Les Ripoux
France : 1984
Titre original : –
Réalisateur : Claude Zidi
Scénario : Claude Zidi, Didier Kaminka, Simon Michaël
Acteurs : Philippe Noiret, Thierry Lhermitte, Grace De Capitani
Éditeur : Gaumont
Durée : 1h47
Genre : Comédie, Policier
Date de sortie cinéma : 19 septembre 1984
Date de sortie Blu-ray : 6 octobre 2021
René est inspecteur de police dans le 18ème arrondissement de Paris. Depuis des années, il tient son quartier à coups de combines. François jeune inspecteur fraîchement diplômé et droit comme la justice est le nouveau partenaire de René. La cohabitation s’annonce difficile…
Le film
[4/5]
Quelque-part entre l’élection de Mitterrand en 1981 et la naissance de SOS Racisme en 1984, le cinéma français a largement fait le constat d’un Paris en pleine déliquescence sociale. Explosion de la petite criminalité, drogue, prostitution, quartiers grouillants de taudis, immigration de masse, pauvreté, insécurité galopante… Des films tels que Tchao Pantin (Claude Berri, 1983), L’Arbalète (Sergio Gobbi, 1984) ou encore Brigade des mœurs (Max Pécas, 1985) tendaient par exemple à nous présenter, sur le registre dramatique, la face cachée de la capitale française. Mais le polar ne fut pas le seul genre à nous proposer cette vision urbaine, ethnique et sociale de Paris : des comédies telles que Les Ripoux (Claude Zidi) et Marche à l’ombre (Michel Blanc) préparèrent ainsi, courant 1984, le terrain à de nombreuses autres fantaisies ethnico-urbaines telles que Black Mic-Mac (Thomas Gilou, 1986), Lévy et Goliath (Gérard Oury, 1987) ou encore Les Keufs (Josiane Balasko, 1987).
C’est d’ailleurs sans doute grâce à sa vision de Paris, mi-subversive, mi-mélancolique, que Les Ripoux obtint trois César début 1985 (dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur). Car mine de rien, le film de Claude Zidi exploite plutôt habilement son contexte, dépassant la blague et les petites arnaques du personnage incarné par Philippe Noiret pour, par moments, pointer du doigt des dysfonctionnements plus profonds de l’administration – on pense par exemple à cette scène durant laquelle le personnage de Thierry Lhermitte est confronté aux recommandations préfectorales incitant les policiers à enregistrer moins de plaintes afin de ne pas faire gonfler les chiffres de la criminalité dans le Dix-huitième…
Bref, au-delà de la jolie galerie de portraits mettant en scène des personnages tous aussi tristes et solitaires les uns que les autres, Les Ripoux parvient tout de même à soulever quelques questions concernant le système. Bien sûr, Claude Zidi ne cherche pas à faire le procès de la corruption au sein de la police, et la critique amorcée çà et là n’a jamais la férocité d’un film tel que le L.627 de Bertrand Tavernier par exemple, mais elle a le mérite d’exister. Cependant, le registre du film est clairement celui de la comédie de situation en mode buddy movie, et il semble clair que le but de Claude Zidi n’était pas réellement de signer un « polar ». En ce sens, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’aucune « menace » ne vienne jamais réellement peser au-dessus des personnages du film : qu’il s’agisse des dealers, des macs, des putes, des voleurs à la tire ou des délinquants de tous poils, tous apparaissent finalement comme plus « pittoresques » que réellement dangereux.
De ce fait, Les Ripoux est construit sans véritable « fil rouge » dramatique : il s’agit d’avantage d’une « chronique », une suite de saynètes construite par Zidi et Didier Kaminka à partir des anecdotes de Simon Michaël, ancien policier. L’opposition entre les deux personnages principaux, d’âge et de personnalité opposées, est au centre du film et de tous ses ressorts comiques, d’ailleurs souvent efficaces. Le contraste entre le vieil ours magouilleur (mais sympathique) et le jeune ambitieux incorruptible s’impose ainsi comme le cœur des Ripoux. Pour ne rien gâcher, les dialogues sont régulièrement assez savoureux, navigant dans un registre désenchanté à la Michel Audiard – ils s’avèrent d’ailleurs plutôt bien servis par un Philippe Noiret en grande forme, secondé par Thierry Lhermitte ainsi que par l’excellent Julien Guiomar ou encore par Régine, qui parvient sans peine à tirer son épingle du jeu.
Si Les Ripoux a été célébré lors de la 20ème cérémonie des César du cinéma en 1985, le public avait également bien reçu le film de Claude Zidi – le film attirerait en effet presque six millions de français dans les salles en 1984, et ferait l’objet de deux suites, Ripoux contre Ripoux (1990) et Ripoux 3 (2003), que l’on abordera également dans les jours qui viennent. Les amateurs de jeux et/ou adeptes des vide-greniers se souviendront également que Les Ripoux avait également été adapté sous la forme d’un jeu de société en 1985 chez Schmidt, puis sous celle d’un étonnant jeu vidéo en 1987, jouable sur Atari ST et Amstrad CPC.
Le Blu-ray
[4/5]
Déjà sorti au format Blu-ray en 2014 sous les couleurs d’EuropaCorp, Les Ripoux réintègre aujourd’hui les rangs du catalogue Gaumont, qui lui offre une remasterisation solide. Le film de Claude Zidi nous est donc naturellement proposé au format 1.66:1 respecté, et ce nouveau Blu-ray nous fait profiter d’un gain sensible de précision par rapport à la précédente édition. L’image est lumineuse, et le piqué est très satisfaisant, le tout est proposé dans un master restauré parfaitement stable, avec un grain argentique parfaitement préservé. Côté son, Les Ripoux dispose d’un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine, fidèle au film tel qu’on le connaît depuis presque quarante ans. Du beau travail donc ! On notera par ailleurs que le film de Zidi est disponible à petit prix dans la collection Blu-ray Découverte de l’éditeur (parfois également appelée Gaumont découverte en Blu-ray).
Du côté des suppléments, on trouvera un très intéressant entretien croisé entre Didier Kaminka, dialoguiste du film, et Thibault Decoster, auteur du livre « Le cinéma de Claude Zidi » (25 minutes). Thibault Decoster, qui a découvert le film à l’âge de neuf ans, y reviendra sur le statut un peu à part des Ripoux dans la filmographie de Claude Zidi, et révélera quelques détails de la production du film – on apprendra ainsi que Michel Audiard avait été contacté pour écrire les dialogues du film, et que comme à son habitude, Claude Zidi avait écrit, produit et réalisé le film, en véritable artisan d’un cinéma à l’ancienne. Le succès ne fut pas fracassant dès la première semaine d’exploitation mais assez progressif, fonctionnant essentiellement sur le bouche à oreille. Les deux intervenants évoqueront également l’accueil positif du film par la critique (une première dans la carrière de Zidi !), ainsi que la victoire surprise aux César.