincer, 1980), Le survivant d’un monde parallèle (David Hemmings, 1981), Les traqués de l’an 2000 (Brian Trenchard-Smith, 1982) ou encore Razorback (Russell Mulcahy, 1984). Plusieurs de ces films ont depuis vu le jour au format Blu-ray.

En 2004, l’éditeur vidéo Opening avait également frappé un grand coup avec son coffret Peter Weir, qui en quatre DVD avait permis aux cinéphiles français de (re)découvrir les quatre premiers longs-métrages australiens de Peter Weir : Les Voitures qui ont mangé Paris (1974), Pique-nique à Hanging Rock (1975), La Dernière vague (1977) et Le Plombier (1979). Un peu moins de vingt ans plus tard, ESC Éditions et Bac Films prennent l’initiative de remettre ces films sur le devant de la scène, et commencent avec le tout premier long de Peter Weir, Les Voitures qui ont mangé Paris, qui débarque accompagné du Plombier.

Les Voitures qui ont mangé Paris

Australie : 1974
Titre original : The Cars that ate Paris
Réalisation : Peter Weir
Scénario : Peter Weir, Keith Gow, Piers Davies
Acteurs : John Meillon, Terry Camilleri, Kevin Miles
Éditeur : ESC Éditions / Bac Films
Durée : 1h28
Genre : Fantastique
Date de sortie cinéma : 3 novembre 2021
Date de sortie DVD/BR : 20 avril 2022

Arthur qui, à la suite d’un accident de voiture sur une route de campagne, se retrouve bloqué dans la petite ville isolée de Paris, en Australie, s’aperçoit peu à peu que les habitants de cette ville provoquent et vivent des accidents de la route. Un soir, une escouade de véhicules monstrueux, conduites par des délinquants, attaque la ville…

Pour ceux qui l’ignoreraient et que le titre du film aurait plongé dans des abysses de fantasmes cinématographiques au cœur desquels des voitures géantes seraient en train de bouffer la tour Eiffel, précisons deux points importants avant de se lancer dans le visionnage des Voitures qui ont mangé Paris. Primo, l’action du film ne se déroule pas en France. Deuxio, personne ne s’y fait réellement dévorer par une voiture. Pas trop déçu ?

Si la figure de la « voiture » ou plus largement de l’engin motorisé semble au cœur du cinéma australien des années 70/80, la véritable menace au cœur du premier film de Peter Weir Les Voitures qui ont mangé Paris vient plutôt en réalité de l’étrange ville de Paris, en Australie, et ses habitants corrompus. Au début du film, Arthur est victime d’un accident de voiture qui coûte la vie à son frère George, qui s’était apparemment endormi au volant. Arthur se retrouve doublement rongé par la culpabilité suite à ce drame : s’il avait pris le volant, son frère ne serait pas mort. Mais depuis qu’Arthur a renversé et tué un piéton un an plus tôt, il n’a pas pu se résoudre à reprendre le volant.

Ce qu’Arthur ne sait pas, bien entendu, c’est que son frère ne s’est pas endormi au volant. Les deux frères ont en effet été victimes d’un des nombreux pièges tendus par les habitants de Paris aux automobilistes qui traversent leur ville. Les épaves sont récupérées / recyclées, et les victimes survivantes sont livrées au médecin local pour que ce dernier se livre sur eux à des « expériences » de type savant fou. Voyant en Arthur le fils qu’il n’a jamais eu, le maire de Paris le convainc de rester auprès de sa femme et de ses deux filles, également rescapées d’accidents de voiture…

Si Les Voitures qui ont mangé Paris développe une histoire étrange, singulière et assez passionnante dans sa façon de se placer à la croisée des chemins entre The Wicker Man et Mad Max, disons qu’au moment où le spectateur commencera à réaliser ce qui se trâme dans la ville de Paris, l’ensemble des personnages se retrouvera déjà au bord du chaos. Ne versant jamais réellement dans l’horreur frontale, le film de Peter Weir s’impose davantage comme une comédie très noire, et on avouera d’ailleurs qu’il est assez drôle par endroits.

En filigrane, l’intrigue des Voitures qui ont mangé Paris évoque également certains soucis liés à l’Australie des années 70, des difficultés rencontrées par les couches sociales les plus modestes (chômage, rationnement) au conflit des générations opposant les jeunes punks en voitures destroy aux bourgeois dont l’apparence respectable cache les activités criminelles les plus folles. Les personnages sont délicieusement excentriques et, bien sûr, les voitures sont vraiment cool, méchamment designées à la manière de celles que l’on s’attendrait à voir conduire par les gangs de loubards du film de Walter Hill Les Guerriers de la nuit (1979). Des voitures comme on aimerait en voir dans la saga Fast & Furious.

Le Plombier

Australie : 1979
Titre original : The Plumber
Réalisation : Peter Weir
Scénario : Peter Weir, Harold Lander
Acteurs : Judy Morris, Ivar Kants, Robert Coleby
Éditeur : ESC Éditions / Bac Films
Durée : 1h17
Genre : Thriller
Date de sortie DVD/BR : 20 avril 2022

Dans le petit appartement qu’elle partage avec son mari, Jill Cowper prépare un mémoire d’anthropologie. Mais la vie de la jeune femme va être bouleversée par l’arrivée d’un plombier étrange. Prétendant effectuer des travaux prévenant une vaste inondation, il met la salle de bains sens dessus dessous. Présent du matin au soir, il est si bruyant qu’il empêche la jeune femme de travailler. De plus, son attitude semble parfois étrange, voire inquiétante. Le mari de Jill, trop absorbé par son travail ne s’en préoccupe pas…

En bonus au sein du coffret Blu-ray des Voitures qui ont mangé Paris, on trouvera également Le Plombier (1979), réalisé cinq ans plus tard par Peter Weir à destination de la télévision. Tourné à l’économie, ne mettant en scène qu’un nombre très restreint de personnages, le film raconte comment une personne pourra se voir peu à peu complètement détruite psychologiquement juste par le fait d’avoir laissé un étranger entrer chez elle. Le Plombier commence en nous donnant à découvrir un petit couple en apparence parfait, composé d’un professeur, Brian (Robert Coleby), qui part travailler en laissant sa femme Jill (Judy Morris), étudiante en anthropologie, seule dans leur petit appartement. Après avoir suivi Brian s’en aller, la caméra de Peter Weir s’arrête sur un personnage muni d’une sacoche de plombier, dont nous découvrirons les jambes, puis les mains, qui choisiront, apparemment au hasard, le neuvième étage. Ce qui est effrayant dans cette scène, c’est la façon dont l’intrus semble apparaître dans la vie de l’héroïne sans effort ni raison apparente, et tout cela sans même que le spectateur n’ait encore pu voir un seul plan de son visage.

Et quand l’inconnu débarque à la porte de Jill, cette dernière est confrontée à un dilemme auquel chacun d’entre nous a un jour été confronté : laisser entrer la personne, ou la laisser sur le pas de la port ? En choisissant de le laisser entrer, Jill scellera son destin, et commencera un jeu du chat et de la souris qui durera pendant tout le film. Judy Morris apporte au personnage son côté vulnérable, que l’on ressentira tout particulièrement dans les séquences durant lesquelles les gens autour d’elle minimisent – voire rejettent – ses craintes, alors même que le personnage du Plombier Max (interprété par Ivar Kants) multiplie les comportements bizarres et inquiétants, même si on peut se laisser séduire par son charme rustre.

Il y a surtout des scènes où Max semble complètement taré et dangereux, allant toujours un peu plus loin dans la violation de l’intimité de Jill. L’escalade lente et tendue développée par Peter Weir est assez réussie : on ne sait jamais vraiment pourquoi Max a jeté son dévolu sur Jill, mais alors qu’il s’échine à détruire sa salle de bain et sa santé mentale, pour le coup, on comprend pourquoi elle fait ce qu’elle fait quand arrive le climax du film. Bref, Le Plombier est un film assez sympathique, probablement un peu moins intéressant et ambitieux que Les Voitures qui ont mangé Paris, mais indispensable à tous les fans de Peter Weir.

Le Blu-ray

[4,5/5]

C’est donc ESC Éditions et Bac Films qui nous invitent aujourd’hui à redécouvrir Les Voitures qui ont mangé Paris et Le Plombier sur support Blu-ray. Le bond qualitatif par rapport aux DVD sortis il y a une vingtaine d’années est naturellement assez fou : par rapport aux copies proposées par Opening en des temps reculés, le travail de restauration est effectivement pour le moins notable et spectaculaire : les masters ont été nettoyés, et la colorimétrie a été entièrement revue à la hausse. Le piqué est solide et l’ensemble y gagne en profondeur, même si d’autres plans n’arrivent pas à se départir du léger flou de la photographie de l’époque et de quelques baisses de régimes en extérieur ou basse lumière. Du très beau travail cependant ! Côté son, comme pour l’image, les pistes sonores (VF/VO) ont été retravaillées et nous sont proposées dans des mixages DTS HD Master Audio 2.0 solides, à la dynamique assez discrète, laissant tout de même apparaître quelques petits effets latéraux. L’ensemble se concentre essentiellement sur la restitution des dialogues et des thèmes musicaux.

Du côté des suppléments, pour des films relativement disparus des radars après leur petite heure de gloire au moment de leur redécouverte sur support DVD, on ne s’attendait franchement pas à ce que cette édition estampillée ESC Éditions / Bac Films nous propose une section bonus aussi garnie. Et pourtant, le travail éditorial qui nous est proposé ici est assez remarquable. En ce qui concerne Les Voitures qui ont mangé Paris, on commencera avec une courte présentation du film par Bernard Bories (4 minutes), qui remettra le film dans son contexte et reviendra sur les principales originalités du film, sans trop en dévoiler sur l’intrigue à proprement parler. On continuera ensuite avec un retour sur le film un peu plus approfondi par le biais d’une présentation par Yves Alion (8 minutes), qui reviendra sur le postulat de départ du film, burlesque, qui tourne finalement à l’horreur. Il comparera la nouvelle vague de cinéastes australiens des années 70 au Nouvel Hollywood, et reviendra également sur la rencontre entre Peter Weir et Alfred Hitchcock. Enfin, on terminera avec la traditionnelle bande-annonce, qui s’accompagnera du segment « Michael » réalisé par Peter Weir sur le film à sketches Three to Go (1971). D’une durée de 30 minutes, ce petit film nous dressera un portrait intéressant et désabusé de la jeunesse australienne de la fin des années 60. Sur le Blu-ray du film Le Plombier, on trouvera également une présentation du film par Bernard Bories (2 minutes), qui reviendra essentiellement sur la façon dont le cinéma de Peter Weir a contribué à changer sa vie. On terminera ensuite avec une présentation par Yves Alion (18 minutes), qui reviendra sur l’aspect sociologique / psychologique du film, ainsi que sur ses thématiques, telles que l’isolement par exemple.

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