Les Truffes
France : 1995
Titre original : –
Réalisation : Bernard Nauer
Scénario : Bernard Nauer, Philippe de Chauveron
Acteurs : Jean Reno, Christian Charmetant, Isabelle Candelier
Éditeur : Gaumont
Durée : 1h26
Genre : Comédie
Date de sortie cinéma : 19 avril 1995
Date de sortie DVD/BR : 1 décembre 2023
Patrick, boxeur raté et fatigué, décide de rejoindre un cousin, marchand de pizzas à Narbonne-plage. Son chemin va croiser celui de Nathaniel, petit escroc minable qui a d’autres raisons de fuir la ville. Commence alors pour ce tandem une série de mésaventures, parsemées sur la route du soleil…
Le film
[3,5/5]
Curieuse carrière que celle de Bernard Nauer : repéré en 1985 grâce à un court-métrage intitulé Dialogue de sourds, il ne tarderait pas à repasser derrière la caméra, à la demande de Josiane Balasko, pour réaliser Nuit d’ivresse, qui attirerait 1,4 millions de français dans les salles. Mais si ce confortable succès aurait logiquement pu lui permettre de continuer sa carrière dans le petit monde de la comédie française, il n’en fut finalement rien : il travaillera ensuite à la mise en scène et au rodage d’un des premiers spectacles de Patrick Timsit, intitulé « Timsit déboule et débite au Splendid », avant de réaliser un épisode pour la série Sueurs Froides de Claude Chabrol en 1987 et de se tourner vers la publicité.
Son deuxième long-métrage ne sortirait finalement qu’en 1995 : Les Truffes utilisera plus ou moins le même schéma narratif que Nuit d’ivresse, mais en adoptant le style du road-movie. On assistera donc plus ou moins à une suite de sketches, comme censés marquer les étapes d’une traversée de la France en forme de rédemption pour Jean Reno et Christian Charmetant – de Tourcoing à Narbonne « Plage ». Le film est coécrit par Bernard Nauer et Philippe de Chauveron, futur scénariste réalisateur du formidable Les Parasites (1999), qui rencontrerait un grand succès avec sa saga Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? (2015). Ce qui apparaît comme très amusant à la découverte des Truffes, c’est qu’il semble qu’on y retrouve beaucoup de ses deux scénaristes.
L’attachement à la bonne chair, et en particulier au vin, est ainsi l’objet d’une séquence surréaliste durant laquelle un vieux vigneron met à sac sa cave en compagnie des deux héros des Truffes, Jean Reno et Christian Charmetan. Le personnage du vigneron, qui était à l’origine prévu pour Jean Carmet mais fut repris par Jean-Paul Roussillon à la mort de ce dernier, déclame donc tout son amour du vin au détour d’un monologue dont la paternité est à coup sûr à attribuer à Bernard Nauer. En effet, en 2013, le cinéaste a choisi de tourner le dos à ses activités artistiques pour se consacrer à sa passion du vin. Il devint le sommelier officiel du Championnat amateur de dégustation à l’aveugle, organisé par la Revue du Vin de France, et créa en 2014 un site de vente de vins en ligne : La Cave des Potes.
On retrouve également beaucoup de la plume de Philippe de Chauveron dans Les Truffes, et notamment dans sa liberté de ton et son côté « politiquement incorrect ». Beaucoup de wokistes et de Trolls de réseaux hurleraient sans doute à la mort si un film tel que Les Truffes sortait dans les salles aujourd’hui. On dénoncerait sans aucun doute son virilisme décomplexé, son racisme, son homophobie, de la même façon qu’on a pu critiquer pour les mêmes raisons les films de Philippe de Chauveron Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? (2015) ou A bras ouverts (2017). Aujourd’hui cependant, le scénario du film de 1995 nous permet de réaliser de façon encore plus certaine que l’écriture de Philippe de Chauveron puise ses racines dans un certain « esprit Canal » du début des années 90, et qu’il a probablement été énormément influencé par des programmes tels que Les Nuls, l’émission (1990-1992) ou BVP : Baffie vérifie la pub (1993), ou des humoristes tels qu’Albert Dupontel et Laurent Violet.
Il n’est d’ailleurs point étonnant avec le recul que Bernard Nauer, ami et collaborateur de Patrick Timsit, ait apprécié l’écriture haute en couleurs de Philippe de Chauveron. Et comme les deux gaillards semblent être de véritables francs-tireurs, Les Truffes s’imposera probablement comme l’un des films les plus grossiers que l’on ait jamais entendu dans le cinéma français. Les expressions vulgaires sont légion, mais ne sonnent jamais réellement « faux », au contraire : elles rythment incontestablement le film et lui donne un petit cachet de réalisme supplémentaire, dans le sens où beaucoup de gens s’expriment réellement de cette façon, ou du moins s’exprimaient comme ça au milieu des années 90. Pour autant, si on avait voulu opter pour un titre fidèle au vocabulaire utilisé tout au long du film, Les Truffes se serait probablement appelé Les Deux putains d’enculés de leurs mères. Ce qui aurait, peut-être, permis au film d’attirer un peu plus que 94.000 français dans les salles obscures !
Habitué depuis L’Opération Corned Beef à partager l’écran avec Christian Clavier, Jean Reno démontre une nouvelle fois avec Les Truffes son incroyable talent comique, dans la peau d’un boxeur raté rencontrant et se liant d’amitié un escroc notoire interprété par Christian Charmetant. Le duo fonctionne bien, il y a beaucoup de situations très drôles, telles que celle au cours de laquelle les deux personnages, complètement bourrés après avoir littéralement baigné dans le vin, répètent les chiffres « 43 » et « 22 » afin de ne pas dégueuler tripes et boyaux. Au casting, on reconnaîtra également quelques têtes connues, comme celles de Jean-François Derec, Didier Benureau, Julia Channel (ici créditée sous son vrai nom Julia Sow) ou encore Isabelle Candelier.
Bref, si Les Truffes s’est littéralement fait étriller par la critique l’année de sa sortie, le road movie rédempteur de ces deux losers et de leur petit cochon s’avère souvent surprenant et globalement assez amusant. Et en dépit d’un essoufflement certain sur la durée (un écueil que ne parviennent que rarement à éviter les films prenant la forme d’une suite de saynètes), le film s’avère un bel hommage à ces deux personnages de marginaux qui finiront, contre toute attente, par trouver le bonheur.
Le Blu-ray
[4,5/5]
Test de rattrapage pour Les Truffes, qui est sorti en décembre dernier en Haute-Définition grâce à l’acharnement de Gaumont à nous proposer, avec régularité, des films de catalogue retombés dans les limbes de la mémoire collective. Le film de Bernard Nauer a donc rejoint les rangs de la prestigieuse collection Blu-ray Découverte de l’éditeur (parfois également appelée Gaumont découverte en Blu-ray). Côté Blu-ray, le film semble avoir bénéficié d’une belle remasterisation : la définition est précise, les couleurs naturelles, les noirs sont profonds, et la restauration a pris soin de préserver le grain argentique d’origine. Bien sûr, les plans « à effets » (générique, mentions écrites, fondus enchaînés) accusent des effets du temps, mais le reste est d’une propreté et d’une stabilité tout à fait extraordinaires. Côté son, le film est proposé en DTS-HD Master Audio 5.1, et bénéficie d’un mixage dynamique et très immersif. On notera également la présence d’un mixage stéréo en DTS-HD Master Audio 2.0, qui nous propose un confort acoustique optimal : propre, équilibré, sans souffle ni crachotements intempestifs. Un sans-faute donc.
Du coté des suppléments, on trouvera tout d’abord un entretien avec Bernard Nauer (39 minutes). Il reviendra sur le projet Les Truffes qui, à l’époque, s’appelait On the road again, et qu’il désignait comme une « comédie sauvage ». Le scénario, tel qu’il a été tourné, représentait la dix-neuvième version du script et, selon l’aveu du réalisateur et coscénariste, l’ensemble avait été considérablement affadi. Il reviendra ensuite sur l’importance de Luc Besson dans l’investissement de Gaumont dans le film, sur l’ambiance extrêmement difficile sur le tournage (un « voyage au bout de l’enfer »). Il continuera avec la surréaliste présentation du film chez Gaumont, la mort de son attachée de presse, le changement de titre et d’affiche derrière le dos du cinéaste et du producteur Claude Besson, et pour finir le sabordage de la sortie du film. Il expliquera qu’il doit son salut à Patrick Schulmann, qui l’a présenté aux équipes d’Envoyé Special, et travailler dans le documentaire a été pour Bernard Nauer une totale renaissance. Il terminera en évoquant sa nouvelle vie dans le vin, et en revenant sur une projection de Dialogue de sourds en Corée du Sud lui ayant permis de découvrir que Les Truffes avait été un énorme succès au pays du matin calme. On continuera avec quelques images des essais des comédiens Vincent Goury et Isabelle Candelier (10 minutes).
Enfin, on se fera un plaisir de (re)découvrir le court-métrage Dialogue de sourds (1985, 10 minutes), avec les incroyables Pierre Richard et Jacques Villeret. Le film a été restauré et s’avère un véritable petit trésor d’humour noir, ancêtre des Sales histoires et de Bernie d’Albert Dupontel. Le film sera par ailleurs complété par un autre entretien avec Bernard Nauer (18 minutes), qui reviendra spécialement sur l’histoire du film, les relations avec Pierre Richard, les effets spéciaux, etc. Passionnant ! On terminera enfin avec la traditionnelle bande-annonce.
Merci Mickaël pour ce très sympathique article comme j’aurais aimé en lire plus souvent !
J’en suis très touché.
Vos infos et analyses sont toutes justes.
Et à l’inverse de certains journalistes, on sent que vous avez non seulement véritablement regardé ce Blu-ray et ses bonus… mais aussi fouillé le sujet en incluant des infos qui n’y sont pas.
Ce film tourné en 1994 fête ainsi ses 30 ans cette année !
C’est donc un vrai plaisir de vous lire et ajoute donc une seconde médaille à ma boutonnière après celle gagnée en Corée du Sud !
Sincèrement merci
Bernard Nauer
Comme le dit l’expression consacrée… « Merci Bernard ! »
Ma critique n’est que le reflet sincère de ma pensée !
Merci de votre retour et longue vie aux Truffes !